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En filigrane : Chambre d’étudiant avec vue sur le bled

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Il y a des évidences dont il faut, parfois, rappeler l’existence. Juste pour dire ce qui peut être fait et ce qui ne peut l’être. Pour le commun des mortels, on ne l’attend pas souvent des hommes politiques. C’est faux. Ils savent s’y mettre quand la situation l’exige, quand la défense de leurs intérêts le demande. Certains d’entre eux usent volontiers de la langue de bois, par habitude et par calcul. Ils ne veulent heurter personne. Je m’étrangle de rire chaque fois que j’entends des politiciens dire doctement, reprenant je ne sais quel politologue, qu’en politique, mieux vaut additionner que soustraire.

Contrairement à ceux-là, d’autres hommes et femmes actifs dans le champ politique n’hésitent pas, des fois, à asséner publiquement des vérités à leurs militants ou aux citoyens de tous bords, demandant toujours plus aux élus et adeptes du service minimum en matière de citoyenneté.

L’autre jour, devant les caméras de la télévision nationale, le Premier ministre du Sénégal a fait une déclaration qui mérite qu’on s’y attarde un peu. Que dit le Premier ministre ? S’adressant à des étudiants de sa région d’origine en grève pour « forcer » les élus de la région, à commencer par le Premier ministre, à mettre à leur disposition des immeubles à usage d’habitation à Dakar, il dit que ce n’est pas à lui de leur offrir de telles commodités. Il l’a certes fait pour les étudiants de la ville dont il est maire en puisant, précise-t-il, dans sa cassette personnelle. Ce geste, il ne peut pas le répéter au bénéfice d’autres étudiants, même de sa propre région, parce que, d’une part, il n’en a pas les moyens et, d’autre part, la fonction qu’il occupe l’oblige à être équitable dans tout ce qu’il entreprend ès qualité.

Autrement dit, si d’aventure il offrait des logements à ces étudiants, il devrait en faire de même pour tous les autres étudiants du Sénégal. Ce qui est impossible. Et, élevant le ton et rappelant ses années d’études à l’université, le Premier ministre a soutenu que les pressions n’ont pas de prise sur lui et que celui qui sollicite une assistance doit savoir le faire avec courtoisie et délicatesse.

Voilà ce que j’ai entendu de la bouche du PM. Je ne connais pas, dans le détail, les tenants et aboutissants de cette affaire dont la partie émergée serait cette déclaration et les manifestations des étudiants. Ce coup de poing sur la table de ce leader politique est, pour moi, comme un coup de pied dans la fourmilière. Un bol d’air frais dans cette atmosphère où les discours sont un peu trop convenus. Une pincée de parler vrai, de temps à autre, fait du bien. Les politiciens aiment trop caresser dans le sens du poil tous les mécontents, opportunistes, lanceurs de pavés professionnels, enfants gâtés.

Depuis quelques années, les élus locaux ont fait beaucoup d’efforts pour mettre à la disposition des étudiants originaires de leurs localités et terroirs des immeubles à Dakar. C’est une très bonne initiative. Il est dans l’ordre des choses que les collectivités locales complètent les efforts de l’Etat en offrant à l’élite de demain de leur région, commune et communauté rurale davantage de chances de réussir leurs études supérieures. Le revers de la médaille est que cette assistance n’est pas souvent sélective. Tous les bacheliers ne sont pas aptes à poursuivre leurs études à l’université. Tous les bacheliers ne sont pas issus de familles dont les enfants ont besoin d’être épaulés par d’autres pour suivre les cours à l’université. Mettre tout le monde dans le même sac est, il nous semble, le meilleur moyen de gaspiller des ressources de toute une communauté pour peu d’efficacité.

La contribution des collectivités locales et même celle des leaders politiques devraient, si tel n’est pas encore le cas, promouvoir l’excellence, la compétition et développer le culte du travail dans un cadre organisé, avec des règles claires, acceptées par tous. Le gîte et l’aide scolaire iraient ainsi aux moins nantis des meilleurs inscrits à l’université et une discrimination positive en faveur des jeunes filles instituée. Des bourses de formation de courte durée seraient offertes aux autres.

Le gîte qu’on offre à ces étudiants, c’est, virtuellement, des chambres avec vue sur leur bled. Pour que ceux qui y vivent n’oublient pas d’où ils viennent et les sacrifices consentis par les membres de leurs communautés, à travers les collectivités locales.

Tout cela devrait être organisé dans la plus grande transparence et dans l’équité. Ce qui est fait aujourd’hui est un bon début. Qu’un élu paye de sa poche le loyer d’immeubles pour étudiants devrait être une situation transitoire. Cela devrait être l’affaire des collectivités locales appuyées par des hommes et des femmes qui ont les moyens et la volonté de contribuer à la formation de l’élite de demain.

Ainsi, les étudiants et futurs cadres ne seront pas les obligés de tel ou tel homme politique ou nanti, mais de jeunes qui, une fois dans la vie professionnelle, sauront qu’ils doivent une partie de leur réussite à leur propre communauté. Ils auront ainsi la claire conscience qu’ils devront, eux aussi, quand viendra leur tour, rendre au centuple ce qu’ils avaient reçu des autres.

Par El Bachir SOW

LESOLEIL.SN

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