Poussées par la misère, de nombreuses femmes, souvent mariées et mères de famille, vont se prostituer, pour gagner de quoi nourrir leur famille ou monter un commerce.
« Viens chérie, nous allons bien causer. Tu seras satisfait. » 19 heures, dans tous les coins prisés des quartiers populaires de Dakar, les devantures des restaurants, gargotes et autres «tanganas», sont investies par des femmes et des hommes de tous les âges. Ces réfectoires sont, pour ces personnes, une sorte de point de rencontre où prostituées et clients se donnent rendez-vous toutes les nuits, pour des pourparlers tendant à des séances de jambes en l’air. Bien maquillées, assises ou debout, les dames et demoiselles qui squattent ces lieux sont pour la plupart en tenue sexy (collants, minijupes, jupons). Les plus âgées et les mariées. Ah oui ! Avec cette crise qui sévit partout, cette catégorie a fini par investir le maquis. Toutes, ou presque, viennent gagner de l’argent pour se nourrir ou nourrir la famille. Car la lutte pour la survie est devenue très sévère à Dakar. Aïcha est villageoise. Rencontrée à Guédiawaye, elle déclare être arrivée à Dakar l’an dernier. Faute de moyens et de soutien, elle s’y est mise, au mépris de toute la législation qui organise ce «métier».
Se prostituer pour survivre
La fortune qu’exhibaient ses copines avait dopé son appétit et mis en berne sa morale. «Dans la campagne, la vie est très difficile. Même lorsqu’on travaille, il faut se battre pour acheter un sac de riz et de l’huile. A plus forte raison un boubou «ganila» ou encore des mèches pour se faire belle. Or ici, à Pikine, je trouve que la vie n’est pas très dure. Avec 1000 francs CFA, tu peux faire le petit marché et manger jusqu’au soir, si tu es seule. Avec un peu d’efforts, tu peux économiser et envoyer un peu d’argent aux parents», avoue-t-elle. Quelques mètres plus loin, devant une ‘’sandwicherie’’, c’est une demoiselle qui se confie, sous le couvert de l’anonymat. La seule indication qu’elle donne est qu’elle est habitante de la région de Thiès. Son récit est identique à celui de nombreuses Sénégalaises, étranglées par la misère, qui ont décidé un jour de gagner les trottoirs pour se lancer dans la prostitution clandestine. Pour beaucoup, cette activité est le seul moyen de survivre. Ces prostituées pratiquent des prix fixes : 1000 francs CFA la passe avec préservatif. On peut négocier jusqu’à 500 francs CFA. La séance se passe chez elles, où elles s’entassent à quatre ou six dans de minuscules studios. Aux alentours des fast-foods de Dakar comme de sa banlieue, on rencontre très facilement de belles jeunes filles. Avec elles, les prix sont plus élevés : 5000 à 10 000 francs CFA. Une véritable manne pour elles.
Des prix fixes et à débattre
« Je me suis installée à Colobane depuis septembre. Normalement, je n’en avais pas pour longtemps. Mais comme ça a l’air d’aller, je reste encore. Chaque mois, j’achète des marchandises chinoises que je pars donner à ma mère pour qu’elle les revende », déclare une dame de trente ans, qui n’a pas voulu dévoiler son nom. Des rêves de commerce, elle dit en nourrir. Mais elle ne dispose pas pour l’instant de la somme nécessaire pour se lancer dans cette activité. Parmi les prostituées clandestines qui officient autour des réfectoires, on compte de nombreuses femmes mariées.
On raconte même que certaines seraient envoyées par leurs époux. Elles repartent au terroir une fois leur fortune faite. Marie, appelons-la ainsi, est l’une d’elles. Assise devant une «tagana» à Grand Dakar, elle raconte ce qui a poussé la femme commerçante qu’elle était à vivre de ses charmes. « Je suis une femme mariée. J’ai laissé mon mari et cinq enfants au village. Ils ont tous grandi. Je suis venue ici me débrouiller. Je cherche 200 000 francsCFA qui me permettront de relancer mon commerce. Après, je veux abandonner cette activité». La fin justifie-t-elle les moyens ?
Des femmes mariées dans le maquis
D’autres qui ont quitté le village pour la ville veulent simplement trouver un mari sur place et s’installer définitivement. De fait, des Dakarois épousent certaines d’entre elles. Car elles sont très appréciées. « Ce que j’aime chez les clandestines, c’est qu’elles sont efficaces dans beaucoup de choses. En ville, pour rencontrer des prostituées de ce genre, il fallait aller un peu loin vers l’avenue Albert Sarraut», nous assure ce jeune habitué des lieux. Dès la nuit, les abords des Fast-foods se transforment en pègres. Les premières à s’installer dans les parages sont des étrangères qui les ont envahis depuis belle lurette avant de contaminer les locales. «Elles débauchent les adolescentes», regrette une habitante du centre-ville rencontrée sur les lieux. Son point de vue est largement partagé par cette autre habitante du centre-ville. Dans certains secteurs de ce quartier, dès 19 heures, des filles ont des tenues extravagantes. Elles sont à la recherche des hommes. Elles ont copié cette façon de faire pour se faire repérer très rapidement par les hommes et se remplir très vite les poches
NDIOGOU CISSE
Le Pays au Quotidien