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Entre l’accessoire et le professionnel : les secrets d’une litanie

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Le chapelet a beau être un accessoire pour compter, son rôle ne s’arrête pourtant pas là. Il est courant d’entendre sous nos cieux, parlant de quelques marabouts : «Son chapelet ne peut toucher terre.» Une expression à prendre au sens figuré mais qui ouvre une fenêtre sur les vertus cachées de cet accessoire. En effet selon la puissance des formules que l’on récite, le chapelet peut se parer des vertus les plus extraordinaires.

Mais de façon traditionnelle, l’on donnait l’autorisation aux jeunes de pratiquer le wird pour les «détourner de certaines dérives» explique Kabir Sarr, jeune arabisant, disciple de Baye Niasse.

Selon M. Sarr, quand le maître donne son onction à son jeune disciple, une des choses qu’il lui demande c’est de respecter ses parents, de suivre les préceptes de la religion et de se tenir à l’écart de tout acte qui pourrait le détourner du bon chemin. Mais cette quête est aussi hiérarchisée et ce n’est qu’après avoir donné les preuves de sa maturité que le jeune disciple obtenait le wird de son maître, qui se gardait bien de lui donner tous les secrets d’un seul coup. Une situation qui a fortement changé, constatent certains. «Les jeunes font n’importe quel genre de wird maintenant», constate Kabir qui explique que cela peut être source de dangers. «Il y a des étapes à franchir et si on le fait n’importe comment, on peut devenir fou.» Et il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte de la réalité de ce danger. Ils sont en effet nombreux les jeunes qui perdent la tête en s’essayant à des incantations nécessitant de solides assises en matière de savoir ésotérique.

Le pouvoir du chapelet est bien réel et les marabouts en savent quelque chose. C’est en égrenant leur chapelet que la plupart d’entre eux arrivent à subsister. Kabir explique qu’en récitant certaines incantations et en usant de formes particulières d’encens, qui peuvent coûter jusqu’à un million de francs Cfa, les marabouts arrivent à entrer en relation avec des djinns aux pouvoirs incommensurables, qu’ils asservissent et à qui ils demandent d’exaucer les prières de leurs clients moyennant des sommes folles. Argent, travail, époux ou épouse, tout peut advenir si on trouve le bon marabout.

D’autres encore choisissent de faire eux-mêmes le travail. Ils récitent des incantations en espérant qu’en retour, le Seigneur exaucera leurs prières. Une forme de marchandage qui indispose beaucoup Mamadou. «Pour certains, le chapelet est une stratégie de négociations avec le Tout Puissant. Ils invoquent certains de ses attributs pour en avoir la grâce», dit-il. Marchandage ou pas, Ndèye espère qu’en faisant ses dévotions avec ferveur, ses souhaits les plus chers vont se réaliser. Mais pour Victor, cette façon de faire est tout sauf acceptable. «Dieu connaît l’intimité de tout le monde, Il connaît nos souhaits et nos désirs», pas besoin donc de demander. Ce qu’il faut à son avis, «c’est demander des grâces et des vertus».

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Usage : la foi au bout des perles

A quoi sert le chapelet ? A se rapprocher de son Seigneur disent certains, à passer de façon avantageuse le temps répondent d’autres. Toujours est-il qu’égrener son chapelet fait partie des habitudes les plus ancrées chez les Sénégalais. Les mains croisées dans le dos, la silhouette penchée vers l’avant, l’homme avance à pas comptés sur le bitume. Plongé dans son monde intérieur, il ne semble faire attention à rien de ce qui l’entoure. Un à un, les grains du chapelet passent la barrière de ses doigts en laissant dans la clarté matinale un petit bruit sec. Cet homme ou cette femme, les Sénégalais sont nombreux à l’avoir croisé. Le matin, très tôt, ils sont en effet nombreux les hommes ou les femmes qui parcourent les rues des quartiers avec un chapelet à la main. Le wird matinal est ainsi un moment de ferveur pendant lequel certains puisent une intense communion avec leur Seigneur.

Même si tous ne sont pas d’accord sur la nécessité d’user d’un chapelet, nombreux sont les Sénégalais qui consacrent une partie de leur temps à cet exercice. Etudiant en sociologie à l’Université de Dakar, Mamadou ne manque jamais d’égrener son chapelet à certains moments de la journée. «Je fais le wird pour vivifier ma foi. Cela me stimule et me permet de sortir de ma solitude et de communiquer avec Dieu», explique-t-il même si par ailleurs, il précise être plus dans une logique mystico-religieuse. «Je donne priorité aux piliers de l’Islam, surtout à la prière», soutient-il. A coup d’invocations et de prières, Ndèye, une jeune dame croit dur comme fer s’attirer les bonnes grâces d’Allah, obtenir son pardon tout en se protégeant de ses ennemis. Chaque matin, elle égrène des centaines de «Astaghfiroulah».

Victor est catholique. De façon régulière, il égrène le chapelet à la gloire de Marie. «C’est une façon de me ressourcer, de me recueillir et de louer le Seigneur pour tous les bienfaits dont Il m’a comblé.» Une attitude que l’Eglise catholique encourage vivement chez ses fidèles. «Egrener le chapelet fait partie de la dévotion et permet de se confier à la Vierge Marie», explique l’abbé Alphonse Seck de la paroisse Saint Paul de Grand Yoff.

Loin de toute spiritualité, le chapelet est pour d’autres un moyen de passer le temps. Sène est de ceux-là. Pour cet enseignant quarantenaire, le wird est une question d’inspiration. «Il m’arrive de faire le wird mais seulement quand je suis inspiré. C’est une façon de passer le temps», dit-il. Loin de partager cette vision, Mamadou réajuste ses petites lunettes d’intello avant d’expliquer que parfois, le wird est un moyen pour lui de se retrouver dans un état spirituel qui le déconnecte du quotidien. En effet, selon certains, il n’y a rien de mieux que le chapelet pour éviter des situations inconfortables. Kane, le vendeur de chapelets considère qu’une personne qui n’a pas envie de médire son prochain a tout à gagner à user de son chapelet. «Dans certaines situations, on est amené à se mettre sur la touche pour ne pas parler de choses qui ne nous concernent pas. On peut faire son wird et rester tranquille dans son coin», souligne le vendeur.

Mais au-delà de toute considération spirituelle, le chapelet reste un procédé mnémonique. «C’est bien d’en avoir pour faire de gros nombres. Mais moi, je fais généralement 111 fois le nom de Dieu ou 129 fois Ya Latif. Mais le plus important, ce n’est pas le chapelet, car il permet juste de compter», rappelle Mamadou.

 

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