Au commissariat de Dieuppeul, c’est le calvaire pour se faire établir une pièce d’identité. La demande est tellement forte qu’on est obligé de passer la nuit à attendre son tour devant le bureau de dépôt. En ce moment d’autres optent pour la facilitation. Du coup la magouille s’installe au cœur de ce commissariat comme dénoncée dans une contribution (voir texte ci-dessous). Un tour pendant quelques jours dans les lieux permet d’en avoir le cœur net.
4 heures du matin passées de quelques minutes devant le commissariat de Dieuppeul. Simon Ndiaga Kouka est assis sur une grosse pierre qui jouxte les murs de cet édifice public. Il somnole en se balançant sur une main, la tête dodelinant au vent. Tantôt, il s’étire comme pour se libérer d’une mauvaise énergie. En face de lui, deux voitures L200 de la Police sont soigneusement garées. Dans l’espoir de faire partie des 70 personnes qui seront retenues, le lendemain matin, pour remplir les formalités de dépôt de dossier permettant d’obtenir une Carte nationale d’identité (Cni), le jeune Simon s’est présenté très tôt au commissariat de Dieuppeul, ce mardi. Dans une position pas du tout confortable, il attend l’ouverture d’une liste d’inscription. Mais, nombreux sont ceux qui se sont présentés avant lui.
Dans la perspective de la prochaine élection présidentielle de 2012, la Carte nationale d’identité, permet aux citoyens en âge de voter de se faire identifier en vue de s’inscrire sur les listes électorales. Mais au lendemain de la clôture de ces inscriptions sur les listes électorales, c’est toujours le grand rush dans ce commissariat où est installé un bureau de dépôt de pièce d’identité nationale. Dès l’aube, les demandeurs sont éprouvés par les longues files d’attente. Chaque jour, de longues et pénibles chaînes humaines se forment à partir de quatre heures du matin pour déposer leur dossier. Certains, après avoir subi la rude épreuve de la queue, n’hésitent pas à quitter les rangs en toute nervosité. «Je n’en peux plus. Je rentre», s’exclame une fille, la vingtaine révolue.
Un rush qui rime avec calvaire
Le problème se pose de façon cruciale aux personnes qui ont perdu leur Cni ou qui n’en ont pas encore. Ces solliciteurs de cette pièce administrative, qui, comme la plupart des autres dans le même cas, doivent établir un certificat de perte pour la déposer en complément dans le dossier pour l’obtention de la Cni. Mais, le calvaire est le même pour la plupart des demandeurs. Au commissariat de Dieuppeul, ces derniers courent derrière un dépôt, parfois pendant plusieurs jours. Il faut se présenter à quatre heures du matin, ou même avant, pour espérer figurer sur une liste de personnes qui pourront ainsi déposer vers huit heures. Pour ceux qui se présenteront après cette heure, rendez-vous leur sera donné pour le lendemain.
Tabara Dieng, trouvée sur place la semaine dernière, indique qu’il lui est impossible d’effectuer des retraits d’argent auprès des banques ou des agences postales, parce qu’elle a perdu sa Carte nationale d’identité. «Je demande souvent à mes collaborateurs de libeller un chèque au nom de nom fils, parce que je ne possède pas de Carte nationale d’identité», lance la dame Tabara Dieng au milieu de la longue file, qui fait le décor quotidien, depuis plusieurs jours, face au bureau de dépôt de pièce d’identité nationale, au commissariat de Dieuppeul.
Un agent en fonction dans ce commissariat explique le rush par le fait que «les demandeurs attendent les dernières heures pour venir en masse». «Nous sommes obligés de bosser dur pour espérer enregistrer le maximum de demandeurs. Les gens sont habitués à utiliser le permis de conduire comme pièce d’identification ; mais ce document, valable pour la conduite de véhicule, ne peut en aucun cas remplacer la Carte nationale d’identité, notamment dans certains cas où la nature de la nationalité doit ressortir», précise notre interlocuteur, sous couvert de l’anonymat.
Quoi qu’il en soit, les demandeurs ne sont pas tous égaux devant le bureau de dépôt des dossiers et des formalités. Ici des recommandés ayant pris tout leur temps passent en priorité, au moment où des citoyens lambda apprennent qu’«il faut revenir demain ou un autre jour». Ce qui ne manque pas de créer de fâcheuses réactions de la part de ceux qui cherchent des pièces administratives, et qui ne cachent pas leur ras-le-bol. «Le calvaire que nous vivons n’existe pas chez ceux qui acceptent de mettre la main à la poche, où le certificat de perte leur est délivré en l’espace de quelques minutes seulement, alors que la Cni leur est délivrée en l’espace d’une semaine», se désole Tabara Dieng, qui soutient qu’au commissariat de Dieuppeul, l’injustice se la dispute à la corruption.
Par ailleurs, Mme Dieng remet en cause la gratuité de la Carte nationale d’identité qui ne cesse d’alimenter les conversations de bon nombre de demandeurs au commissariat de Dieuppeul. Elle explique : «Pour me faire établir une Carte nationale d’identité, il me faut un certificat de perte, parce que j’avais déjà eu auparavant une pièce d’identité. C’est ce qu’on m’a demandé. Mais pour la demande de certificat de perte adressée au commissaire, on me demande 500 francs plus un timbre de 100 francs. Et pour le dépôt, j’achète un timbre à 500 francs. De quelle gratuité parle-t-on pour l’obtention de la carte d’identité ?»
«Pour être vite servie, j’ai déboursé 7 000 francs Cfa»
En réalité, c’est loin d’être de la gratuité pour beaucoup de demandeurs. Sur les lieux, l’on apprend que pour se faire confectionner une Carte nationale d’identité, il faut débourser «au minimum la somme de 5 000 francs Cfa pour être rapidement servi, c’est-à-dire en l’espace d’une semaine». Aussi, au-delà de cette formalité, il faudra rémunérer un facilitateur 500 francs, pour une demande d’un certificat de perte adressée au commissaire. A cela, s’ajoutent les frais de timbre qui s’élèvent à 100 francs. C’est surtout pour les analphabètes où pour ceux qui ignorent les formalités à qui on vend et aide à remplir un exemplaire de demande de perte.
Toutefois, tout le monde ne souffre pas de cette situation. Pendant que certains demandeurs vivent le calvaire au commissariat de Dieuppeul, d’autres passent par une mesure de facilitation. Une dame sous anonymat raconte : «Le premier jour, un facilitateur posté devant la porte du commissariat m’a fait comprendre qu’il fallait que je donne 500 francs pour qu’il me remette une demande de certificat de perte adressée au commissaire. J’ai aussi acheté un timbre à 100 francs. Ainsi, je suis revenue le lendemain récupérer le certificat de perte, pour encore revenir le surlendemain à quatre heures du matin pour le dépôt de la Carte nationale d’identité». «Pour être vite servie, j’ai déboursé 7 000 francs Cfa. C’est ce que j’ai fait pour entrer en possession de ma carte d’identité», confie cette dame habillée d’un boubou wax.
Voilà une option qui fait l’affaire de certains policiers à la retraite, qui ont élu domicile devant les locaux du commissariat de Dieuppeul. Ces facilitateurs ou rabatteurs qui tirent leur profit au quotidien devant ce commissariat, laissent deviner la magouille qui règne dans ces lieux pour l’obtention, en moins d’une semaine de la Cni. Ils sont là, devant le grand portail du commissariat, face à un défilé de demandeurs désespérés qui n’ont pu entrer en possession du sésame. «Après avoir vérifié parmi les pièces d’identité, le policier est revenu me dire qu’il était désolé et que ma Carte nationale d’identité n’était pas encore prête, avant de me remettre mon récépissé», dira une dame à un des facilitateurs nommé A. D. La raison avancée, dit-elle, est qu’elle n’était pas au courant du fait qu’on devait attendre un mois après le dépôt, avant de revenir pour le retrait. «Avec 5 000 francs, tu pourras entrer en possession de ta carte d’identité en l’espace d’une semaine», lui rétorque son interlocuteur qui l’éloigne de notre regard inquisiteur. S’en est suivi un marchandage qui semble s’être bien terminé.
Que dit le Commisssaire par rapport à tout cela ? Sur place, on conseil d’écrire un courrier pour demander à le rencontrer.