En prison depuis 24 ans : Retour sur la vie de Pape Ndiaye, le Benjamin de la bande à Ino

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XALIMANEWS-Une date : 6 octobre 2008. Un procès : celui de la bande à Ino et Alex poursuivie pour viol collectif, agressions, association de malfaiteurs, braquages en série. Ce jour-là, la Cour d’Assises de Dakar a prononcé les travaux forcés à perpétuité contre 13 membres de la bande, dont Pape Ndiaye. Ce dernier qui croupit toujours en prison était le benjamin des complices de Ino, auteurs deux évasions spectaculaires de Rebeuss, l’une en 1999, l’autre en 2001. Pape a une histoire singulière, mais pour la connaître, il faut retourner là où tout a commencé : sa terre natale, Rufisque, au quartier Fass. C’est ici qu’est né l’un des plus anciens détenus de l’histoire judiciaire du Sénégal. Son nom : Pape Ndiaye.

Il y a quarante-deux ans, un matin du mois de juin en 1978, les pleurs d’un nouveau-né retentissaient dans l’une des maisons de cette paisible rue du quartier Fass de Rufisque. Une maison composée d’un seul bâtiment figé au beau milieu, aux murs qui semblent noircis par la fumée. Toujours fermée, la porte rongée par la rouille, la maison paraît aujourd’hui inhabitée. «Tapez fort à la porte pour vous faire entendre», conseille un voisin qui, quelques minutes plus tôt, nous avait désigné du doigt la maison de Pape Ndiaye. «Lequel des Pape Ndiaye», avait commencé à interroger le voisin. «Celui qui est en prison», la  réponse ne semble pas le heurter. En effet, à Fass-Rufisque, l’histoire de ce jeune homme dont les faits d’armes ont pendant longtemps noirci les pages des journaux, est connue de tous. «Sans lui, peut-être que notre quartier ne serait jamais connu», sourit un autre voisin.

Lorsque la porte de la maison s’ouvre enfin, c’est une jeune fille, ronde, taille moyenne visage légèrement dépigmenté qui accueille et nous conduit auprès de Touty Guèye, la mère du plus ancien détenu au Sénégal. «Tout a changé ici avec l’absence de Pape, la solitude, les moyens qui manquent, nous n’avons plus assez de forces pour supporter tout ça en même temps», se plaint Touty qui, surprenant notre regard s’attardant sur la maison dépourvue d’éléments de confort, se lance dans une tentative d’expliquer leur modeste condition de vie. La soixantaine dépassée, le visage gagné par des rides, ses yeux se noient dans les larmes lorsqu’elle évoque Pape Ndiaye. «C’est mon unique fils», explique-t-elle, la tête basse. Prise de pitié pour ce fils unique qu’elle a vu pour la dernière fois libre en 1988 avant de s’envoler pour la Mauritanie, Touty Guèye est formelle : «Mon fils, le sort ne lui a joué que de mauvais tours.»

Pourtant, en juin 1978, à la naissance de Pape Ndiaye, c’était la grande joie dans la famille maternelle au quartier Fass et à Dangou au domicile du père où le jeune Pape Ndiaye va grandir sous le regard attendrissant de sa mère et de sa famille paternelle. «C’était la toute première naissance d’un fils dans la famille composée pour l’essentiel de femmes», se rappelle encore Khady Guèye, la tante. Hélas au bout de huit ans, un malentendu survient chez les parents du jeune Pape Ndiaye qui choisissent alors de se séparer. Le garçon, ballotté entre les deux quartiers de Fass où est retournée sa mère et Dangou où réside son père, démarre ses humanités et découvre l’environnement scolaire. Ce fut un passage bref. Il quitte l’école primaire au bout de trois ans et finit par s’établir définitivement au domicile de son père, lorsque sa mère se remarie et s’envole rejoindre son nouvel époux en Mauritanie. Livré à lui-même, il découvre très tôt la rue, malgré les tentatives de son père de l’initier au métier de boulanger. Les billes et le babyfoot occupent ses journées à Dangou où les habitants gardent encore du jeune garçon, l’image d’un adolescent calme qui s’énerve très rarement. «Les rares fois où on pouvait le voir se bagarrer, c’est lorsqu’il perdait une partie de billes», témoigne un habitant, encore surpris de la brusque métamorphose du garçon qui s’éloigne très souvent du cocon familial pour rôder aux abords des abattoirs de Rufisque.

Le vol de mouton qui a changé sa vie 

Le garçon qui flirte désormais avec la rue et le danger, intègre une bande de jeunes et se retrouve impliqué dans un vol de mouton à la Seras de Rufisque. «Il avait à peine 18 ans», se rappelle Khady Guèye, sa tante. Une affaire loin d’être banale, comme a voulu le faire croire sa tante qui, à l’absence de Touty, mère de Pape Ndiaye, était allée assister au procès. «Après son arrestation pour vol de mouton, j’ai tout fait pour connaître la date d’enrôlement de l’affaire dans laquelle Pape était impliqué. Le jour du jugement au tribunal de Rufisque, j’étais sonnée quand le verdict est tombé», confie Khady Guéye. Condamné à deux ans de prison ferme, du fait des circonstances aggravantes dans lesquelles le vol de mouton a été commis, Pape Ndiaye découvre le séjour carcéral au moment où il venait d’étrenner ses dix-huit ans. «Il a manqué de chance, il aurait pu, avec un recul de quelques mois, être emprisonné à la prison des mineurs à Fort B», explique un avocat.

Ino le prend sous son aile à la chambre 10 de Rebeuss 

Devenu un pensionnaire de la prison de Rebeuss, en 1996, le timide garçon à l’allure frêle semble perdu lorsqu’il rejoint la chambre 10 où il va cohabiter avec des malfaiteurs de renom impliqués dans des cambriolages et des vols de voitures. Des faits retentissants qui ont, pendant plusieurs années, tenu le pays en haleine. Alioune Abatalib Samb alias Ino, Boy Nar et Babaly Traoré règnent en maître dans cette chambre 10 et sont considérés comme des vedettes par les autres détenus dans la cour, à l’heure de la promenade. Pape Ndiaye, qui semble perdu dans cet univers carcéral, obtient un soutien de taille : Ino le prend sous son aile, le protège et le traite comme son petit-frère. Hélas, cette rencontre avec ces caïds de renom va littéralement changer la vie de Pape Ndiaye. Son séjour de deux ans qui aurait pu se dérouler normalement et lui permettre à terme de retrouver sa ville natale Rufisque, va au contraire lui faire découvrir le grand banditisme. Sous le tutorat de Ino, il découvre plein de choses et assimile vite les techniques de cambriolage. Devenu majeur, son intelligence attire l’attention de Ino qui, sans hésiter, le met au parfum et décide de l’associer à son projet d’évasion de Rebeuss. L’exercice est à hauts risques, mais aux côtés de celui qui est admiré par la plupart détenus, il n’y a point de place pour la peur.

L’évasion en compagnie de Ino 

Sans que personne ne s’en doute, Alioune Abatalib Samb prépare minutieusement l’évasion. Puis dans la nuit du 02 au 03 février 1999, tout se passe sans histoire ou presque. Profitant d’une baisse des effectifs des gardes pénitentiaires cette nuit-là, Ino et ses amis, dont son jeune protégé Pape Ndiaye, passent à l’action. Les résistances sont faibles et, surtout, pas de taille à les décourager. «Nous sommes armés et prêts à tirer sur tout ce qui bouge !» Une phrase devenue célèbre à Rebeuss et qui montre combien, en lieu et place de la force, Ino et ses amis ont su faire preuve d’intelligence pour s’évader : ils n’étaient tout simplement pas armés, en tout cas pas d’arme à feu. Mais cette phrase d’Ino a tué dans l’œuf toute velléité de s’opposer à leur évasion. Dehors, l’élève Pape Ndiaye suit le prof Ino et ensemble, ils vont à nouveau opérer plusieurs casses avant de décider de se séparer. Groupés, ils pouvaient attirer l’attention et se faire dénoncer, surtout que Ino portait toujours le pull-over arraché des mains d’un garde pénitentiaire blessé.

Arrestation et retour à Rebeuss

Lorsque l’initié décide de s’affranchir du maître, Pape Ndiaye choisit la Gambie comme terre de refuge. Là-bas, il est arrêté par la police locale avant d’être reconnu comme étant de la bande à Ino. C’était en juin 2001. Des gendarmes, dont l’adjudant-chef Aly Konté, sont ainsi dépêchés chez le président d’alors Yaya Jammeh pour cueillir le fugitif et le ramener sous bonne escorte à Dakar. Un mois plus tard, alors que toute la bande avait été arrêtée et ramenée en prison, une mutinerie éclate à Rebeuss le dimanche 15 juillet 2001. Cette fois, la cavale sera de courte durée.

En 2008, au cours d’un procès qui s’est étalé sur deux semaines, la condamnation aux travaux forcés à perpétuité est prononcée à l’encontre de Pape Ndiaye et de ses autres acolytes, malgré les exceptions de nullité soulevées par son avocat, Me Amethi. La vie du garçon de Touty Guèye venait de basculer à jamais…

L’Observateur

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