Du mirage au bitume, l’autoroute à péage porte la grande métaphore d’un pays réconcilié avec ses vertus essentielles : l’unité autour de la République. Un maire opposant qui reçoit le chef de l’Etat peut céder à la tentation de la posture dénonciatoire. Le contexte prête au flot de passions politiques voire politiciennes. Sous un autre rapport, un président de la République, dont le parti a perdu une localité importante dans l’ensemble dakarois, aussi bien au plan stratégique que politique, peut être tenté d’oublier cette ville. Rufisque nous a offert un autre spectacle. Le maire Badara Mamaya Sène n’a pas renié son projet de ville. Il l’a d’ailleurs opposé, avec bonheur, à celui du Parti démocratique sénégalais (Pds) aux dernières élections locales. Une ville au cadre de vie attrayant, une vie décente, une éthique de gestion locale : le programme reste d’actualité. Ce maire a appelé ses administrés à recevoir le chef de l’Etat. Pas à servir des vivats à tout va, mais à offrir à une institution l’hospitalité nécessaire à la tenue d’un dialogue serein avec des citoyens. L’ancien arbitre international n’a pas renié le sens du sacerdoce aussi bien sur le rectangle vert que sur le champ républicain : la justice. Il n’a pas choisi le chemin le plus facile, contrairement aux apparences. Les routes de la lucidité républicaine sont pavées d’embûches. Celles-ci sont inspirées par un subjectivisme que seul peut vaincre le courage de faire des choix productifs. Dans son discours, le maire a été le porte-voix des Rufisquois : routes, cadre de vie, érosion côtière, adduction d’eau, électricité, habitat, équipements socio-éducatifs, etc. M. Sène ne souffre pas d’un orgueil suicidaire et préjudiciable au vécu des Rufisquois. « Seuls, nous ne pouvons développer cette ville ; il nous faut l’accompagnement de l’Etat pour y arriver », dit-il. La posture du maire, en elle-même, est une grosse métaphore de l’appel d’air. Le président de la République, accueilli aussi bien par l’opposition que par les militants de son parti, a choisi le ton et le contenu d’un discours républicain. Au-delà de l’autoroute à péage dont l’utilité économique et sociale n’est plus à démontrer conformément aux répercussions déjà positives sur le quotidien des banlieusards, un programme spécial de 36 milliards Cfa est retenu pour la ville de Abdoulaye Sadji. D’éprouver un « sentiment de honte » lorsqu’il traverse la vieille cité coloniale incite le président de la République à se placer au-dessus des considérations politiques pour construire, avec les autorités locales qui ne sont pas de son camp politique, Rufisque. Le camp du Sénégal est le plus fort : « Mon défi est de doter Rufisque d’un cadre de vie adéquat, dans un environnement assaini, avec des opportunités d’emplois pour la jeunesse… Rufisque doit répondre à sa vocation de ville relais et non d’être un goulot d’étranglement »… Demain, Badara Mamaya Sène reprendra le chemin des ses opinions critiques et le président Wade exercera le droit de regard de l’Etat sur la gestion des ressources publiques… 2010 sera donc l’« année des grands travaux pour Rufisque » et celle « de concorde nationale, de fervente communion autour des idéaux d’harmonie nationale et de fraternité humaine. » Voilà les balises pour tous ceux qui sont appelés à fêter l’anniversaire du grand quinquagénaire à la tête de lion, le Sénégal. Le bel élan, qui a animé les différents camps politiques à Rufisque, aurait pu porter le lancement de ces festivités. Libéraux, socialistes, centristes, communistes, entre autres, doivent à ce pays l’adhésion à l’idéologie sans coloration de chapelle : le consensus national. Les Sénégalais de tout bord ont dix mois pour marcher à la cadence populaire d’un événement national. L’élan de Rufisque aurait pu baigner le stade Léopold Sédar Senghor, samedi dernier. Cinquante ans d’indépendance du Sénégal, ce n’est pas un slogan politique ; c’est le temps de la communion autour des fondamentaux de la République, du legs social, des acquis et perspectives économiques, des nécessaires progrès à faire… Un espoir à entretenir encore et toujours. Le consensus insuffle à ce pays la force d’un de ses symboles, le baobab. Une nation unie autour des défis qui l’interpellent a peu de chances de souffrir d’arthrose à l’orée de ses cinquante ans. Et des défis, il en existe pour ce peuple qui doit être préservé de la pire des solitudes : l’absence et la démission de ses enfants valeureux. De tous ses enfants ! Car cinquante ans, au-delà des convergences, des divergences, des attentes déçues et des promesses de mieux-être, est un rendez-vous avec la jeunesse appelée à continuer l’œuvre des pères fondateurs et de leurs successeurs. C’est donc un pari pour l’avenir. La classe politique a le devoir d’offrir, à la postérité, un meilleur exemple qu’une guerre des tranchées qui reprend de plus belle à chaque fois que les mots arrêtent de crépiter. Le danger, pour ce pays appelé à traverser les temps et les épreuves, c’est de confiner ses destinées aux seules frictions qui, du reste, relèvent de la pure vérité des contingences politiques. Le danger, c’est d’oublier qu’il y a un avenir à bâtir en dehors des positions partisanes. Les coteries politiques sont des articulations du grand corps démocratique. L’engagement sincère autour des plus grandes urgences républicaines en est l’oxygène. Cet engagement fait de la République la plus grande et la plus belle des coteries. Les partis ne sont pas les seuls à aimer ce pays. D’autres Sénégalais militent dans des formations pas forcément politiques : les opérateurs économiques, Ong, acteurs sociaux de l’Etat ou du privé, sportifs, ingénieurs, banquiers, architectes, urbanistes, avocats, enseignants, écrivains, médecins, journalistes, etc. A cinquante ans, un pays entouré d’affection par ses enfants, tous ses enfants, est forcément jeune. Par Habib Demba FALL lesoleil.sn |
En quelques mots afin: que ce quinquagénaire ait l’âge d’un vigoureux baobab… Par Habib Demba Fall
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