Au moment où tous les regards sont braqués ailleurs et où le débat est axé sur une hypothétique 3eme candidature de Macky Sall en 2024, qui relève d’une utopie juridique, les députés godillots de la majorité s’apprêtent à voter, en catimini, dans le cadre d’une procédure d’urgence, un projet de loi modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège. Au titre des textes législatifs et réglementaires, le Conseil des ministres a adopté le 16 décembre 2020 un projet de loi liberticide et extrêmement dangereux modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège, dont le contenu n’a fait l’objet d’aucune publication, mais qui a été révélé par la presse qui précise que ledit projet de loi prévoit des dispositions qui attribuent les pleins pouvoirs à Macky Sall au titre de l’état d’urgence, notamment en dépossédant l’assemblée nationale de ses prérogatives (en l’état actuel des textes, l’autorisation de la prorogation de l’état d’urgence est de la compétence exclusive de l’assemblée nationale – cf article 69 de la Constitution). Quelle est la nature et l’ampleur de la « dépossession » de l’assemblée nationale ? Car, dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives, c’est modifier radicalement l’esprit et la lettre de l’article 69 de la Constitution qui fixe d’une part, la durée de l’état d’urgence et d’autre part, les modalités de sa prorogation suivant le principe de la séparation des pouvoirs. Aux termes de l’article 60 du règlement intérieur de l’assemblée nationale, « Les projets et propositions sont distribués aux députés au moins dix (10) jours avant leur examen par la Commission compétente, sauf en cas d’urgence motivée ». Quelle serait l’urgence et la motivation de faire voter ce projet de loi qui n’a aucun intérêt pour les sénégalais, sauf pour Macky qui vise à renforcer ses pouvoirs ?
Il est fondamental que ce projet de loi soit publié dans les meilleurs délais, car une modification de la Constitution sur un point aussi important que l’état d’urgence qui concerne les libertés publiques ne peut être camouflé ou dissimulé. Le régime qui dispose d’une armada de juristes et de conseillers à la présidence a-t-il désormais peur de porter à la connaissance du public, les projets de loi ? Car, depuis que les sénégalais ont été alertés sur le caractère totalement illégal de certains décrets et l’inconstitutionnalité de certaines lois, ils n’osent plus publier les textes ! Disons-le clairement : l’état d’urgence est un régime d’exception pour faire face à une situation exceptionnelle. L’état d’urgence est adossé autour de 4 grands principes : la nécessité, la proportionnalité, la motivation et le caractère temporaire.
· Nécessité : Les mesures prises doivent être strictement indispensables pour assurer le retour de la situation à la normale.
· Proportionnalité : Les mesures doivent être proportionnées aux circonstances. La déclaration d’état d’urgence et ses mesures d’exécution doivent respecter le principe de proportionnalité.
· Motivation : La déclaration d’état d’urgence doit être motivée.
· Caractère temporaire : L’état d’urgence est limité (l’article 69 de la constitution fixe sa durée à 12 jours et l’autorisation de sa prorogation relève de la compétence exclusive de l’assemblée nationale).
Ecarter l’Assemblée Nationale et donner les pleins pouvoirs à un homme comme Macky Sall (un anti républicain notoire) est un précèdent extrêmement dangereux. Le risque est connu : violations des libertés individuelles et collectives, atteinte disproportionnée à la vie privée des sénégalais, usage totalement dévoyé de l’état d’urgence à des fins politiques, atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de manifestation. Il urge que les citoyens sénégalais prennent connaissance de ce projet de loi. Et vite. Tous les médias et tous les journalistes qui ont connaissance de ce projet de loi doivent le publier : les libertés publiques sont en jeu.
Seybani SOUGOU – E-mail : [email protected]
Nota bene : Le projet de loi modifiant la loi n°69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège ne modifie pas uniquement la loi précitée. Pour dépouiller l’assemblée nationale de ses prérogatives, il va falloir modifier l’article 69 de la Constitution. En effet, l’article premier de la loi n°69-29 du 29 avril 1969 dispose que l’état d’urgence et l’état de siège sont institués dans les conditions prévues par la Constitution. A l’époque, c’était l’article 58 ; aujourd’hui c’est l’article 69 de la Constitution.
Article 69. – L’Etat de siège, comme l’état d’urgence, est décrété par le Président de la République. L’Assemblée nationale se réunit alors de plein droit, si elle n’est en session. Le décret proclamant l’état de siège ou l’état d’urgence cesse d’être en vigueur après douze (12) jours, à moins que l’Assemblée nationale, saisie par le Président de la République, n’en ait autorisé la prorogation. Les modalités d’application de l’état de siège et de l’état d’urgence sont déterminées par la loi.
Ce peuple doit se lever comme le peuple Malien et foutre ce va-nu-pieds à la prison de son village natale.