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Entretien. Serigne Mansour Sy Djamil: « L’alternance est une tragédie nationale »

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Serigne Mansour Sy Djamil se définit comme un militant engagé « pour la transformation sociale » du pays. Il a d’ailleurs participé en décembre 2009 aux Assises nationales, initiées par l’opposition sénégalaise. Invité de la rédaction, Serigne Mansour Sy Djamil revient sur les questions qui agitent le paysage politique sénégalais notamment celui autour du Monument de la Renaissance africaine, la finance islamique, la laïcité et les faiblesses du Président. Sans détours, il livre également une analyse sans complaisance des principales formations politiques du pays.

Vous tenez votre califat d’un homme peu connu finalement, or il est le fils aîné de Serigne Babacar Sy. Pourquoi votre père, Serigne Moustapha Sy, a quitté la ville de Tivaouane pour venir s’installer à Dakar ?

Peu connu ? Disons méconnu, mais (m ais) connu. Seydi Mouhamadou Moustapha Djamil est le fils aîné de Serigne Babacar Sy, Khalife de El Hadj Malick Sy (RTA). Mon père est le frère aîné de l’actuel khalife, Serigne Mansour Sy. Son grand père du côté de sa mère est El Hadji Malick Sall, le saint homme de Louga qui s’était imposé comme homme de Dieu respecté dans tout le Ndiambour. C’est pourquoi nous considérons le Ndiambour comme notre base symbolique en raison de la filiation maternelle de mon père. La tradition raconte comme signe précoce de sa bénédiction, au moment où El Hadj Malick le baptisait il a accroché sa main au chapelet d’El Hadj Malick Sy. Et Mame Malick Sall dit à El Hadj Malick : « Donnes lui ce qu’il te demande ». Après avoir été élevé par son oncle, le grand Serigne Mansour Sy, il est venu s’installer à Dakar sur instruction de son père, Serigne Babacar Sy qui l’appelait « le trésor caché d’El Hadj Malick à Dakar ». Car, ce dernier avait considéré que deux taureaux ne peuvent pas partager le même abreuvoir. Cet éloignement est une tradition dans notre famille. El Hadji Malick l’avait fait avec Serigne Babacar Sy. Ce dernier vivait à Saint Louis, et il est retourné à Tivaouane après la disparition de son père. Cette stratégie d’éloignement permet d’éviter d’abriter deux « lumières » dans une même localité. Seydi Djamil n’est jamais retourné à Tivaouane… même lors du décès de son père. Il ne sortait pas et gardait un silence de résonnance qui a duré 40 ans. Au plus fort du conflit opposant son oncle Serigne Mansour Sy qui l’a élevé et son père, Serigne Babacar Sy, il a toujours gardé une distanciation absolue, qui lui a valu l’estime et le respect de toute la Hadara d’El Hadj Malick Sy.

Justement, quelle est l’origine du conflit à Tivaouane ?

(Hésitant) J’ai de la peine à parler de ce conflit car je suis mal placé pour le faire. J’étais trop jeune quand il s’est déclenché. Cependant, je suis le fils de Serigne Moustapha Sy, l’ainé de la famille de Serigne Babacar Sy, élevé par l’autre partie. Il connaissait donc les tenants et les aboutissants du conflit ; il m’en a parlé pour en tirer les leçons. Mais, j’ai également vécu les répercussions de ce conflit y compris aujourd’hui. Et mon père terminait toujours ses commentaires en disant que, Satan est parvenu à diviser des frères, hommes de Dieu qui s’aimaient et se respectaient profondément. C’est ce qu’il convient de retenir des péripéties d’un conflit qui a causé un tort énorme à la famille Sy qu’il a divisée. Chacun a sa version du conflit, version chargée de subjectivité. J’espère, qu’un jour, des historiens objectifs feront la lumière sur la base de recherches scientifiques, rigoureuses. Ceux qui prétendent connaitre tout ce conflit y ont été trop impliqués pour être objectif. C’est cette expérience qui a permis à mon père de gérer d’une manière remarquable l’après Serigne Babacar Sy, dans ses relations avec le nouveau Khalife Mame Abdou Aziz Sy Dabakh qui était son ami. Ce sont eux qui animaient, le Gamou de Tivaouane avant le conflit et c’est Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh qui lui a donné le surnom de ’’Djamil’’ (le beau en arabe). De même dans ses relations avec ses frères Serigne Mansour Sy et Serigne Cheikh Tidiane Sy. Il a tenu à tourner la page. Par un acte très courageux. Il lui était loisible d’organiser le Gamou annuel à Fass, mais il a préféré réaffirmer la prééminence de Tivaouane comme capitale de la Tidjaniya au Sénégal et capitale affective de la Tidjaniya dans le monde. Homme de Dieu, constamment entrain de réciter le Coran ou le poème de son grand-père sous la vie du Prophète (khilass Zahab : l’Or décanté) ou les innombrables poèmes de Serigne Babacar Sy dédié à Cheikh Ahmet Tidiane. Il était le maitre incontesté et la référence la plus sûre sur tout ce qui concerne la Tarîqa dans le domaine de l’apparent comme du caché. Il avait fait des ziarras et des chants religieux, la voie royale de l’incandescence spirituelle. Il disait que la grâce n’était plus dans le chapelet mais dans les activités pratiques.

Quelle était la position de Seydi Djamil dans ce conflit ?

Comme je viens de le dire, de toute la famille d’El hadji Malick Sy, la famille de Seydi Djamil est la seule qui n’ait pas pris parti dans ce conflit alors que mon père connaissait bien les tenants et aboutissants de ce drame. A chaque ’’Gamou’’ et en dehors de cet événement, il a toujours demandé à ses talibés d’aller faire la ’’Zaria’’, aussi bien aux enfants de Serigne Babacar Sy, en particulier à Serigne Mansour Sy, à Serigne Cheikh Tidiane Sy et à Serigne Abdou Aziz Sy junior, qu’au khalife général de l’époque, Serigne Abdou Aziz Sy, leur oncle. C’est fort de cette impartialité que la maison de Fass où il résidait dispose d’un crédit certain auprès de tous les talibés tidjanes, puisque Fass était devenue la passerelle entre les deux familles en conflit. Certains de nos compatriotes, même des talibés qui ont naturellement intérêt à perpétuer ce genre de conflit, ont souvent tenté d’attiser les braises. Tenez, par exemple, après ma déclaration publiée dans la presse et celle, quelques jours après, de Serigne Mbaye Sy Mansour, des personnes – en particulier un courtisan technique du Chef de l’Etat – ont tenté semer le zizanie, en opposant nos deux déclarations respectives avec les positions de Serigne Abdou (Ndlr : Junior). Lorsque ce courtisan technique du Président a dit que je ne suis pas le porte-parole de Tivaouane, Sidy Ahmet, fils de Serigne Abdou lui a répondu que je ne suis, certes, pas le porte-parole de la famille, mais j’ai une parole qui portait, au delà de la famille, non pas de mon fait mais à cause du leadership de résonnance joué par Serigne Moustapha à Fass et du rôle très positif et conciliateur qu’il a joué dans l’histoire de la famille d’El hadji Malick. Mon père m’a confié que l’événement le plus dangereux de l’histoire de la famille Sy, ce sont les disparitions successives de Serigne Babacar et de Serigne Mansour à cinq jours d’intervalle. Dans son interprétation, il a toujours considéré qu’on a essayé de séparer les deux frères (Mansour et Babacar), dans ce monde apparent « Zahir », mais que Dieu les a réconciliés dans le monde transcendant « Batine ». Toute sa vie durant mon père a œuvré à réconcilier la famille d’El Hadji Malick Sy. Fass continue à s’inscrire dans cette dynamique.

Mansour Sy Djamil est banquier, Intellectuel, ancien militant de Gauche, khalife général. A quel statut tenez- vous le plus ?

C’est ma trajectoire, atypique certes pour un religieux, mais c’est mon histoire, mon destin. Je suis tout cela à la fois. Je suis le produit de toutes ces expériences. Les statuts de chef religieux et d’agent de développement sont pour moi inséparables. J’ai travaillé pendant 26 ans à la Banque Islamique de Développement (BID), la première et la plus importante institution financière islamique de la Oummah. Parallèlement, j’assumais mon statut de guide religieux. Récemment, je me suis rendu à Melbourne, en Australie à une rencontre du Parlement des religions du monde pour la paix représentées par 8 000 délégués. A cette rencontre, j’étais invité à faire une conférence sur les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). J’étais donc obligé de porter la double casquette de chef religieux et d’agent de développement. Cette réunion regroupait de nombreuses personnes et personnalités – dont le Dalaï Lama – la Banque mondiale, l’UNESCO et d’autres structures travaillant dans le domaine du développement, de la paix. Et devant ces délégués composés d’intellectuels de haut niveau, je n’avais pas pour mission de faire un sermon, mais de présenter le bilan des OMD et de voir dans quelle mesure ces OMD seront atteints d’ici à 2015. C’est un travail qui requiert une démarche intellectuelle, une compétence technique, une foi en Dieu et un pari sur l’homme, son intelligence et sa capacité de dépassement.

Vous parlez d’ancien militant de gauche encore qu’il serait nécessaire de préciser la notion. S’il s’agit de militer pour l’idéal d’émancipation humaine, je le suis toujours. On ne se débarrasse jamais entièrement de sa jeunesse et aussi d’un idéal aussi universel. J’ai été formé d’abord dans le mouvement étudiant français dans le cadre de l’Union des étudiants de France (UNEF Renouveau) où j’avais des responsabilités à la section de la Sorbonne. Cette UNEF là (il y’en avait deux) était dirigée par Guy Konopniki, aujourd’hui écrivain et journaliste qui tient la rubrique ’’C’est encore mieux en le disant’’ de l’hebdomadaire français ’’Marianne’’. Avec l’UNEF Renouveau, on était nourri à la source du syndicalisme ouvrier français. Grace à la proximité politique de l’UNEF Renouveau et de la CGT, les dirigeants de cette centrale dont Georges Segui et Henri Krazucki – donc l’élite – nous donnaient des cours à des séminaires de formation syndicale organisé durant l’été par l’UNEF à Orsay. Ce n’est qu’après que j’ai activement milité dans le syndicalisme étudiant sénégalais où je devins le Président de l’AESF en même temps que j’adhérais au MEPAI où j’ai rencontré Abdourahim Agne qui en était le Secrétaire général ainsi que Mamadou Seck, Président de l’Assemblée Nationale, Cheikh Tidiane Bâ, Ministre de l’Enseignement supérieur, Assane Diagne, ancien Ministre, les professeurs Moctar Diack, Maguéye Kassé, Sakhir Thiam et tant d’autres, aujourd’hui disparus comme le regretté Sémou Pathé Guéye : tous animés à l’époque par des sentiments patriotiques et ou l’idéologie avait peu de place. Le MEPAI était un creuset fécond, d’intellectuels révolutionnaires, de démocrates musulmans ou de démocrates chrétiens, de révolutionnaires professionnels marxistes mais aussi de la « Gauche caviar ». C’était une véritable académie des sciences politiques de notre époque, où nous avons fait l’apprentissage pas à pas de la démocratie et de la liberté.

L’actualité sénégalaise est marquée par un débat houleux sur la statue de la Renaissance africaine. Que vous inspire une telle polémique ?

Je ne comprends pas le débat sur la statue de la Renaissance. Il y a des statues partout, on n’en a jamais parlé. Il y a également des bars partout, on en parle non plus. Le fait de ne pas en parler ne veut pas dire aussi que c’est acceptable. L’islam est catégorique. Mais, la question fondamentale, c’est pourquoi ces bars et ces statues n’ont jamais suscité un débat et pourquoi cette statue de la Renaissance le suscite ? C’est là le nœud du problème. On parle de la Renaissance africaine, mais il n’y a rien dans la configuration de cette statue qui symbolise l’Afrique ! (Il insiste). La deuxième chose, c’est l’emplacement de la statue qui surplombe des cimetières. Ce n’est pas décent et personne ne souhaite que cette statue surplombe un jour sa tombe.

Indépendamment du mode de financement et de l’opportunité de l’investissement, cette statue ne correspond à rien. Elle ne représente rien d’africain. C’est pourquoi, j’ai parlé, dans son cas, d’évanescence. Cette statue ne survivra pas à ses initiateurs. C’est une statue qui sera déboulonnée au même titre que celle de Staline ou de Saddam Hussein. Il ne faut pas se faire d’illusions ! Même si l’intention originelle était de faire de cette statue le véhicule d’un message, dès l’instant où l’ouvrage a déjà fait l’unanimité contre elle, ses initiateurs devaient revenir sur leur projet pour revoir leur plaidoyer en la matière. Mais, malheureusement, c’est l’entêtement ; ils instrumentalisent leurs islamologues ou autres marabouts de service, pour essayer de justifier l’injustifiable. Même si la morale l’acceptait, le seul fait que des citoyens n’en veulent pas, l’intelligence sociale aurait voulu qu’on s’arrête. La position de l’islam sur les statues et les idoles est tout à fait claire. Le Coran l’interdit. Et Cheikh Yousouf Qaradawi a fait une étude exhaustive de la question dans Le licite et l’illicite en islam ; il confirme que « l’islam interdit au musulman de fabriquer des statues ». Et le Prophète (PSL) a dit : « Le châtiment le plus intense le jour du jugement dernier est destiné aux fabricants de statues ». Le Prophète (PSL) a informé que : « Quiconque fabrique des statues, on lui demandera de lui insuffler une âme aux statues qu’ils ont fabriquées sur terre et il sera incapable de le faire et sera châtié pour cela ». C’est un très long chapitre de Qaradawi qui pour moi est l’intellectuel le plus accompli, ancien maitre de Maodo Sy à Azhar. Que ceux qui ont des doutes lisent ce livre qui existe en version française.

Parlant justement de laïcité, quelle lecture devrait-on en avoir dans notre pays. Celle que nous en avons aujourd’hui est-elle juste selon vous ? Laïcité en tant que concept est un legs colonial ; nous en avons hérité. La France qui est notre légataire a une lecture anticléricale de la laïcité. Nous ne pensons pas que cette lecture soit juste et dynamique. Même en France, il ne faut jamais perdre de vue que cette lecture anticléricale a ses limites. C’est le président de la République française, Nicolas Sarkozy, aujourd’hui – qui, en concordance avec le Saint père, nomme l’archevêque de Strasbourg en Alsace et la Loraine. Le président de la République est présent à la cérémonie d’installation de cet archevêque – La France a compris qu’une application stricte et sans dérogation du principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat telle qu’elle découle de la loi de1905, allait peut-être faire exploser l’Alsace et la Loraine. Aussi n’a-t-on pas touché au dispositif du Concordat. On a au contraire maintenu en contradiction avec le principe de laïcité, compris au sens de la loi de 1905. Contrairement à ce qu’on affirme, dans cette loi, l’Etat reconnaît, subventionne et salarie les églises de l’Alsace et Loraine ainsi que les Instituts théologiques. Les dispositions de la loi de 1905 ne s’appliquent pas en Alsace et la Loraine.

Quel est alors le vrai problème qui se pose, quand on parle de laïcité ? C’est la gestion de l’existence de l’autre. Depuis qu’il y’a des hommes qui pensent les institutions sociales, la surprise première est l’existence de l’autre. Nous vivons dans une société mais il y’a d’autres sociétés. Un certain ordre politique ou religieux nous est évident ou sacré, mais il y’a d’autres ordres religieux ou politiques.

Il est possible de réagir à cette découverte par l’affirmation agressive, arrogante et anxieuse de la validité ou de la supériorité absolue de notre ordre et de la dévalorisation subséquente de l’ordre des autres. Et la laïcité commence avec la reconnaissance de cette vérité, avec la volonté de la comprendre, parce qu’intelligible, parce qu’exprimant la nature humaine ; mais aussi la volonté de la gérer. On doit chercher à comprendre et à accepter la différence de l’autre au lieu de la dévaloriser ou la rejeter. Et c’est là où se trouve toute la faiblesse d’Abdoulaye Wade. Il a un trait de caractère qui fait que son appartenance, que ce soit en politique, en religion, en économie, son ordre à lui est toujours supérieur. Tant qu’on considère que son ordre est supérieur à tous les autres, on va inéluctablement vers des conflits et des problèmes, lorsqu’on a un mandat électif. Parce que Wade peut le dire en tant qu’individu mais pas en tant que président de la République. Et tout le problème est qu’Abdoulaye Wade ne connait pas sa fonction de Président ; ce qu’il doit dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire.

Ou se trouve la laïcité dans ce cas ?

Elle trouve son origine dans le constat suivant : certains hommes croient en un Dieu, d’autres en plusieurs, d’autres encore sont athées ou agnostiques. Tous sont condamnés à vivre ensemble. Cette vie commune, selon la Déclaration des droits de l’homme doit assurer à chacun la liberté de conscience ; qui exclut toute contrainte religieuse ou idéologique. Mais, quel est le point de départ, le moment où la laïcité a fait son entrée comme principe d’organisation de la société moderne ? On essaie même de le dater d’un jour précis, le 26 août 1789, le jour où l’Assemblée constituante a adopté la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’un de ses articles dit : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuse, pourvu que leur manifestation ne trouble l’ordre public. »

C’est la liberté de conscience qui émerge. Or cette liberté de conscience est l’objet et la raison d’être principale de la laïcité. C’est une nouveauté : parce que jusqu’à présent on n’avait pas le droit d’avoir une autre religion que celle du prince ou du souverain – Certains états depuis longtemps s’accommodaient ou toléraient une certaine pluralité confessionnelle ; mais le mot le signifie bien, ce n’était qu’une tolérance et qui ne conférait pas aux dissidents (les protestants et les juifs) une quelconque égalité de droits civils et à plus forte raison politiques. La religion n’est plus facteur de distinction entre les personnes, ni de différenciation de leur droit, que ce soit dans un sens positif ou négatif : le rejet de toute discrimination fondée sur la religion entraine l’abrogation de statuts particuliers, le découplage de la citoyenneté et de la religion. Les protestants et les juifs auront désormais les mêmes droits que leurs concitoyens catholiques et pour être plus exact, il n’est plus fait acception de la particularité religieuse pour définir les droits de chacun.
J’insiste sur ces principes parce que depuis l’avènement de Wade, on se croit obligé d’afficher son appartenance à la même confrérie que le souverain pour revendiquer des privilèges comme dans la France de l’Ancien Régime.
L’Etat doit reconnaitre l’existence des religions, leur dimension collective et leur caractère social. Il garantit leur libre exercice et prend même en charge leur entretien. Neutralité de l’Etat, pluralité de religions reconnues, traitement des cultes à égalité, tels sont les traits caractéristiques de la laïcité.
L’égalité de droit est incompatible avec la valorisation privilégiée d’une croyance. La puissance publique doit être neutre sur le plan confessionnel et développer, par l’instruction, l’exercice autonome du jugement, afin que tous apprennent à vivre ensemble leur conviction sans fanatisme ni intolérance. Mais si le concept de laïcité est un legs colonial, le principe lui est antérieur à la Constituante. On en trouve déjà des traces dans le Coran. « Il n’y a pas de contrainte en religion ! »

El Hadji Malick Sy introduit la laïcité dans un de ses écrits. Il dit à ce sujet que quand le Prophète est arrivé, il a trouvé que l’impiété était à son comble et il a pris la main de l’humanité pour la sortir des ténèbres vers la lumière. Il dit que si le Prophète a réussi, c’est parce que sa méthode refusait la contrainte en religion. Il faut étudier la question de la laïcité, non pas seulement à partir de l’exemple de la France qui en a une lecture tout à fait anticléricale, et cela est lié à l’histoire de la France, mais, il faut faire aussi la lecture de la laïcité dans la Turquie de Kamal Atatürk formé dans les cellules de la franc-maçonnerie à Salonique en Grèce. Il s’attaque à l’islam : en 1925, les ports du Fez et du turban sont interdits. En 1932, l’Appel de la prière jusqu’alors en arabe devra se faire en turc. En 1935, le dimanche devient le jour officiel de repos. Autre mesure, la suppression des caractères arabes remplacés par les lettres latines. Le turc est purgé de tous les mots d’expression arabe ou persane. L’adoption des noms de famille à l’européenne et l’abolition de titre de Pacha, bey mollah remplacé par Monsieur, Madame. Les tribunaux musulmans sont fermés et la Charia abolie. La formation des Imams est assurée par la suppression définitive de medersa et la création d’une faculté de théologie contrôlée par l’Etat (1924). En 1925, tous les ordres confrériques du pays sont dissous et leur zawiya fermés (776 zawiya). Leur bien est confisqué. Les titres religieux d’origine soufis sont proscrits, comme s’il supprimait serigne, marra, cheikh, thierno.

Vous avez beaucoup travaillé pendant votre carrière avec des unités et des structures ayant en charge le développement de nos pays. Selon vous, quel est le problème de l’économie sénégalaise ?

Le problème de l’économie sénégalaise est le problème de la manière dont le pays a été géré depuis l’indépendance, c’est un problème de gouvernance. Comment comprendre que le Sénégal qui, au moment de l’Indépendance, était à un niveau de développement comparable à celui de la Corée du Sud, de la Malaisie ou de l’Ile Maurice, n’ait pas pu trouver sa voie pour sortir de la pauvreté. Aujourd’hui la Corée du Sud soumissionne et gagne des marchés aussi sophistiqués que le nucléaire aux Emirats Arabes Unis et l’emporte sur des sociétés françaises, britanniques, américaines et canadiennes. Le Sénégal importe, à ce jour, des clous.
Pour revenir à votre question : pourquoi la promesse de développement faite au lendemain des indépendances ne s’est pas réalisée ?
L’attente messianique d’un homme nouveau que Sartre avait espérée dans sa fameuse préface Damnés de la terre de Fanon :’’Un autre homme : de meilleure qualité’’ pour remplacer le colonisateur ne s’est pas réalisé. Frantz Fanon avait mis en garde contre le risque de confiscation des acquis de la lutte pour l’Indépendance et avait dénoncé ceux qui, sous la peau noire, portait un masque blanc. Mais la réalité dépassa ses pires cauchemars. Non seulement il y avait Bongo, Bokassa et autres au service de l’ancienne puissance coloniale, mais les élites qui s’étaient réclamés du « socialisme scientifique » ou de la « révolution nationale et démocratique » de l’Ethiopie à l’Angola en passant par l’Algérie, la Guinée et le Congo Brazzaville, se reclassèrent sans état d’âmes dans l’ordre libéral, pour le servir. Partout se créent de nouvelles classes aussi rapaces parfois que les anciens colons. Les analyses approfondies faites dans le cadre des Assises nationales ont clairement montré, que les politiques de développement n’ont pas opéré, pour l’essentiel, une rupture avec le legs colonial.
Les conclusions font apparaitre l’absence d’une définition sérieuse de politiques endogènes de développement, tant au plan agricole qu’industriel, où seules d’insignifiantes petites industries de transformations nous ont été léguées.

« L’intelligence théorique du mouvement d’ensemble » dont parlait Marx n’est rien d’autre que l’exigence d’un important travail de connaissance du réel, condition nécessaire à sa transformation. Voilà ce qui résume les Assises, dont l’une des conclusions les plus importantes est la prise en compte des potentialités des régions à travers les pôles de développement. Essayer de regrouper les régions en ces pôles, voir les potentialités de chacune et faire de telle sorte qu’elles soient exploitées. C’est le 50ème anniversaire de notre « Indépendance ». On était, tel que je l’ai déjà dit, au même niveau de développement que la Corée en 1960, aujourd’hui pour atteindre leur niveau de développement, il nous faut 70 ans. Quelque chose s’est passé. La réflexion qui aurait dû avoir lieu, ne s’est pas faite. Il faut qu’il y ait une réflexion sur la Nation, sur le bilan de ces 50 ans. Ce serait peut-être l’occasion d’exploiter la réflexion menée pendant un an au niveau des Assises Nationales. Dans un pays où on parlait de stratégie de croissance accélérée, quand le taux de croissance était de 5%, ce dernier est aujourd’hui de 1,2%. Finalement quelle croissance la stratégie a-t-elle accélérée ? Alors il faut une réflexion sur les potentialités de chaque région et sur les potentialités du pays au niveau macro économique. C’est une réflexion d’ensemble qu’il faut. On l’a déjà entamé au niveau des Assises et on a beaucoup et bien travaillé, mais on ne peut mener cette réflexion d’une manière efficace sans la participation de l’Etat. Jusqu’ici on a travaillé sans eux mais il faut qu’ils viennent et qu’ils abandonnent cette position puérile qui consiste à dire que ce sont les Assises de l’opposition. Cette bataille de communication, ils l’ont perdue devant le peuple. Et le 22 Mars 2009 l’atteste. Abdoulaye Wade, en refusant de participer aux Assises s’est isolé ; cet isolement lui sera fatal.

En quoi la finance islamique peut-elle constituer un maillon dans le développement de l’économie de nos pays ?

Durant la crise financière, en me promenant dans les rues de New York, il m’est venu à l’esprit un hadith où le Prophète dit : « Qu’à chaque fois qu’il y a l’usure dans une Nation, tôt ou tard il y apparaitra la folie ». Quand j’ai vu les titres des journaux à Wall Street : folie financière, folie foncière, folie bancaire… je me suis dit voilà ce que le Prophète avait annoncé il y’a 14 siècles. La cause principale de cette crise multiple et diverse résulte des « subprimes » qui reposent sur une certaine politique du crédit basée sur l’intérêt.

Pour répondre à votre question, la Finance islamique représente aujourd’hui une expérience d’avant-garde qui occupe une place de choix dans le système financier mondial, de même que l’industrie de la finance islamique fait désormais l’objet d’un intérêt certain de la part de plusieurs institutions financières internationales, régionales et nationales. La finance islamique n’est plus l’apanage des seuls musulmans. Il existe aujourd’hui de nombreux investisseurs et hommes d’affaires non musulmans qui ont trouvé que certains produits de la finance islamique conviennent mieux à des formes précises de leurs projets, affaires et transactions.

C’est ce qui explique le développement prodigieux que connaissent ces produits et institutions financières dont le nombre dépasse aujourd’hui les 300 disséminées à travers le monde (près de 75 pays).

A la fin de 2008, le volume du marché de l’industrie de la finance islamique s’est élevé à 840 milliards de dollars avec un taux de croissance des actifs islamiques de 30%. Les estimations indiquent que cette croissance va se poursuivre à un taux de 20% jusqu’à 2012 en dépit de la crise qui n’a pas touché la finance islamique. C’est pourquoi plusieurs pays occidentaux tels que la France, la Grande-Bretagne et même la Chine ont opéré des aménagements fiscaux et juridiques pour absorber la Finance islamique. Le Gouvernement français, malgré l’islamophobie ambiante, est actuellement sur le point d’accorder une licence à la première Banque islamique de France. Le premier Forum international sur la Finance islamique dans l’UEMOA organisé les 11 et 12 Janvier à Dakar par la African Institute of Islamic Finance du Sénégal participe de cette prise de conscience mondiale des opportunités offertes par les finances islamiques.

La majorité musulmane des pays de l’Afrique de l’Ouest constitue un stimulant important de la finance islamique dans la région UEMOA. S’y ajoute que le Sénégal regorge de cadres qui ont été parmi les premiers agents de la BID à sa création, comme Ousmane Seck, Oumar Sarr, Moustapha Diouf et Cheikh Fall pour ne citer que ceux qui détiennent une expertise avérée sur les questions de la finance islamique.

Je sais que le groupe de la BID œuvre inlassablement avec l’UEMOA pour dynamiser le rôle de la Finance islamique de manière à contribuer à donner une impulsion à la croissance des Etats membres. Il convient de noter que la BID détient des participations dans 4 banques islamiques en Afrique de l’Ouest à savoir : L’Arab Gambian, Islamic Bank, les Banques Islamiques du Sénégal, du Niger et de la Guinée. Elle est sur le point de créer un holding pour suivre les banques islamiques de l’Afrique de l’Ouest ou pour en créer de nouvelles. La BID a institué un système de commerce extérieur d’échanges intra et extra communautaires qui fait que quand le Sénégal a besoin de sacs en jute qui sont produits par le Bangladesh, la BID achète ces sacs pour le compte du Sénégal au lieu que ce dernier aille jusqu’en Grande Bretagne pour les y acheter. Donc la banque achète ces sacs et les revend à un prix de revient qui est sans taux d’intérêt. C’est la même chose pour le pétrole. Aujourd’hui, si le Sénégal a besoin de pétrole, la banque peut l’acheter du Nigéria ou de l’Arabie saoudite et le revendre au Sénégal. Cela permet au Sénégal de rembourser la banque sur 18 mois et de ne pas payer au comptant à l’Arabie saoudite. C’est un moyen d’allègement de la balance des paiements des pays. Au lieu de sortir l’argent et de le dépenser tout de suite, le Sénégal rembourse la banque sur 18 ou 24 mois, etc. Cette méthode permet à la BID de revendre ce pétrole avec un prix de revient dont le bénéfice lui permet de financer d’autres projets.

Est-ce vrai que la Bid n’a pas assez d’argent ?

Je dirai que la banque est limitée dans ses possibilités d’emprunter sur le marché international à cause de la sanction de la Sharia. Quand on emprunte, on paie des intérêts. Donc la BID ne peut pas comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) aller sur le marché et lever des fonds. A cause de la qualité de la structure du capital de la BID (Arabie Saoudite, Koweit avec Lybie…), donc à cause de la qualité de ses actionnaires et de leur solvabilité, la BID n’aurait aucun problème pour emprunter de l’argent sur le marché international si elle était une banque conventionnelle. La Banque mondiale (BM) emprunte du fait de la qualité de son Conseil d’administration, de la structure de son capital ; les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la France, le Japon… lui servant de caution. La Banque islamique de développement ne pouvant pas emprunter, les pays membres souscrivent entièrement, ce qui n’est pas le cas de la Banque mondiale ou la BAD qui prennent 3% du capital souscrit et vont ensuite sur le marché international pour emprunter. Elles peuvent emprunter de manière indéfinie. En ce qui concerne la BID, quand un pays comme l’Arabie Saoudite paye entièrement sa part du capital souscrit, elle ne peut pas revenir pour lui demander de l’argent. La BID a, par conséquent, essayé de mettre en place un mode de financement compatible avec la Sharia. Elle est obligée d’être inventive, d’être créative tout le temps pour compenser cette sanction de la Sharia. Au vu des besoins de la Oummah islamique, effectivement la Banque n’a pas assez d’argent. Mais avec le minimum qu’elle a, elle est en train d’abattre un excellent travail.

Est-ce que vous pensez vous présentez à une élection présidentielle ?

Au Sénégal dès que tu ouvres la bouche, on te prête des ambitions. Les Sénégalais ne croient pas à aune action dévouée et désintéressée. Mais aujourd’hui, le problème qui se pose, c’est que les politiques sont obnubilés par 2012, par la stratégie de conquête ou de conservation du pouvoir. Or ce n’est pas la question ! La question fondamentale c’est de s’inscrire dans une dynamique de transformation sociale. Le 19 mars, le pouvoir a été conquis par une alliance de la gauche et des libéraux. Quels sont les résultats ? Dadis Camara a conquis le pouvoir en Guinée. Quels en ont été les résultats ? Tous les jours il y a des coups d’Etats. La question est de créer les conditions de transformation sociale en mettant en place les conditions au niveau des pôles de développement région par région. Il faut être conscient des potentialités et les rassembler. Pourquoi aller au pouvoir lorsque ces conditions là ne sont pas remplies ? Pour des privilèges ? Des prébendes ? Des bons d’essence ?

On va au pouvoir pour créer les conditions de transformation sociale ?

On ne peut pas le faire par le haut. On le fait par le bas. Quel est l’ancrage des partis d’opposition dans les masses dans une société où ce sont les imams qui sont à l’avant-garde de revendications sur l’électricité ? Ce sont des revendications éminemment politiques. Mais les forces sociales ont été contraintes de prendre acte du fait que les partis de l’opposition n’offraient pas suffisamment de points d’appuis efficaces à leur mobilisation.

La gauche n’a-t-elle pas échoué au Sénégal ?

C’est quoi la gauche aujourd’hui ? Je crois que la vulgate républicaine avec son culte du progrès et sa dévotion révolutionnaire continue de véhiculer des concepts qui n’ont plus l’impact d’autrefois et qu’il convient de préciser au risque de n’être pas compris. Par exemple la notion de gauche désignait dans les années 50 un mouvement porteur de modernité. Il ne l’est plus. On n’entend aujourd’hui dans l’usage de ce concept le fait que ceux qui s’en réclament sont rattachés à un système de pensée obsolète en référence à une entité qui a disparu : le système socialiste.

La notion de gauche est chargée d’une histoire contrastée, de lumières certes, mais aussi de beaucoup d’ombres. Cette notion avec son idéal d’émancipation est inscrite dans les grandes luttes de notre peuple et y trouve un profond ancrage. L’immense succès de la révolution d’Octobre a mobilisé dans le monde entier des millions d’êtres humains qui ont trouvé la force de se révolter contre l’oppression : Chine, Vietnam, Algérie, Zimbabwe, Afrique du Sud… Mais il y’a aussi des ombres : tous les pays cités malgré les immenses sacrifices de leur peuple pour leur émancipation, ne sont pas des exemples de vertu démocratique et de respect de droits de l’homme à l’exception de l’Afrique du Sud et pour combien de temps. Sans compter les crimes atroces de Staline et du Stalinisme, les millions de morts et déportés, les goulags, les attentes aux libertés, le mépris de l’être humain (Cambodge, Laos et ailleurs) les privilèges exorbitants de quelques uns, les interdits du bloc soviétique et de la Chine.

Pour la clarté du débat, les partis de gauche doivent montrer en quoi ils restent fidèles à l’idéal d’émancipation humaine et en quoi ils assument leur histoire dans sa complexité avec un désir d’inventaire exhaustif réclamé de longue date mais jamais réalisé. Ce devoir d’inventaire ne peut pas prendre la forme d’un abandon à la sauvette et encore moins d’une repentance. Il s’agit de beaucoup plus que cela. Avec ce devoir d’inventaire, il convient de rendre clair et visible la critique assumée par le PAI, le PIT, la LDMPT, And Jef, Yoonu askaan wi et d’autres de ce qui les a si longtemps rattachés à une expérience qui tournait le dos à leur conviction et même la dénaturait. Les partisans de gauche n’ont jamais fait de mal à personne. Mais ce devoir d’inventaire doit contribuer à libérer l’idéal d’émancipation de la gauche des entraves du passé. Au détour de votre interrogation sur l’échec de la gauche (une fois la notion libérée) on retrouve une question souvent posée jamais résolue : comment faire porter par les masses sénégalaises les idéaux de progrès contenus dans les différents programmes du PIT, de la LDMPT, du PAI, du MSU, du RND, de Yoonu askaan wi si peu implantés dans les masses malgré une histoire faite de courage, de sacrifices, de ténacité, de dévouement à nulle autre pareil ? En fait, ces partis peuvent paraitre négligeables au regard de leur taille, mais ils sont dépositaires d’expérience en matière de stratégies et de tactiques de propagande, d’agitation, de conception et d’organisation qu’on ne peut sous-estimer que si on ignore leurs traditions. L’alternance en est une éloquente illustration. La contribution des partis de gauche a été décisive. L’histoire nous enseigne l’importance des combats démocratiques qui furent menés tout au long du 20ème siècle et leur contribution à l’avènement des libertés modernes. Donc on ne peut parler d’échec.
Cependant la plus grande faiblesse de cette opposition est la difficulté à asseoir sur les forces sociales les plus représentatives, une influence solide, stable et durable qui aurait permis de les mobiliser pleinement dans la lutte pour le changement réel.
Mais cet « émiettement » a une cause historique : crises répétées du Parti Africain de l’Indépendance, brutalité de la répression du régime de Senghor, répercussion du conflit sino soviétique refus du devoir d’inventaire des partis de la gauche classique…

Malgré cet ’’émiettement’’ – Il n’y a pas eu d’échec. L’expérience de la gauche a légué à ce pays – et c’est là sa principale richesse – un collectif humain de plusieurs milliers de femmes et d’hommes sur tout le territoire et dans la diaspora, militants déterminés expérimentés et, aujourd’hui, élus. Ce potentiel politique peut et doit contribuer à la construction d’une force politique capable, à nouveau, d’ouvrir des perspectives et de donner un nouvel avenir à l’espoir d’émancipation de notre peuple.

Le PAI a été créé en 1957 et dissous le 1er Août 1960. Trois ans d’existence légale. Tout le reste est une existence clandestine avec la répression du régime UPS/PS qui s’est abattu sur lui d’une manière impitoyable. Je ne crois pas que la débâcle libérale peut absoudre le PS de cette grande responsabilité, de ce rôle qu’il a joué dans le démantèlement des forces de gauche.
Mais le mouvement de gauche a besoin du Parti socialiste. La gauche et le pays ont besoin du parti socialiste, mais dans un débat franc et honnête. Le PS traine un passif très lourd car il a été au pouvoir pendant 40 ans auxquels le peuple a mis fin le 19 Mars 2000. Le peuple a eu raison de ce parti dans une coalition presque parfaite porteuse de l’immense espoir pour un Sénégal qui rompt avec son passé colonial et post colonial. Cet espoir a été déçu. Parce que l’alternance s’est révélée être l’histoire d’une tragédie personnelle, celle d’Abdoulaye Wade qui est transformée en tragédie nationale.

Lorsque le Parti socialiste était au pouvoir, il n’était pas un exemple de bonne gouvernance et de gestion vertueuse. Mais il faut admettre que la Direction du PS a été capable de résilience et a su trouver un second souffle. Malgré les effets collatéraux de la transhumance qui visait à l’anéantir, malgré une forte hémorragie, il a su démontrer qu’il était bien ancré dans la société avec des relais sûrs. Ce parti continue à influencer une partie de l’intelligentsia et de la paysannerie avec une bonne posture internationale et par dessus tout l’aura international de son ancien et dernier chef. Par-dessus tout, le PS a des cadres qui ont une bonne expérience de la chose publique et de l’Etat. Ils sont depuis 10 ans sur des positions disons de progrès. Ont-ils fondamentalement changé ? Est-il prudent de les remettre en orbite ? Le PS est aujourd’hui traversé par des contradictions internes liées à la question du leadership.

Et les autres forces du landerneau politique, l’AFP par exemple ?

L’AFP a connu un développement exceptionnel, mais a connu une hémorragie.

Est-ce qu’elle n’a pas sombré ?

Non elle n’a pas sombré. Elle a suscité beaucoup d’espoir à sa création, à la suite d’une profonde frustration qui a su attirer une bonne partie des cadres de l’UPS/PS après l’indépendance. Niasse, vu son trait de caractère jovial affable avec une immense intelligence sociale, une expérience de la chose publique avérée, de bonnes fréquentations au niveau international, est bien avec tout le monde, les tidjanes, omariens, niassénes, mourides, les chrétiens. Comme les Américains disaient à propos de Obama : he is lovable : charmant. Mais est-ce suffisant ?
Mais malgré le coefficient personnel de son chef, ses cadres n’ont pas su lui donner un socle organisationnel, lui permettant de résister à l’hémorragie qui ne l’a pas épargné. Il s’est révélé être un mouvement de soutien à Niasse plus qu’un parti politique classique.
L’APR se pose comme parti d’opposition à cause des frustrations engendrées par la manière cavalière dont il a été poussé à la sortie par le régime libéral. Son leader qui est un ami a les mêmes qualités qu’Abdou Diouf : serein, affable, très réfléchi avec une capacité d’écoute et de synthèse admirable. Mais il traine deux handicaps : le rôle qu’il a joué dans la liquidation d’Idrissa Seck et de ses partisans ; et le fait qu’il soit au cœur de l’énigme des élections de 2007. Il dit qu’il ne faut pas faire confiance au fichier électoral ; mais il ne dit pas pourquoi. Il faut qu’il aille jusqu’au bout de sa pensée. Le pourra-t-il, le voudra-t-il ?
Il y’a d’autres partis tels que le RND, traversé par des conflits internes, mais qui a la capacité de jouer un rôle rassembleur, comme il l’a fait dans le cadre des Assises où Diallo Diop (sans prendre position dans le conflit interne) a été un élément important du dispositif de consultation avec un dévouement, un sens du sacrifice et une capacité de travail et une abnégation rare dans la commission scientifique.

Si j’avais à choisir un candidat à la présidentielle sur une base affective, ce serait Diallo Diop. Je défends ce point de vue depuis longtemps. Mais la vie politique est ainsi faite que d’autres considérations entrent en ligne de compte mais, il a à la fois l’éthique et l’étoffe de l’homme d’Etat dont le Sénégal a besoin.

Sur le reste de la gauche. Je me suis largement exprimé. Ce qu’il convient de retenir, c’est que dans le Sénégal d’aujourd’hui aucune organisation, aussi ancienne soit-elle ne peut ni prétendre détenir seule la mémoire des expériences et des combats menés par des millions d’hommes et de femmes depuis l’époque coloniale, ni faire, à elle seule, la synthèse de toutes les épreuves vécues par notre peuple.

Pour sortir le Sénégal de la crise, chacun doit y investir tout, ce qui fait son originalité. L’objectif est de bien travailler à un futur souhaitable pour le Sénégal.

Et dans ce processus, de mon point de vue, le PIT et à sa tête Ahmat Dansokho est la cheville ouvrière qui doit occuper toute sa place pour les changements qui s’annonce. Trois ans après son congrès de 1997 – l’alternance qu’il a théorisée dans sa stratégie de large rassemblement voyant le jour. Rien d’essentiel ne se fera sans eux.

Et le PDS ?

Je me suis déjà prononcé sur le PDS. Dans un contexte national où le Parti au pouvoir est à l’agonie, victime de l’inconséquence de son chef, de la rivalité d’une demi-douzaine d’ambitieux et d’innombrables intrigants, la cohérence s’est fissurée autour de Wade qui est splendidement isolé depuis son refus de participer aux Assises Nationales. Ironie de l’histoire deux ministres d’Etat et un Premier ministre ont rejoint ou ont frappé à la porte de Benno donc des Assises – Dans un tel contexte, l’opposition doit refuser le pseudo débat qu’on nous inflige sur la succession. Débat qui n’est pas seulement indigent mais honteux. Il convient de s’arracher à cette duperie et cette confrontation mortifère où les libéraux veulent nous enfermer aveuglés par leurs petits calculs de boutique, incapables de s’élever à la hauteur de l’histoire du pays que nous voulons construire.

« Un chef doit être à la fois aimé et craint. Mais comme il est difficile d’avoir les deux en même temps, il est plus sûr d’être craint qu’aimé. Cependant, un prince doit se faire craindre de telle sorte que même s’il n’est pas aimé, il doit éviter à tout prix la haine de ses sujets » Machiavel 1513.

La Rédaction

lagazette.sn

7 Commentaires

  1. rien à dire sur cet article non seulement l’analyse faite de notre pays est la triste réalité mais les réponses sont d’une telle clarté et éloquentes que je m’incline devant la grandeur intellectuelle de ce Mr sy. merci encore pour tout le travail que vous faites pour l’intérêt suprême de notre nation

  2. Tu n’es qu’un politicien comme les autres. Tu ne crois même pas en ce tu dis. Tu es de la race des soit-disant marabouts vaniteux et suffisants. Il faut mettre de l’eau dans ton thé. On a vu plus corriace que toi. Topal feulé.

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