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Etat d’urgence, couvre-feu, et loi de 1969 modifiée : le régime patauge, et s’enferre dans un mensonge d’état

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Le lundi 18 janvier, le ministre de l’intérieur Antoine Félix Diome a déclaré avec une incroyable audace à la RTS (radiotélévision sénégalaise) que « le 06 janvier dernier, le président de la République a proclamé l’Etat d’urgence qui a débuté le même jour à minuit. Donc pour computer les délais, il faut commencer à partir du 07 janvier ».

Cet énorme mensonge d’état du fantasque ministre de l’intérieur illustre à lui seul tous les errements d’un régime hors la loi qui fait preuve d’un amateurisme consternant.

Par décret n° 2021-01 du 05 janvier 2021 l’état d’urgence a été proclamé sur toute l’étendue des régions de Dakar et Thiès, assorti d’un couvre-feu. Dans le communiqué de la Présidence de la République en date du 05 janvier 2021, il est précisé que Macky Sall a déclaré l’état d’urgence le 05 janvier assorti d’un couvre-feu partiel dans les régions de Dakar et Thiès. L’état d’urgence a donc pris fin le dimanche 17 janvier 2021. C’est clair, net, précis et définitif.

Plus grave encore, Antoine Félix Diome s’est enfoncé tout seul, car son arrêté portant interdiction temporaire de rassemblements dans les régions de Dakar et de Thiès, lui revient en plein boomerang. Dans cet arrêté du 06 janvier, le visa n°7 ne laisse place à aucun doute : il est écrit noir sur blanc « Vu le décret n°2021-01 du 05 janvier 2021, proclamant dans les régions de Dakar et Thiès ». La messe est dite/

La vérité, c’est qu’avec la modification de la loi de 1969 sur l’état d’urgence, le régime s’est fourvoyé, s’enferrant dans un imbroglio juridique inextricable, et contraignant le ministre de l’intérieur à un énorme mensonge d’état qui le disqualifie définitivement. Pour une sortie sur un sujet extrêmement sensible, Antoine Diome, dont la crédibilité est sérieusement atteinte a raté le coche (il n’a pas les épaules pour diriger le ministère de l’intérieur).

Analysons maintenant l’arrêté du gouverneur de la région de Dakar du 18 janvier 2021, portant interdiction temporaire de circuler du 19 au 26 janvier 2021, une prorogation qui n’a aucune base légale. En effet, une lecture attentive des visas dudit arrêté permet d’aboutir aux conclusions suivantes :

  • Le 1er visa de l’arrêté vise la Constitution. Or les dispositions de l’article 69 de la Constitution sont très claires (l’état d’urgence est décrété pour une durée de 12 jours, passé ce délai seule l’assemblée nationale en autorise la prorogation). L’assemblée nationale sénégalaise s’est-elle réunie hier, le lundi 18 janvier 2021 pour autoriser la prorogation de l’état d’urgence pour une durée de 8 jours ? 
  • Secundo, l’arrêté ne vise ni la loi de 1969 sur l’état d’urgence, ni le décret n° 2021-01 du 05 janvier 2021 proclamant l’état d’urgence sur toute l’étendue des régions de Dakar et Thiès.

En conséquence, l’arrêté du gouverneur de la région de Dakar du 18 janvier 2021, est illégal, « nul et non avenu ».

Enfin, un magistrat comme Antoine Diome devrait savoir que la création d’un nouveau régime propre aux catastrophes naturelles ou sanitaires, ne peut en aucun cas être inséré dans la loi de 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège. A partir du moment où l’autorité prétend vouloir prendre des mesures classiques sans recourir à l’état d’urgence (prétexte fallacieux auquel personne ne croit) ; de telles mesures ne peuvent en aucun cas être insérées dans la loi de 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège, dont les dispositions relèvent d’un état d’exception. On ne peut pas créer un régime qui ne relève pas de l’état urgence dans un régime d’état d’urgence car les 2 régimes sont distincts du point de vue juridique (on n’a pas besoin d’être juriste pour le savoir).

Soit on est dans l’état d’urgence régi par la loi de 1969 ; ou soit on n’est pas dans l’état d’urgence régi par le droit commun (mais on ne peut pas mixer les 2). Pour créer un nouveau régime distinct de l’état d’urgence, qui relève du droit commun, il faut élaborer un projet de loi spécifique, et non insérer un nouveau régime (titre) dans la loi sur l’état d’urgence de 1969 qui nécessite obligatoirement une modification de la Constitution. Non seulement ce nouveau régime relatif aux catastrophes naturelles ou sanitaires est inconnu par l’article 69 de la Constitution qui traite exclusivement de l’état d’urgence et l’état de siège, mais qui plus est, il n’a pas vocation à y être inséré.

En conséquence, la loi de 1969 modifiée est Inconstitutionnelle. Définitivement.

Pour se conformer au droit, la voie a été tracée par la France et le Burkina FASO, qui, pour lutter contre l’épidémie de la Covid-19 ont instauré l’état d’urgence sanitaire dans le code de la santé publique. L’état d’urgence sanitaire n’est pas lié à des questions sécuritaires propres à un état d’urgence classique. A ce titre, le Burkina FASO s’est doté d’outils pertinents comme la Loi n°023/94/ADP portant code de santé publique ou encore la Loi de 2014 relative à la gestion des risques, des crises humanitaires et des catastrophes. Ces dispositifs sont déconnectés de l’état d’urgence classique. 

Le régime hors la loi de Macky Sall, dont le mensonge est devenu la marque de fabrique, devrait s’en inspirer. La création d’un nouveau régime (3eme régime) propre aux catastrophes naturelles ou sanitaires, doit faire l’objet d’un projet de loi spécifique et n’a rien à faire dans une loi sur l’état d’urgence.

Il ne suffit pas comme Antoine Diome d’aller dans un média de propagande (RTS) et de raconter des inepties pour manipuler l’opinion : le mensonge et le banditisme d’état ; ça suffit !

Seybani SOUGOU – E-mail : [email protected]

1 COMMENTAIRE

  1. Quand le népotisme s’arroge les premiers rangs, la compétence quitte, voîla ce qui est arrivé au pays de Cheikh Anta Diop. On s’entoure de nullards(conseillers, ministres…) payés par le contribuable pour produire des inépties que même l’homme de cro-magno ne saurait accepté.

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