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ENQUETE APROSI – Diamniadio : Zone spéciale à scandales – les ramifications d’une mafia

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XALIMANEWS-L’Agence de Promotion des Sites Industriels (APROSI) est « dévorée » de l’intérieur. Un véritable traquenard financier y est installé et entretenu par une mafia aux ramifications insoupçonnées. Le Directeur général, Momath Ba, est le chef d’orchestre. Il est en complicité avec quelques agents hauts placés, dont certains sont membres de sa famille, des chinois, un cabinet de notaire, de proches amis, des maires issus du département de Nioro. Des investigations menées, suite à une dénonciation anonyme, sur une période de 30 jours, ont permis de débusquer des scandales qui laissent pantois.

À la suite d’une dénonciation anonyme, PressAfrik a rondement mené une enquête de plus d’un mois à l’APROSI. Derrière cette façade qui jouxte ou surplombe l’autoroute à péage, à une trentaine de kilomètres à la sortie de Dakar, opère une véritable mafia composée de “rapaces voraces” qui dépècent le Domaine Industriel de Diamniadio et la Plateforme industrielle intégrée de Diamniadio (P2ID). 

DID et P2ID, des projets révolutionnaires dilapidés
 
L’Agence d’Aménagement et de Promotion des Sites Industriels (APROSI) est une structure administrative autonome, placée sous l’autorité hiérarchique du ministère de l’Industrie par le décret 2001-981 du 07 octobre 2002. Elle a, entre autres, missions : « identifier, acquérir et constituer des réserves foncières, dans le respect de la législation en vigueur, pour l’aménagement de sites industriels en liaison avec la direction générale des impôts et des domaines (DGID), la direction de l’urbanisme et les collectivités locales concernées ».  Elle est aussi chargée de mieux structurer la forme d’appui de l’Etat aux entreprises industrielles en matière d’affectation de sites, d’assurer l’aménagement et la promotion d’espaces bâtis destinés à des activités industrielles.  
 
L’APROSI compte deux grands domaines industriels. En effet, il s’agit du Domaine Industriel de Diamniadio (DID) qui s’étend sur une superficie de 149 ha avant de connaître une extension à 157 ha. Le deuxième est la Zone Économique Spéciale (ZES) présentée sous le vocable « Plateforme Industrielle Intégrée de Diamniadio (P2ID) » qui couvre 53 ha. Cette phase 2 fait partie d’un lot de 27 projets initiaux du Plan Sénégal émergent (PSE). Elle avait été considérée comme étant le projet phare, car devant supporter la croissance avec des entreprises de taille significative. En réalité, ce projet est conçu comme un écosystème de services performants et d’incitation, en vue d’impulser une accélération du développement industriel du pays. C’est cette deuxième phase qui a fait l’objet d’un festin incroyable. Les chinois ont repris, avec la manière, de la main gauche ce qu’ils ont donné par la main droite.  
 
En novembre 2018, le président Macky Sall inaugure la phase 1 de la plateforme. Le prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye a, aussi précipitamment, procédé à l’inauguration de la deuxième phase le 05 décembre 2023 alors que les travaux ne sont même pas encore terminés.  
 
65 milliards pour moins de 700 emplois
 
11h précises à Diamniadio. Ce mercredi 17 avril, c’est un soleil de plomb qui accueille l’équipe de PressAfrik. À gauche du poste de sécurité, les services des douanes, de la gendarmerie, entre autres, sont bien visibles. À moins de 800 mètres, le bâtiment administratif de l’APROSI trône au milieu d’imposants hangars. 
 
Après quelques minutes d’attente, le Directeur général, Momath Ba, l’air contrarié, nous reçoit dans son immense bureau. Après avoir cherché à comprendre l’objet de notre visite, il propose avec insistance une visite guidée dans le parc de la P2ID. Ainsi, des instructions sont données à la Directrice marketing, Mme Mbengue, née Fatou Barry et le directeur de la plate-forme, M. Samb qui avait une santé chancelante.  
 
M. Samb s’est livré à une brève présentation du parc à travers la salle d’exposition située au rez-de-chaussée et qui fait face au guichet unique de l’APIX. Ce qui permet d’avoir une idée de la cartographie de la plateforme et des industries qui l’occupent. Toutefois, il y a une grosse différence entre les tableaux présentés et la réalité du terrain. En effet, sur toute la façade qui surplombe l’autoroute à péage, toutes les grandes enseignes ont fermé boutique.  Il n’y a que l’entreprise de confection C&H Garment Sénégal qui tourne. Sans doute, c’est l’une des plus grandes entreprises de la plateforme en termes d’emplois créés. Sewecard et La société chinoise Sénégal Premier Équipement et Machines (SPEM) ne sont pas fonctionnelles. La première était chargée de la conception des cartes magnétiques et biométriques utilisées par les banques et certains opérateurs, tandis que l’autre était une fabrique de véhicules et d’engins deux roues électriques. À droite du bâtiment administratif, les hangars sont occupés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui y garde des ambulances qui sont quasiment hors d’usage. 

P2ID, repère d’entreprises fantômes
 
Sur les 53 ha, plus d’une vingtaine de hangars sont notés. En revanche, nous n’avons pu visiter que quatre firmes fonctionnelles avec quelques centaines d’emplois créés. L’usine chinoise de fabrication de cartons BaobaoShu SA, Galion, entreprise tunisienne s’activant dans la production d’emballage en plastique (avec 20 emplois créés), Sodipharm, grossiste répartiteur de médicaments. Même dans le bloc administratif où se trouve l’APROSI au premier étage, il y a des entreprises fantômes. Ils ont leurs enseignes bien visibles à l’entrée, mais n’y sont plus. C’est le cas de Nuhmerit, FedEx, ADS, pour ne citer que cela. 
 
Dans le projet et les supports de communication, il est annoncé la création de plus de 10.000 emplois à la P2ID. Sauf qu’après la visite des firmes en place, il n’y a même pas 1000 emplois. Au moins 70, voire 80% des emplois créés sont précaires. Pire, les étrangers sont préférés par rapport aux nationaux. Le prétexte servi par le Directeur général, ce sont les nombreuses contraintes en matière d’horaire de travail, de conditions de rémunération, de respect de la législation du travail. « Avec les Guinéens, les Burkinabés, les Maliens ou Sierra Léonais, ils peuvent travailler la nuit et c’est une main d’œuvre à bon prix » se targue M. Momath Ba qui rapporte les avis des industriels. Cette deuxième phase comporte trois types de hangars : ceux du type A sont de 7 900 m², pour le type B, il s’agit de 06 hangars  de 5 000 m² chacun et enfin 08 hangars de type C de 2500 m². En tant que projet intégré, tous les hangars sont équipés de restaurants et de vestiaires. Pour plus de commodités, un immeuble d’habitation d’une capacité de 1000 personnes pour accueillir les travailleurs de la plateforme et des entreprises riveraines est implanté à la périphérie de la zone industrielle.  
 
Sur cet espace de 53 ha, malgré ses nombreux hangars en préfabriqué, moins d’une dizaine d’industries y sont opérationnelles. Chaque firme paie 2000 francs CFA le mètre carré par mois à l’APROSI. 
 
Le modus operandi du carnage financier
 
Le Sénégal devra payer plus de 65 milliards FCFA à Exim Bank Chine alors qu’ils ont été intégralement consommés par des entreprises chinoises. Le consortium SRBG/CGCOC a été attributaire du « marché par entente directe (clé en main) relatif aux travaux de construction et d’aménagement de la Plateforme Industrielle Intégrée de Diamniadio Phase 2 ». Le contrat n° T0301/21, signé le 29 décembre 2020, devrait être bouclé en 24 mois dont 2 mois d’études. Tout est pris en compte dans le contrat dont nous avons copie. Mais curieusement, des volets de ce contrat ont fait l’objet d’avenants. Une autre incongruité à mentionner également, c’est l’inauguration de la P2ID le 5 décembre 2023 par le président de la République alors que les travaux sont loin d’être terminés et réceptionnés.  
 
Le carnage financier a été opéré sur la base de la vérification, la certification et la validation des matériaux de construction. Il s’est aussi fait à travers les décomptes des travaux du consortium chinois. En réalité, les entreprises contractantes devraient être payées en fonction des travaux réalisés et qui doivent faire l’objet d’attachement mensuel justifié et certifié par les bureaux de contrôle. Mais, cela n’a pas été le cas. Il y a une opacité telle que les bureaux de vérification refusent de se prononcer sur ce sujet. Malgré notre insistance, ils invoquent, la clause de confidentialité qui les lie avec APROSI. Des sources concordantes révèlent : « malheureusement, les décomptes de l’entreprise Chinoise n’ont jamais été certifiés par les bureaux d’études. Au contraire, les décomptes sont signés directement par le Directeur général, M. Momath BA, les chinois et le ministre de l’Industrie, Moustapha DIOP ».  

Des bureaux de contrôle servant faire-valoir
 
Pire, des sources internes déclarent que « ces soi-disant appels d’offres pour sélectionner des bureaux d’études sont justes de la mascarade. À notre avis, ils ne servent qu’à assurer et meubler un vol très professionnel en vue de brouiller les pistes en cas d’audit ». Des propos corroborés par le rapport d’audit de l’ARMP réalisé par Grant Thornton.  
 
Un ingénieur d’un bureau de contrôle a soufflé sous le couvert de l’anonymat qu’il y a pourtant bien « une liste de réserves de travaux mal exécutés soumise ». Momath Ba est ainsi, accusé d’avoir négocié une réception provisoire avec le consortium chinois avec une contrepartie financière. 
 
Si à l’APROSI des langues se sont déliées facilement à cause des frustrations et la colère qui grondent sérieusement au sein de l’entreprise, du côté des chinois, il n’y a rien à filtrer. Ils ne parlent pas et évitent tout contact.  
 
Des questionnements sur la sélection des trois bureaux de contrôle. SCAT Internationale S.A s’occupe du lot 1, pour le suivi et le contrôle des travaux de construction des hangars d’usines industrielles, des bâtiments et des ouvrages divers). ICA est chargé du lot 3 concernant la voirie, l’assainissement, le terrain de football et les divers réseaux. Enfin, SOTERCO est attributaire du lot 2 relativement au suivi et au contrôle des travaux d’électrification. 
 
Le directeur général de l’APROSI, lors de notre entretien, a reconnu que l’un des PDG de bureau de contrôle sélectionné est son camarade de promo à l’école polytechnique. 
 
Des agents de l’APROSI qui ont été interpellés dans cette enquête sont très sceptiques sur la présence de SCAT Internationale SA. Selon les procédures, s’accordent-ils à dire: « il ne devrait pas être shortlisté. Ils ont précisé que « ce bureau de contrôle n’a pas vocation à signer des décomptes. Il a un statut de bureau de contrôle technique agrée » Il juge suspecte la complicité entre les deux directeurs généraux.

?Des hangars métalliques industriels et des bâtiments R+5 sans architectes
 
APROSI et des cabinets d’architecte sénégalais sont à couteaux tirés. L’affaire est pendante devant la justice. Atépa Goudiaby et Thiao/Kandji étaient impliqués dans la première phase avant d’être éjectés dans des conditions peu orthodoxe dans la mise en œuvre de la P2ID. Ils accusent l’APROSI d’avoir utilisé frauduleusement leurs œuvres. L’ordre des architectes du Sénégal et des travailleurs de l’APROSI se posent la question : « Comment des hangars métalliques industriels et des bâtiments jusqu’à un niveau R+5 peuvent être construits sans la supervision d’architectes?? » 
 
Sur cette question, Momath Ba s’est défendu et soutient que « ces deux cabinets d’architecte ont perdu cinq fois devant la justice ». Il souligne : « puisque c’est un projet clé en main, les chinois s’occupent de tous les volets. Ce sont eux qui ont proposé leurs architectures ». Croyant que ce sont les architectes qui sont derrière cette investigation, le Directeur général de l’APROSI s’en est vertement pris à Pierre Goudiaby Atepa. « Il avait réclamé 3 milliards, or les ressources ne le permettaient pas. C’était juste une enveloppe de 750 millions qui était prévue pour cette partie ». Et d’ajouter: « Atépa s’est plaint jusqu’auprès du président de la République d’alors, Macky Sall. Il me l’a passé au téléphone, mais j’ai dit la vérité au président ». 
 
Le président de l’Ordre des Architectes, Massamba Lamsar Diop révèle : « je suis arrivé en janvier, on ne m’a pas parlé de ce dossier. C’est après mon installation que j’ai été saisi par le tribunal pour venir témoigner. (…) Dans ce pays, on n’a pas le droit de faire des projets d’architecture de cette envergure sans architectes, sans maître d’œuvre. Parce que les plans utilisés sont architecturaux. Mais qui a signé l’autorisation, qui a dessiné les plans », se questionne le patron des architectes du Sénégal.  
 
Du côté du cabinet Thiao/Kandji, l’on ne souhaite pas s’épancher sur le dossier. Joint au téléphone, son directeur, principal concerné, a décliné gentiment. « L’architecte a prêté serment donc ne peut se prononcer dans certaines conditions surtout que c’est un dossier qui date ».

PressAfrik

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