Après des lettres de dénonciation adressées aux responsables de télévisions et au Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra), Hadja Maï Niang, directrice de Darray Sembene (Maison de la pédagogie de l’image), a tenu une conférence de presse hier, pour attirer l’attention sur les méfaits de certains programmes des chaînes de télévisions sénégalaises. L’enseignante-chercheure à l’université de Thiès a appelé les dirigeants de ces chaînes à plus de responsabilité par rapport à la diffusion de certaines émissions destinées au jeune public et sans aucune valeur éducative.
«La télévision constitue aujourd’hui au Sénégal, un véritable danger pour tous les parents et sert d’outil d’hypnotisation des consciences citoyennes.» C’est en ces termes que l’enseignant au lycée Keur Madiabel, Modou Guèye, a dénoncé les programmes diffusés sur les chaînes de télévisions sénégalaises. En conférence de presse hier, au siège de la Raddho, la directrice de Daaray Sembene (Maison de la pédagogie de l’image), Hadja Maï Niang, et le Professeur d’anglais, Modou Gueye, ont fait savoir que les chaînes sénégalaises sont «en train d’assassiner notre sens humain et d’anéantir le fabuleux projet de construction d’une société de valeurs». Selon M. Guèye, «la recherche effrénée d’argent, la carence professionnelle dont font montrent quotidiennement leurs employés sont la cause évidente de tant de dérives notées presque partout». Le professeur d’anglais au lycée Keur Madiabel voit les émissions Sen petit Gallé, Dinama nekh, Un café avec, comme un moyen de «perversion à haute définition». En d’autres termes, M. Guèye considère ces émissions comme un outil de «dislocation et de la désintégration du tissu social de base, de la dépravation des mœurs, de la promotion des antivaleurs et de l’ignorance, du détournement des consciences mineures, de l’agression des âmes faibles, du délaissement de l’idéal éducatif». Parlant du cas spécifique de Sen petit Gallé, M. Guèye souligne que cette émission, se voulant «promotrice des génies chanteurs et danseurs en herbe, est la pire forme d’exploitation des enfants que nous connaissons au Sénégal».
«Sen petit Gallé, pire forme d’exploitation des enfants»
L’émission Sen petit Gallé a été surtout mise au banc des accusés. Au-delà de la perversion des mœurs, M. Guèye et Hadja Maï Niang attirent l’attention sur les conséquences psychologiques et sociologiques qui guettent les candidats à cette émission qui sont tous des mineurs. «(…) Une analyse plus profonde de l’émission sous l’angle pédagogique, nous a permis de voir que les candidats à des compétitions de ce genre, tous des mineurs, sont mis dans des situations psychologiques et sociologiques que même les adultes souffriraient à confronter», a regretté M. Guèye. Abondant dans le même sens, Hadja Maï Niang est revenue dans les détails, sur les conséquences psychologiques de ces pratiques sur les enfants. D’après l’enseignante-chercheure, «l’idée de faire accompagner l’enfant par un chanteur connu, peut développer chez lui un sentiment de vivre l’adulte et la star». Poursuivant ses explications, elle souligne que «l’enfant chanteur et le spectateur enfant risquent d’être affectés au point d’être un fan qui copie machinalement des actes, comportements et le port vestimentaire de la star adulte».
De l’avis de l’enseignante chercheure, «une telle métamorphose de l’enfant peut provoquer une croissance mentale précoce qui l’expose à la pédophilie, l’alcoolisme et à la drogue». Indexant Sen petit Gallé, Hadja Maï Niang soutient qu’il a été remarqué que «la direction artistique de l’émission tient à habiller les enfants décemment». Mais pour Mme Niang, «l’habillement si correct soit-il ne peut pas combler les dégâts mentaux et comportementaux que des émissions de ce genre peuvent poser à l’enfance». «Au théâtre, au cinéma, à la télévision, l’adulte joue un rôle, alors que l’enfant vit un rôle qu’il prolonge en se transformant dans la vie réelle», a-t-elle analysé. Partant d’exemples précis de Darray Sembene de Thiès, elle a montré que la vie d’enfants devenus stars très tôt est lourde de conséquences. «L’histoire nous rappelle que nombreux sont les enfants mis sous le feu des projecteurs et qui ont eu une triste histoire. Nous retenons la vie bouleversée des Jackson Five ou le cas du petit chanteur Jordi dont le succès international précoce a divisé sa famille. Le même Jordi a subi plusieurs cures de désintoxication», a-t-elle expliqué. Partant de toutes ces considérations, Hadja Maï Niang et ses camarades appellent à plus de responsabilité pour mettre fin à des pratiques de genre néfastes pour l’éducation des enfants.
Le Quotidien