Flagrants delires Ainsi parlait Youssou Ndour

Des déclarations, Youssou Ndour en a beaucoup faites. Tantôt il dit respecter les institutions, tantôt il s’attaque vertement au président de la République et aux autorités. On l’a entendu dire que ceux qui s’attendent à ce qu’il fasse de la politique allaient déchanter et le voilà qui, lors du « Grand bal de Bercy », annonce publiquement qu’il va désormais faire de la politique. Ainsi parlait Youssou Ndour.

En 2000, Abdoulaye Wade accède à la magistrature suprême. Il commence à voyager. Lui et Youssou Ndour entretiennent d’excellentes relations. Au point que lorsque les journalistes le surnomment « Mor Ndadje », allusion faite à une chanson du lead-vocal du super étoile, il répond : « Youssou Ndour voyage plus que moi et vous ne dites rien ».

Lorsqu’il s’est agi d’aller recevoir aux Etats-Unis un prix pour son combat pour le respect des droits de l’homme, Youssou Ndour l’accompagne et chante ses les « faits de gloire » de Wade.

Pour expliquer son engagement, Youssou Ndour déclare : « le président Wade est une institution. Je respecte la République et les institutions. D’ailleurs, personne ne respecte la République plus que moi ».

C’est la lune de miel. Wade l’appelle « mon fils ». le chanteur le lui rend bien.

En 2006, « L’Observateur » publie des informations sur Karim Wade. Le fils du président porte plainte contre le journal et accuse Youssou Ndour d’avoir commandité l’article en question. Les relations entre Youssou Ndour et la famille présidentielle se refroidissent. Youssou cesse d’aller au palais et d’accompagner Wade dans ses voyages.

Son projet de télévision est bloqué. Il durcit le ton.

En avril 2007, à l’occasion de l’émission « Yoon wi », animée par El Hadji Assane Guèye, Directeur des programmes de la Radio Futurs médias (Rfm), Youssou Ndour fait une sortie remarquée. Le combat Idrissa Seck-Abdoulaye Wade faisait rage à l’époque, avec en toile de fond une histoire d’argent que l’ex-Premier ministre aurait détourné.

Youssou Ndour y jette son grain de sel. « Il est inconcevable qu’un groupe de personnes se partagent l’argent qui appartient à tous les Sénégalais. S’il y a de l’argent gardé à l’étranger, il doit être rapatrié au Sénégal. Tout cela, c’est la responsabilité des autorités », dit-il.

Novembre 2007. Youssou Ndour accorde une interview-portrait à « Jeune Afrique ». « Mes relations avec la famille Wade sont cordiales. Comme l’étaient celles avec Abdou Diouf, l’ancien chef de l’État socialiste du Sénégal », jure-t-il. Puis, ajoute : « lors des élections, j’essaie de rester le plus neutre possible. Je n’ai jamais appelé à voter pour un candidat. Je n’ai pas de projet politique. Je pense que je n’en suis pas capable. Car mon métier, c’est la musique. Mais je ne m’interdis pas de parler, de prendre part au débat politique ».

En septembre 2009, Youssou Ndour sort un single pour fustiger les coupures d’électricité et déplorer les inondations. « Non content d’abandonner les populations à leur triste sort sous les inondations, on coupe le courant à longueur de journée. Alors que le gouvernement prétend avoir investi des centaines de milliards dans l’électricité », chante Youssou Ndour.

Le président Abdoulaye Wade est dans tous ses états. Il déclare que jamais, il ne permettra à la Tfm d’émettre.

En mars 2010, dans une interview accordée à l’hebdomadaire « Jeune Afrique l’Intelligent », Youssou Ndour lui apporte la réplique. « J’ai le sentiment que le président entend en mono et pas en stéréo. Au début de son mandat, il était accessible. Il a écarté ceux qui lui disaient la vérité ».

Sur ses rapports avec le président de la République, il déclare : « j’ai toujours respecté la République et les institutions. Même sous Diouf. Ceux qui voient Youssou Ndour [sic] avec une personne représentant une institution et qui en déduisent que je fais de la politique se trompent. Ceux qui s’attendent à ma descente dans l’arène politique peuvent déchanter. C’est vrai qu’entre Wade et moi il y a eu une certaine complicité. Il disait que j’étais son fils. Si on dit qu’il y a une rupture entre Wade et moi, c’est à cause de mon projet de télévision ».

En avril 2010, zappé de la cérémonie d’inauguration du monument de la Renaissance africaine, Youssou Ndour se rend au Cameroun et fait une autre déclaration fracassante. « Qu’il pleuve ou qu’il neige, Tfm verra le jour », jure-t-il. Très prolixe, il ajoute : « je n’accepterai pas qu’on me manque de respect. J’ai ma dignité, que je dois à mes parents. Je dois la préserver. Ces gens (les tenants du pouvoir), qui n’ont rien compris, ont célébré l’inauguration du monument de la Renaissance de manière sectorielle. Ce qui est dangereux. Il est temps que l’on cesse de minimiser les gens. En tout cas, moi, personne ne peut m’humilier ».

Le 27 avril 2010, après avoir lancé son mouvement « Fekké ma ci bolé », il reçoit Moustapha Sy Djamil aux Almadies. « Nous avons décidé de travailler pour mieux faire connaître la Constitution aux Sénégalais. Les dispositions constitutionnelles ne sont pas assez connues par les populations. Nous allons tout faire, et le plus rapidement possible, pour faire connaître cette Constitution à nos concitoyens et dire que le pouvoir a ses limites, les députés ont leurs limites et les populations ont leurs responsabilités. Une Constitution, avant de la changer, il faut un référendum. Il ne faut, donc, pas qu’on tripote la loi fondamentale chaque jour pour n’importe quoi. Il faut que les droits des populations soient respectés mais, également, que celles-ci soient informées pour prendre les bonnes décisions demain, le Sénégal, c’est une démocratie. La vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest. Il ne peut pas devenir une monarchie », peste le chanteur au sortir de cette rencontre.

Quelques jours après, le président reçoit le chanteur Bono. Youssou Ndour l’accompagne. Le président Wade en profite pour le prévenir. « Même si Dieu descend, Tfm ne diffusera pas ». Réponse de Youssou N’dour : « Vous n’êtes pas Dieu ».

Le 1e mai 2010, le président explique les raisons qui l’ont poussé à refuser à la Tfm d’émettre. Le président accuse Vincent Bolloré d’être derrière le financement de la télé de Youssou Ndour.

Le chanteur publie un communiqué et justifie le financement de la télé sur fonds propres.

Deux jours plus tard, le président Abdoulaye Wade reçoit nuitamment Youssou Ndour et autorise la Tfm à émettre.

Le calme revient. Tout revient à la normale au point que le gouvernement contribue pour le « Grand bal » de Bercy à hauteur de 32.500.000 millions. Commentaire de Youssou Ndour : « Depuis dix ans que nous organisons le concert de Bercy, le gouvernement ne nous a jamais aidés. Souleymane Ndéné Ndiaye (le Premier ministre) a rectifié le tir ».

Les observateurs commencent alors à préparer pour « Fekké ma ci bolé » un enterrement en règle.

A l’occasion de l’organisation du « Grand bal de Bercy », une lettre est envoyée à Karim Wade par les services de Youssou Ndour.

« Je serais très heureux de vous compter parmi les parrains et invités d’honneur de cet événement unique, très attendu par un public issu de la diaspora et les fans de la musique sénégalaise », lit-on dans la lettre signée par Youssou Ndour.

Le 18 juin 2010, veille du « Grand bal », Karim Wade répond et fait transmettre par son service de communication sa réponse à la presse.

« J’aurais été très honoré de participer à ce grand événement qui revêt cette année un cachet particulier, la célébration des 10 ans de présence à Bercy, mais malheureusement, mes obligations professionnelles ne permettent pas d’honorer cette invitation. Sachez que je suis particulièrement sensible à cette marque d’attention que je mesure à sa juste valeur et vous assure de ma disponibilité à vous accompagner dans vos activités. Je serais très heureux de vous revoir dès votre retour à Dakar », lit-on dans la lettre du fils du président de la République.

Le 20 juin 2010, il rencontre la presse après le « Grand bal » et réplique.

« Bercy est organisé par un comité qui est chargé de chercher tous les moyens pour accomplir sa mission. On déplace plus de 300 personnes et cela coûte extrêmement cher. Les recettes de Bercy ne peuvent pas payer cela. C’est pourquoi, j’ai donné au comité organisation le feu vert pour contacter les institutions de notre pays, les ministres et autres personnalités. Ils ne devaient même pas attendre qu’on les sollicite, car on voit des évènements de moindre importance pour lesquels on affrète des avions. Je ne polémique pas. Karim Wade a son système de communication. C’est son problème. Une lettre, c’est une lettre. Quand elle arrive, on répond. Mais quand une lettre arrive et qu’on la mette dans la presse, c’est un autre style. Si je sortais toutes les lettres et toutes les discussions que j’ai eues, le pays se mettrait à trembler. S’il veut se faire une publicité, c’est son problème », peste-t-il.

Il en profite pour déclarer que son mouvement « Fékké ma ci bolé » est plus que jamais vivant.

« Depuis quelques temps, il y a beaucoup de rumeurs. Les gens disent que je ne vais plus continuer dans les mouvements citoyens parce que j’ai obtenu la télévision Futur médias. Je veux aujourd’hui dire que je vais faire de la politique. Je vais m’intéresser à la politique. Je soutiendrai un candidat en 2012 », dit-il.
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