Quand Fatou Goudiaby évoque ses secrets, sa famille, sa vie, on est loin de la Facoly des podiums et de son style vestimentaire sexy qui se trémousse aux sons de «Show me the way», «Yow la doone xaar» et «Fitna du sey». Entretien avec une dame moderne qui n’émet pas sur la même longueur d’ondes que les Sénégalaises en matière d’artifices féminins. Elle n’est pas «jonge» et le réclame, même si elle a ses astuces.
Je vous remercie d’abord. Mon vrai nom c’est Fatou Goudiaby. C’est mon homonyme qui s’appelle Fatou Coly. C’est à travers son nom qu’est né mon surnom de scène Facoly. Les Fatou étant nombreuses dans notre famille, à chaque fois qu’on allait toutes en vacances en Casamance, quand on en appelait une, toutes les autres venaient. C’est comme ça qu’on a cherché des surnoms à chacune d’entre nous afin de faire la différence. Sinon, je suis née à Dakar et j’y ai grandi.
Comment est né votre amour pour la musique ?
Mes débuts ont été difficiles. Mon amour pour la musique, c’est à Touba, localité située en Casamance, non loin de la frontière avec la Gambie, qu’il est né. C’était mon petit frère mongol qu’on avait confié à des parents là-bas. Pendant les vacances, je suis allée le voir. Au moment du déjeuner, j’ai vu qu’on l’avait écarté, qu’il ne mangeait pas avec les autres membres de la famille. Je leur ai demandé pourquoi mon frère était isolé avec son plat ? On me répondit c’est parce qu’il est malade. Et ça m’a fait mal. C’est à travers cette tristesse que j’ai eu l’inspiration et j’ai commencé à chanter. Et depuis, j’ai commencé à écrire des chansons.
Vous avez démarré votre carrière en afro beat, maintenant on voit que vous le mélangez à du « mbalax » pourquoi ce cocktail de genres musicaux ?
Le « mbalax », c’est à la demande des fans surtout. Ce sont eux qui m’ont poussé à le faire. Parce qu’ils voulaient que je leur fasse plaisir. Mais aussi, je me suis dit pourquoi ne pas faire du « mbalax » puisque je suis Sénégalaise. Et j’ai fait le « mbalax » en Joola. Ça a bien marché et c’est d’ailleurs ce qui m’a lancé.
«Yow la done xaar» est une de vos chansons fétiches. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce tube ?
Cette chanson est une histoire vraie. C’est l’histoire d’une de mes cousines qui était tombée amoureuse d’un garçon. Et cet amour avait même gâté ma relation avec elle. Parce que le gars était un coureur de jupons. Je me suis inspirée de son cas pour écrire cette chanson.
Facoly est particulière par son style vestimentaire, et elle garde toujours la ligne. Comment vous faites pour maintenir cette forme ?
Je pense que chacun doit savoir ce qui est bon pour lui. Ce n’est pas parce que je suis mère de famille où que je prends de l’âge que je ne vais pas prendre soin de mon corps. Chacun doit s’aimer et aimer son corps. C’est pourquoi je fais du sport. Et je contrôle ce que je mange. Par exemple, quand je vais aux Etats-unis, je ne mange pas des aliments avec trop de matières grasses. Les hamburgers et autres je n’y touche pas.
Et le fait que vous soyez sexy ?
Je me suis toujours habillée comme ça, bien avant d’être chanteuse. J’aime m’habiller comme ça, c’est tout.
L’habillement sexy ne fait-il pas de vous une provocatrice ?
Non, chacun doit mettre des vêtements par rapport à son corps. Par exemple moi, si j’étais grosse je ne vais pas me permettre de porter certains habits. Chacun s’habille en fonction de sa corpulence. Je ne peux pas avoir une taille fine et mettre des habits trop amples. Ça ne fera pas ressortir mon physique.
Dans vos clips et spectacles, vous ne vous limitez pas seulement à chanter. Votre corps bouge beaucoup à travers la danse, dès fois, vous dansez même plus que vos danseurs. Comment faites-vous pour allier les deux ?
J’ai appris à danser au centre culturel Blaise Senghor, pendant 15 ans. C’est pourquoi ça se voit à travers tous mes spectacles. C’est parce qu’aussi je me disais, à chaque fois, que je ne voulais pas être une artiste qui n’offrirait pas de spectacle à ses fans. Je ne veux pas que les gens viennent à mes spectacles et que je reste comme une statue sur scène. Je pense qu’un artiste doit dégager du feeling. Si je reste sur place, en chantant, ça ne donnera pas envie aux gens de danser.
Est-ce que votre style vestimentaire et votre physique n’attirent pas des prétendants ?
Même sur facebook, j’ai plus d’amis hommes que de femmes. C’est une chose que je ne cherche pas, c’est Dieu qui a fait cela. Les hommes en général aiment la fille sexy. Et notre génération suit la mode.
Est-ce que Facoly est mariée ?
(Rires…) Excusez-moi, mais je préfère ne pas répondre à cette question.
Mais d’aucuns disent que vous étiez mariée à un blanc qui vous avait même offert un hôtel à Saly. Qu’en est-il exactement ?
C’est vrai que j’ai un hôtel à Saly qui s’appelle la Médina. Mais je ne veux pas parler de ma vie privée, je considère que c’est mon jardin secret. Si je devais tout vous dire sur moi, je ne n’aurais plus rien pour moi. Et quelque part, il faut que je garde quelque chose pour moi.
Mais vos fans veulent savoir…
Je sais… Parfois même, quand je vais quelque part, les gens me le demandent en face, mais je ne veux pas en parler. Mais mes proches savent. J’ai commencé la musique en 2008 et je n’en ai jamais parlé. Il arrive que des gens inventent, mais moi je n’en ai jamais parlé.
Justement ça sera l’occasion d’éclairer la lanterne de vos fans, par rapport à ces rumeurs. Parce que les gens disent que vous étiez mariée à un blanc et qu’après vous aviez divorcé ?
J’ai entendu des choses pires. Même si j’avais clarifié cette question, cela n’empêchera pas aux gens d’inventer autre chose.
Mais au moins la question sera tranchée…
Je sais, tout le monde attend une réponse, mais je vous en prie laissons tomber cette question. Je ne veux pas étaler ma vie privée sur la place publique.
On ne demande, certes pas, à une dame son âge, mais pouvez-vous nous dire votre tranche d’âge ?
Je serais plus précise, j’ai 35 ans.
Facoly et les hommes, c’est quel genre de rapport ?
Je suis plus amie avec les hommes qu’avec les femmes. Parce que je m’entends plus avec eux. Sans pour autant frustrer les femmes, on est plus compliquée.
Vous devez avoir des astuces et petits secrets pour avoir un physique de jeune à votre âge ?
(Rires…) Il faut beaucoup dormir et manger équilibré. C’est ça mon secret, il n’y a pas autre chose.
Est-ce que les astuces des femmes Sénégalaises comme l’encens, les « bine-bine » et petits pagnes sont les votre aussi ?
Non je ne suis pas «jonge». Peut-être du côté moderne, avec les lingeries et autres trucs sexy. Mais je ne mets pas du «cuuray» (encens). Par contre, comme chaque femme, j’ai mes astuces.
Facoly est-elle jalouse ?
Quand on aime, on est forcément jalouse.
Êtes-vous pour ou contre la polygamie ?
Je n’y pense même pas. Je veux toujours occuper la première place et être la seule.
Les femmes en Casamance sont réputées très braves et vertueuses. Est-ce qu’on retrouve les mêmes qualités chez Facoly ?
Oui. Il y a même un message que j’ai adressé à mes fans sur Skype qui dit que je voudrais être la nouvelle Aline Sitoë Diatta. Parce que je suis une travailleuse. Si je ne l’étais pas, je ne serais jamais arrivée là où j’en suis. Je pouvais attendre qu’un homme me prenne en charge, mais je ne suis pas ces genres de filles. Je n’ai même plus une vie pour moi, à part mon travail et ma famille.
Vous gérez votre famille alors…
J’ai deux enfants, un garçon et une fille, et j’en ai adopté un. Il y a mes frères et ma sœur aussi.
Revenons un peu sur le cas de votre frère mongol. Que pensez-vous de la stigmatisation dont les enfants handicapés sont victimes, dans notre société ?
Au Sénégal, c’est très grave. Un enfant qui est malade a plus besoin d’amour et d’assistance que ceux qui sont normaux. Ce n’est pas parce que l’enfant est déficient mental qu’il doit être rejeté et nous, on a tendance à le faire. D’ailleurs, à commencer par ma propre famille car on a amené mon frère mongol en Casamance et on nous a laissé à Dakar. On doit lutter contre cette stigmatisation et donner à ces enfants tous leurs droits.
La musique vous a-t-elle enrichi ?
Beaucoup, même d’ailleurs. J’ai eu plein d’ouverture. J’ai rencontré des gens que je rêvais de voir un jour. Et aujourd’hui grâce à la musique, j’ai eu à rencontrer des gens que je n’imaginais jamais voir.
Et sur le plan financier ?
Là, non ! Parce qu’au Sénégal l’art ne nourrit pas son homme. Ce n’est pas comme en Europe ou aux Etats-Unis.
Durant une étape de votre vie, vos parents vous ont renvoyé de chez eux, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
C’est vrai que mes parents m’ont renvoyé. Dix ans auparavant, les gens n’avaient pas l’ouverture d’esprit à laisser leurs enfants, surtout une fille embrasser l’art. La musique était mal perçue et était vue comme un moyen de perversion. C’est pourquoi quand j’ai dit à mes parents que je voulais faire de la musique, ils ont refusé, mais j’ai insisté en suivant ma passion. Quand j’allais aux répétitions au centre culturel Blaise Senghor, je ne m’en rendais même pas compte.
Comment avez-vous fait pour convaincre vos parents que la musique ne vous pervertirez pas ?
En étant sérieuse et travailleuse. Parce que je ne voulais pas qu’ils aient raison sur moi. C’est d’ailleurs ce qui m’a sauvé.
Vous avez arrêté vos études à quel niveau ?
J’ai arrêté en classe de quatrième secondaire.
Il y a une chanson de Papa Wemba «Show me the way» que vous avez reprise. Quels sont vos rapports avec lui ?
En fait, c’est mon idole. «Show me the way» veut dire montre moi le chemin et à un certain moment, j’avais besoin de quelqu’un qui me montre le chemin. Et cette chanson aussi, je l’ai vécue. C’est un gars que j’avais rencontré dans le showbiz. Au moment où j’avais besoin qu’il me guide dans le milieu, il ne l’a pas voulu. Il a attendu que j’aie une certaine notoriété pour venir.
Est-ce Facoly est un cordon-bleu, quels sont les plats que vous cuisinez bien ?
J’adore cuisiner. Quand je le fais, j’y mets beaucoup d’amour. Quand je ne sors pas, je suis toujours dans la cuisine.
En bon Joola, est-ce que vous cuisinez bien les Kaldou et autres…
Bien sûr, kaldou, Etodié… je les prépare tous bien.
Quels sont vos qualités et vos défauts ?
Je m’énerve très vite. Je n’aime pas les égoïstes.
Est-ce que vous êtes généreuse ?
(Rire…) Là, je laisse les gens juger. Mais je sais que je partage tout ce que j’ai.
Votre lecture sur la rébellion en Casamance c’est quoi ?
Ce n’est pas une bonne chose pour la Casamance. S’il n’y avait pas la rébellion là-bas, au lieu d’investir ailleurs, j’investirais en Casamance. C’est dommage qu’ils soient en train de saccager et d’abîmer la Casamance. Il y a une de mes chansons intitulée «La paix en Casamance» dans laquelle je fais passer des messages pour sensibiliser les gens. Dans ce sens, nous prévoyons de faire une caravane de la paix pour aller dans les villages. On a déjà fait un premier village.
Parlons de la gent féminine dans la musique sénégalaise. Est-ce que vous avez des affinités avec des chanteuses comme Viviane, Coumba Gawlo ou Titi ?
Je viens de commencer et peut-être qu’avec le temps, ça viendra. Je les admire toutes car ce sont mes aînées dans le milieu. Ce sont des gens qui méritent le respect.
Dans la sphère musicale Sénégalaise, qui est votre idole ?
C’est Ismaïla Lo. Je ne l’ai jamais rencontré, mais je l’aime bien. Thione Seck aussi, je l’aime bien.
Vos projets dans l’immédiat, c’est quoi ?
La caravane qu’on est en train de faire. Et aussi, je suis en train de préparer mon album. Il y a d’ailleurs un single qui est sorti. Le titre c’est «Fitna du sey». Parce que je suis un enfant de parents divorcés. Et ça m’a marqué durant mon enfance. Et malheureusement, il y a beaucoup de divorces maintenant.
En dehors de la musique menez-vous d’autres activités ?
Je suis dans le commerce. Je vends des terrains et quand je vais en voyage, j’apporte des marchandises que je revends.