Fatou Tambédou, candidate à la Présidentielle de 2012 : Les contes de la Comtesse Lagarde

Fatou Tambédou Lagarde, candidate à la future Présidentielle, a rendu visite la semaine dernière à la Rédaction du journal Le Quotidien. Dans l’entretien qui suit, elle aborde sa jeunesse, le sens de son engagement, le bilan de Wade, son programme, entre autres questions. Itinéraire
«Je suis née à Dakar à la Cité du Port. Mes études primaires, je les ai faites à Dakar. Ensuite, j’ai fréquenté le Lycée Cerf-volant jusqu’en première. Après, j’ai commencé à faire de l’athlétisme par le biais des sports universitaires. Puis, j’ai été en France en tant que sportive. J’étais comme une ambassadrice du sport sénégalais. J’ai eu la chance de participer à certains championnats d’Afrique. J’ai été deux fois vice-championne d’Afri­que de saut en longueur. J’ai eu des médailles pour mon pays, le Sénégal, dans d’autres disciplines sportives. J’ai eu des oppositions venant de ma grand-mère qui disait qu’avec le sport, je cessais d’être femme. J’ai trois fois enfants ayant respectivement 20, 15 et 10 ans. Ils vivent tous les trois avec moi. Je suis mon destin, je continue de croire à mon histoire, à ma chance. Les enfants ne constituent pas pour moi une charge. Je voudrais servir d’exemple à la femme africaine.»

Déclic
«Depuis 1996, je m’investis dans la promotion des femmes. J’ai créé des maisons de couture et cela m’a pris deux ans. Il fallait que je reparte ; mon mari étant Français. Tous les deux mois, je suis à Dakar et j’en profite pour faire le tour du pays. Et je vois qu’il y a beaucoup de misère. J’ai été émue de voir les enfants dehors ou laissés à la maison sans éducation, et que la maman puisse aller vaquer à ses occupations. Il faut plus de crèches pour que l’on puisse scolariser les enfants. J’ai envie de revaloriser l’école coranique, au lieu de laisser les enfants dehors. J’ai visité les inondés, les recasés au Lac rose. Ils vivent comme des poules. Depuis que Wade est là, on note une rentrée d’argent (…)
Depuis que je suis en France, j’arrive à faire des actions pour aider mon pays tout en étant à distance. Je passe tout mon temps à téléphoner à mes parents. Dans ma famille, je sais comment ça se passe. J’ai la possibilité de m’acheter une voiture, mais quand je viens, je prends un taxi. Je vais de moins en moins dans les baptêmes et les mariages. Ce sont des niches de gaspillage. Des familles démunies dépensent des sommes faramineuses lors de ces cérémonies et, le lendemain, se retrouver dans des difficultés. Je préfère qu’elles fassent des associations, des tontines, qu’elles s’autofinancent au lieu de compter sur les Gie, les microcrédits qui passent leur temps à leur prendre leur titre foncier. Il faut une certaine rééducation de la femme sénégalaise dans les vraies valeurs. Nous sommes tous des soutiens de famille.»

Désir de changement
«Wade de par son âge, je le considère comme un patriarche. Donc, il pourra toujours servir son pays, son peuple. Pour ce qui est des autres leaders politiques, je trouve qu’il faut qu’on renouvelle les choses, parce que la politique a besoin de sang neuf. On ne va tout de même pas se faire diriger par des leaders politiques qui ont déjà fait leur temps dans un pays où l’écrasante majorité est constituée de jeunes. Ces vieux doivent passer la main. Le pouvoir est tellement agréable qu’une fois dedans, on n’a pas envie de partir. Je suis pour que le pouvoir revienne aux femmes. Moi, je ne ferai pas comme l’actuelle Première dame. Une Première dame doit d’abord être quelqu’un d’imbu des valeurs culturelles du pays.

(…) Je ne fais pas partie de la génération qui a grandi durant son magistère, mais plutôt sous celui de Abdou Diouf. Les enfants de certaines personnalités de l’époque vivaient dans un luxe insolent. Ils avaient des appartements de luxe à Paris. Ils (les Socialistes) avaient pensé qu’ils allaient encore conserver le pouvoir en 2000. Au pays, ils devaient déjà anticiper les choses en préparant leurs enfants à nous succéder. Je les ai côtoyés. Eux, ils étaient privilégiés ; moi je ne l’étais pas. Depuis un demi-siècle, ce sont les mêmes hommes qui dirigent ce pays et il a eu échec. On a eu 50 ans de socialisme, 10 ans de Abdoulaye Wade voire plus. Ça suffit ! Il faut donc qu’ils laissent à la jeunesse la chance de faire ses preuves. Je suis libérale, mais j’ai un programme qui est de l’extrême gauche.»

Qualités d’un dirigeant
«Un dirigeant doit être un homme correct. Quand on se bat pour être un dirigeant, il faut avoir de l’amour pour son peuple ; surtout qu’on ne dé­­pouille pas un pays qui est en crise. Un pays déjà mort, il ne faut pas l’abattre davantage. Un dirigeant doit travailler pour que les ressources du pays soient utilisées au bénéfice de son peuple. Je ne comprends pas pour­quoi il y a cette misère. Le Sé­né­gal, c’est pire qu’un pays en guerre.»

Rapport avec les hommes politiques
«Ces histoires de Bennoo, de M23, de Fal, d’Ast, ne me disent rien du tout. Certains ont été ministres, certains sont malades, d’autres ont des problèmes de prostates. Quand ils étaient ministres ou députés, ils n’ont jamais rien prouvé. Et justement, je vois mal qu’on confie le pays à quelqu’un qui n’a pas fait ses preuves, alors que l’occasion lui en a été donnée. Je suis Libérale. Je suis toute seule ; c’est à eux de me suivre. Personne ne parrainera ma candidature. Je suis une candidate libre et indépendante. Si c’est pour me donner des idées en tant que sages, je suis là pour le rassemblement. Tout le monde peut être utile. Je veux qu’ils nous épaulent, qu’ils nous servent de conseillers. Mais de grâce, qu’ils nous laissent avec notre pays ! Ils ont essayé ; ils ont échoué, ils peuvent partir gentiment.»

Ses chances de l’emporter
«Au Sénégal, on n’a pas la même mentalité que les Américains ou les Français. Le Sénégalais a besoin de connaître son candidat pour avoir la confiance d’aller voter pour lui. Moi, j’ai défendu mon pays étant sportive ; j’ai été jusqu’au bout et je leur ai emmené des victoires. Je n’y vais pas pour faire de la figuration. Je gagnerai l’élection présidentielle, pas au premier tour, mais au 2e. Je ne m’alignerai derrière personne. Je suis un leader (…) Les alliances ne m’intéressent pas trop (…)  Je n’ai rien à cacher ; je joue franc-jeu. Je suis issue du peuple et mon souhait le plus ardent, c’est de rentrer chez moi. Je ne suis pas riche comme Crésus, mais je fiancerai ma campagne toute seule. Au cas où je ne gagne pas, je continuerai toujours à faire ma politique sociale. Si tout le monde partageait comme je partage, on serait beaucoup plus développés que nous ne le sommes actuellement.»

Projets et programmes
«Le pouvoir est un gros moteur de corruption. Mais moi, quand je serai présidente de la République, je ferai de mon mieux pour que tout le monde s’y retrouve. Qu’il y ait moins de chômage, que les Sénégalais mangent à leur faim et qu’il y ait moins de gosses qui circulent dans les rues, qu’on ait réglé le problème de l’énergie, l’assainissement, les permis de construire. Je ferai de Mbour la capitale maritime et touristique. J’ai des solutions pour l’énergie. Pour la jeunesse, j’ai également des solutions. Il faut revoir les plans d’urbanisation qui ont  été laissés par les colons depuis les années 50-60. On peut les renouveler et les moderniser pour éviter ce qui se passe à chaque fois qu’il pleut.

Le service militaire sera obligatoire pour les jeunes garçons à partir de 18 ans ; mais pas pour les femmes. Les jeunes vont aussi cultiver le riz. Il faut commencer par consommer sénégalais, local, et qu’on n’attende personne d’autre qui vienne nous acheter nos terres pour les cultiver et rapatrier le riz (…) J’ai envie de nationaliser les banques, toutes les grandes institutions et que les bénéfices qui rentrent avec la nationalisation soient bénéfiques pour les Séné­galais, et que cela n’entre pas dans les poches des grands dirigeants. Si je suis élue, je constituerais mon groupe avec des jeunes, ferais revenir l’élite sénégalaise qui est à l’extérieur. Le Sénégalais est très compétitif, s’il est mis dans de bonnes conditions.»

Reprise de l’économie par les nationaux
«Le Bon Dieu nous a donné la mer ; c’est une richesse énorme. Tous les contrats de concession signés par mes prédécesseurs seront abolis et je les rendrai caduques. Même si on va à la Cour pénale internationale, je reprendrai tout ce qui appartient au peuple pour le rendre au peuple (…)  Tous les produits qui ne sont pas de première nécessité pour les Sénégalais, je les taxerai très chers à l’importation. Aujourd’hui, toute l’économie du pays est entre les mains des étrangers.
Je vais lancer une mode très simple pour les filles sénégalaises, au lieu d’aller acheter des vêtements à 300 000 balles, alors que la maison n’a même pas de pain pour le petit déjeuner ou un matelas propre pour dormir le soir. Je veux que la femme sénégalaise dise : «Je suis déjà un soutien de mon mari ; je n’attends pas que mon mari me donne de l’argent pour que je puisse préparer la bouffe.» Ma priorité, ce sont les femmes, les jeunes, la santé et l’énergie.»

[email protected]