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Entretien exclusif avec Dr Mame Marie Faye : «Ce qui motive ma sortie sur la santé de Wade

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Dans son appartement niché au Scat-urbam, Dr Mame Marie Faye affiche la sérénité. Le tollé qu’a suscité sa sortie sur la santé du Président  Wade ne la préoccupe guère. «Jamais, je n’ai été autant sereine qu’hier. Depuis 3 ans, je garde cette affaire ; maintenant, je suis soulagée», dit-elle. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé la veille de sa convocation, hier, à la Division des investigations criminelles (Dic), Dr Faye revient sur ses révélations et met en garde les «hystériques» du régime.

Qu’est-ce qui a motivé votre sortie ?
Ma sortie a été motivée par le fait que je vois actuellement la santé du président de la République se dégrader. Mais aussi par la manière dont son entourage le traite à travers un acharnement thérapeutique. Et c’est ça qui me révolte.
Vous avez, lors de votre conférence de presse, cité quatre maladies dont souffre le Président Wade. Pouvez-vous être plus précis ?
Non, désolée, je ne peux pas en parler ! Je suis tenue au secret professionnel. Je sais de quoi je parle ; mes autres collègues médecins le savent aussi.


Vous avez donné des indications qui laissent penser que ce sont des maladies graves…

J’ai donné des indications, mais je ne peux pas en parler.


Qu’est-ce qui prouve que le Président subit un acharnement thérapeutique ?

Nous, les médecins, on le sait. D’abord, rien qu’en voyant Wade, nous, on sait ce qu’il a, mais, on ne peut pas en parler. Rien qu’en le voyant, on sait quelle maladie il a. De cette maladie, on peut faire des déductions. On connaît l’acharnement  thérapeutique et ses conséquences. Wade, avec toutes les maladies qu’il a, à son âge, il devrait se reposer. On lui fait mener ce train d’enfer ; il y a acharnement thérapeutique ; d’autant plus que moi, j’ai été témoin de quelque chose à Washington.
C’était quoi ?
C’était le 4 juin 2004. Il était venu à Washington à l’occasion du sommet du G8. Je suis allée pour l’accueillir. Après avoir parlé avec lui, il est allé vers l’ascenseur. J’ai vu qu’il était déjà fatigué. Je m’en suis aperçu en 2001. Et quand je l’ai revu en 2004, il s’est levé et il n’arrivait pas à marcher. Donc, les deux personnes qui sont tout le temps avec lui l’ont plus ou moins soutenu et il a traîné des pieds pour aller à l’ascenseur. J’étais derrière lui  et j’ai paniqué. Là, j’ai compris qu’il était sérieusement malade. Je me suis dit que ce gars-là ne va pas redescendre. Je voulais monter dans l’ascenseur, on m’a dit : «Docteur, attendez, on va vous appeler !» Mais, ils avaient l’air d’être pressés pour aller lui donner quelque chose, parce qu’il avait rendez-vous une heure après avec les congressmen américains. On ne m’a pas appelée. D’ailleurs, je ne l’ai plus jamais revu. Mais, j’avais complètement paniqué, ce jour-là. Une heure après, il est redescendu pour aller rencontrer les congressmen américains. Je me suis dit qu’il ne pourra plus bouger. Donc, qu’est-ce qu’on lui a donné ?
Je vous pose la question ?
C’est la question que je me pose. C’est ce qu’on appelle acharnement thérapeutique.
Dans pareil cas, quel est le médicament qu’on donne au patient ?
Il faut dire des médicaments pour maintenir quelqu’un. On le sait, nous les médecins. On en parle toujours, mais, personne n’en parle, à part le médecin de Thiès, le pédiatre, le Dr Bamba Ndiaye.
Pourquoi, selon vous ?
Chez les médecins malheureusement, il n’y a pas cette solidarité de corps. Et puis, ils sont assez frileux, parce qu’on parle de ses maladies entre nous tout le temps. On sait, mais personne n’ose. Je suis la seule à prendre mes responsabilités. Est-ce mon attachement à Wade ? Peut-être, c’est le sentiment d’être révoltée, d’avoir mal, de souffrir, qui me fait parler.
Vous pensez que ces maladies sont un motif suffisant pour rejeter la candidature de Wade à la Présidentielles de 2012 ?
La candidature de Wade en 2012, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Honnêtement. Moi, c’est sa santé qui me préoccupe.
Certains pensent que votre sortie est politique…
Non ! (elle insiste). Je ne suis militante de nulle part. Je suis indépendante. J’ai milité au Ps, après avoir quitté le Pds. On  a dit aussi que je suis de Thiès, je suis de Saint-Louis. Je n’ai rien à voir avec Idy. Idy, on a partagé le parti. Je l’ai soutenu, quand il était en prison parce que c’est un «frère». Je ne l’ai pas revu depuis 2009. On dit aussi que c’est Moustapha Niasse (leader de l’Afp) qui m’a donné de l’argent. Moustapha Niasse, je n’ai pas été chez lui depuis 2007. Entre temps, j’ai eu à voir trois fois Moustapha Niasse. Une fois, on s’est rencontrés, lors qu’on faisait la restitution des conclusions des Assises nationales aux Martyrs de l’Ouganda. Ensuite, je l’ai vu à la levée du corps de Sémou Pathé Guèye (ex-militant du Pit) au Cto (hôpital de Grand-Yoff). Le dernier contact, c’était lors des funérailles du mari de Mata Sy Diallo, la présidente de femmes de l’Afp. Et on s’est parlé comme ça. Moustapha Niasse n’en est pour rien. Il faut qu’on arrête d’accuser ces gens-là. Personne n’est derrière moi. Je suis une citoyenne-médecin qui a réagi. Maintenant, est-ce que j’ai une réaction affective ? C’est possible, parce que Wade était comme mon père.
Pourquoi vous avez attendu la sortie de Me Boucounta Diallo sur les ondes de la Rfm pour faire cette déclaration?
Si vous regardez la date de ma lettre, elle date du 28 octobre 2010. C’est-à-dire que j’ai pris du temps pour l’écrire et je devais la faire sortir avant la tabaski. Comme avec la tabaski, les gens était occupés, en plus de mes problèmes de santé – je dois me faire opérer au doigt -, j’ai dû la poster avant-hier. Il y avait des textes de loi que je devais voir. Mais, cela n’a rien à voir avec Boucounta Diallo. Seulement, ici, les gens sont tellement tordus d’esprit qu’ils ne peuvent pas imaginer que quelqu’un fasse quelque chose de lui -même sans qu’il y ait quelqu’un derrière. Et ça c’est typiquement sénégalais. Moi, je suis dans le combat depuis mai 68. Et je me souviens, quand on s’était révoltés le 29 mai 1968, la réaction de Senghor était de dire : «Ces gens-là sont téléguidés de l’Etranger.» Et il a accusé Daniel Cohn-Bendit d’être à la base de notre mouvement. C’est comme si on nous prenait pour des animaux ; on n’a pas droit à des réactions. Les politiciens s’imaginent qu’ils sont les seules personnes intelligentes. En général, ce sont les gens les plus inintelligents, les plus bêtes même, parce qu’ils sont en déphasage complet avec le peuple. Donc, le peuple ne doit pas réagir. Toujours, ils vous mettent quelqu’un dans le dos, même si c’est un chat ou une souris.
Mais le Président Wade n’est pas le seul à être malade parmi les candidats politiques. Pourquoi vous n’avez pas cité le cas des autres ?
Ces autres candidats-là ne sont pas déclarés jusqu’à présent. C’est pourquoi ils ne m’intéressent pas. Pourquoi j’ai réagi ? Parce que ce gars-là est victime…. Moi je suis presque sûre que le Président n’allait pas se représenter. Il l’avait dit, mais il y a des pressions sur lui ; celles de son entourage. Ce Serigne Mbacké-là (porte-parole de la Présidence) qui ne cesse de parler, a combattu Wade pendant 25 ans. Evidemment, ces gens-là se culpabilisent quand ils viennent à côté de lui. Chacun fait du zèle. C’est ce gars-là qui disait, il y a quelques mois : «Si Abdoulaye Wade n’est pas réélu, nous risquons tous d’aller en prison.» Parce qu’il sait qu’ils ont fait quelque chose et que les gens vont leur demander des comptes. Ils poussent Wade à se présenter en lui disant pratiquement : «Si tu n’es pas réélu, tu vas aller en prison.» Ils lui font une pression psychologique. Il y a l’âge, la maladie. Par conséquent, le gars est perdu. Alors, il se dit : «J’y vais, sinon je vais aller en prison.» Je tiens à rassurer Wade : on ne l’amènera pas en prison ; et je m’engage personnellement pour dire que Wade n’ira pas en prison.


Sur quoi vous fondez-vous pour le dire ?

C’est un médecin qui vous parle. Sur le plan médical, Wade n’est plus apte pour être président de la République, comme il ne peut aller en prison. Il faut un certificat d’aptitude pour aller au Palais ou en prison. Aucun médecin ne signera ce certificat. Wade est apte pour aller au Point E. Le problème aujourd’hui, c’est que Wade est paniqué. «Dagnou wara dalal khélam ; mak la.»( «Il faut qu’on le rassurer ; il est âgé.»)
D’autres pensent, par contre, que si Wade veut briguer un 3e mandat, c’est pour se faire remplacer plus tard par son fils…
Oui, il veut installer son fils parce qu’il ne veut pas être poursuivi et son fils aussi. C’est pourquoi, il faut qu’il sache qu’on ne l’amènera pas en prison, s’il quitte le pouvoir. Non seulement le code de déontologie le protège, mais ce n’est pas dans nos habitudes de mettre un vieillard de 90 ans en prison. Moi, Mame Marie Faye, tant que je suis vivante, Wade n’ira pas en prison et mes collègues médecins ne signeront jamais un certificat pour cela.  Wade sécurisé sur ce plan-là, je crois qu’il va changer de conduite. On veut lui ménager une sortie honorable. Wade, quoi qu’on puisse lui reprocher, a fait quelque chose pour le Sénégal. Il s’est battu. Si la démocratie en Afrique est arrivée à ce point, c’est parce qu’il y a beaucoup contribué. «Magg kenn, douka torokhal.» («On n’humilie pas un vieillard.») Ce n’est pas de nos traditions.
Serigne Mbacké Ndiaye estime aussi qu’il n’est pas de nos traditions d’épiloguer sur l’âge d’une personne.
J’étais obligée d’en parler pour que le Conseil constitutionnel prenne ses responsabilités. Je ne veux pas que Wade aille en campagne électorale et se présenter, parce qu’il n’a plus la force. Ça, c’est des cas qu’on traite en médecine. Il est question du président de la République. C’est un être humain fait de chair et d’os, soumis aux aléas de la maladie comme tout un chacun. C’est au peuple de savoir prendre ses responsabilités. Je suis en train de lancer un appel au secours pour Wade. Ce qu’ils sont en train de jouer là-bas au Palais, c’est du «silence, on assassine» ! Nous le peuple, on est là ; on laisse faire sans rien dire.  Alors qu’on devrait dire : «Il faut sauver le général Wade.»


Si le Conseil constitutionnel ne vous donne pas satisfaction, qu’est-ce que vous allez faire ?

On va continuer à nous battre. Je ne serai pas la seule; j’ai l’impression que les gens vont se mobiliser. Le fait que j’ai parlé, a fait un déclic. Moi, je ne peux rester les bras croisés alors qu’on est en train d’assassiner quelqu’un. C’est pourquoi j’ai parlé du syndrome Michael Jackson. Ce qui lui est arrivé, c’est de l’acharnement thérapeutique. Si Michael Jackson a pu mourir à l’âge de 50 ans, quelqu’un qui a 90 ans risque un jour… D’ailleurs, mes collègues me disent qu’à chaque fois qu’ils se réveillent, ils craignent qu’on leur annonce le décès de Wade. Les gens qui s’agitent ne connaissent rien à la loi ; ils cherchent à se positionner. Je suis en train d’assister quelqu’un et quiconque se met en travers de mon chemin, fait ce qu’on appelle de la non-assistance à personne en danger. Ceux qui disent qu’il faut m’attaquer en Justice, s’ils ne font pas attention, c’est moi qui vais les attaquer en Justice pour non-assistance à personne en danger, article 49 du Code pénal. J’ai tout étudié. J’ai pris des avocats sérieux ; je sais que ça allait être très difficile.  Alors, ceux qui jouent aux hystériques n’ont qu’à se tenir à carreaux. Ils ne représentent rien pour moi.

lequotidien.sn

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