XALIMANEWS-Le Sénégal sait à quoi s’en tenir en prélude à la 95e pré-session du Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies (ONU). En effet, Human Rights Watch, l’organisation non gouvernementale internationale qui se donne pour mission de défendre les droits de l’homme et le respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a notamment axé sa communication, ce lundi, sur les obstacles à la réalisation du droit à l’éducation, y compris pour les filles enceintes et les mères adolescentes, ainsi que sur l’exploitation et la violence sexuelles et sexistes en milieu scolaire. Voire les abus et l’exploitation des enfants talibés.
Extraits.
Obstacles au droit à l’éducation (articles 19, 24, 28, 29 et 34)
« (…) Notre recherche de 2017-2018 sur les obstacles à l’enseignement secondaire montre que le gouvernement a fait des progrès insuffisants dans la rétention des filles à l’école et qu’il n’a pas fourni une éducation de base gratuite. De plus, bien que la loi sénégalaise de 2004 sur l’éducation stipule que l’enseignement obligatoire doit être gratuit de 6 à 16 ans, nos résultats montrent que l’enseignement secondaire n’était pas gratuit dans la pratique.
(…) Nous avons constaté que les élèves du secondaire peuvent être tenus de payer près de 40 000 CFA (75 USD) en frais de scolarité, en frais de mobilier et en frais de scolarité supplémentaires pour les cours de l’après-midi, obligeant de nombreux enfants à abandonner.
Parallèlement aux frais de scolarité et aux coûts indirects, la discrimination fondée sur le sexe contribue aux faibles taux de rétention et d’achèvement du premier cycle de l’enseignement secondaire obligatoire, en particulier dans les zones rurales. Dans certaines communautés, les parents donnent la priorité à l’éducation des garçons plutôt qu’à celle des filles. (…)
La grossesse comme obstacle à l’éducation
(…) Dans l’ensemble, les taux de grossesse chez les adolescentes restent élevés dans tout le pays : de 2004 à 2020, le taux de natalité chez les adolescentes était de 68 pour 1 000 adolescentes et femmes âgées de 15 à 19 ans.
De nombreuses filles interrogées par Human Rights Watch en 2017 ne savaient pas qu’elles pouvaient tomber enceintes la première fois qu’elles avaient des rapports sexuels. Le gouvernement avait été réticent à adopter un programme national complet d’éducation sexuelle. En 2018, nous avons constaté que cela pourrait être dû aux préoccupations selon lesquelles l’enseignement de la sexualité contredit les valeurs culturelles et morales du Sénégal, ainsi qu’à la pression des groupes religieux.
La plupart des écoles secondaires publiques dans les régions où Human Rights Watch a mené des recherches ne fournissaient pas de contenu adéquat, complet et scientifiquement exact sur la sexualité ou la reproduction. Dans la plupart des écoles, l’abstinence est restée le message principal. Certains des enseignants qui ont dirigé des espaces parascolaires ont fourni aux élèves des informations sur la contraception, en partant du principe que ces informations ne seront appliquées qu’une fois les élèves mariés.
Exploitation et violence sexuelles et sexistes en milieu scolaire
Les recherches de Human Rights Watch menées en 2017 dans les régions sénégalaises de Kolda, Sédhiou, Ziguinchor et Dakar ont révélé la pratique souvent sous-déclarée de l’exploitation, du harcèlement et des abus sexuels en milieu scolaire, principalement perpétrés par des enseignants et des responsables scolaires.
Nous avons constaté que de nombreuses filles avaient été exposées à l’exploitation sexuelle, au harcèlement et aux abus de la part des enseignants et d’autres membres du personnel scolaire. Certains enseignants ont abusé de leur position d’autorité en harcelant sexuellement des filles et en entretenant des relations sexuelles avec elles, dont beaucoup avaient moins de 18 ans à l’époque.
Le Sénégal n’a pas d’âge minimum pour le consentement sexuel, mais, de l’avis de Human Rights Watch, le déséquilibre de pouvoir inhérent et la menace de conséquences désastreuses pour ne pas accepter des relations sexuelles excluent le consentement significatif des étudiants, et signifient qu’une telle exploitation doit être considérée comme un abus grave et, dans certains cas, constituant un comportement criminel, y compris le viol.
(…) Lorsque les filles refusaient les propositions des enseignants, elles constataient parfois que les enseignants les punissaient pour avoir rejeté leurs avances en leur attribuant des notes inférieures et en les ignorant et en ne les laissant pas participer aux discussions ou aux exercices en classe. (…)
Mécanismes de signalement inadéquats
En 2018, Human Rights Watch a constaté que les filles qui avaient été harcelées, exploitées ou maltraitées par des enseignants ou d’autres adultes avaient des options limitées pour signaler un incident en toute confidentialité. Le système éducatif ne disposait pas d’un système de signalement confidentiel adéquat.
(…) Par exemple, nous avons recueilli des preuves suggérant que les enseignants qui ont exploité sexuellement des élèves dans le cadre de « relations » ne font généralement pas face à de graves sanctions juridiques ou professionnelles. Leur comportement est parfois toléré ; tout au plus sont-ils réprimandés ou avertis par leurs pairs ou le principal, sans autre conséquence.
Bien que le gouvernement ait pris des mesures pour lutter contre la violence sexuelle et la discrimination fondée sur le sexe dans les écoles dans le cadre d’efforts plus larges visant à accroître l’accès et le maintien des filles dans l’enseignement secondaire, à partir de 2018, il devait encore adopter une politique nationale pour prévenir et lutter contre toutes les formes de violence sexuelle en milieu scolaire. (…)
La législation sénégalaise ne stipule pas spécifiquement un âge minimum pour le consentement sexuel. Le Code pénal du pays ne prévoit pas d’infraction pénale spécifique pour toute personne ayant des relations sexuelles avec des enfants de moins de 18 ans. La plupart des infractions sexuelles couvrent les actes d’abus sexuels sur des enfants de moins de 16 ans. De plus, le Code pénal ne prévoit pas d’infraction spécifique pour omettre de signaler une infraction sexuelle commise contre un enfant. (…)
Maltraitance et exploitation des enfants talibés
(…) Alors que le gouvernement sénégalais a fait des efforts pour lutter contre la mendicité des enfants et étendre ses interventions de protection de l’enfance ces dernières années, les incohérences dans la programmation et la portée limitée de la justice n’ont pas réussi à protéger les talibés contre les abus ou à dissuader la mendicité forcée des enfants à plus grande échelle .
Le Sénégal a de solides lois nationales contre la maltraitance, la négligence, la mise en danger et l’exploitation des enfants, mais celles-ci sont rarement appliquées contre les maîtres coraniques, ce qui gaspille le potentiel de dissuasion. (…) Souvent, la police n’enquête toujours pas sur les cas d’exploitation de la mendicité, les travailleurs sociaux ne signalent pas les cas et les poursuites contre les maîtres coraniques continuent d’être abandonnées ou les peines réduites par le pouvoir judiciaire.
Entre 2016 et 2018, deux phases du programme ont abouti au retrait de plus de 1 800 enfants (dont plus de 1 300 talibés) des rues de Dakar ; pourtant, Human Rights Watch a découvert que plus de 1 000 enfants avaient été renvoyés plus tard aux mêmes maîtres coraniques qui les avaient forcés à mendier.
(…) Un projet de loi de 2013 sur le statut juridique des daaras, qui intégrerait les daaras dans le système éducatif national et renforcerait le contrôle de ces écoles, a été approuvé en juin 2018 par le Conseil des ministres ; mais fin 2022, il n’avait pas été soumis au vote de l’Assemblée nationale. (…) »
Avec Vox Populi