Jonas Guyot et Matthieu Dardaillon, du projet « Destination Changemakers », ont rencontré Bagoré Bathily, fondateur de la Laiterie du Berger, une entreprise sociale qui développe une filière laitière au Sénégal.
Fin avril 2013. Nous sommes à Richard Toll, ville du nord du Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie. Nous attendons, sous le soleil du Sahel, Bagoré Bathily, fondateur de « La Laiterie du Berger », une entreprise sociale sénégalaise qui valorise le lait d’éleveurs semi-nomades. Nous apercevons, à 200 mètres, un 4×4 dans un nuage de poussière. Avec la luminosité, difficile de reconnaître les deux personnes à bord… Puis le voile se lève: c’est bien lui qui sort en hâte de son véhicule, ce grand sourire si caractéristique aux lèvres.
Depuis trois jours, nous avons la chance de visiter les lieux de collecte et l’usine de La Laiterie du Berger, ce qui nous permet, après un mois au siège de Dakar, d’avoir une vision plus « terrain » du projet. Surtout, nous avons la chance de partager les trajets entre Dakar et Richard Toll avec Bagoré Bathily. Il nous raconte son histoire.
« Baba », le vétérinaire
Né d’une mère française et d’un père sénégalais, Bagoré Bathily -ou « Baba »- a grandi à Dakar jusqu’à son bac, avant de partir faire des études de vétérinaire à l’université de Liège, en Belgique. Après une expérience de vétérinaire en France, il part travailler en Mauritanie au service d’une ONG où il développe un savoir-faire spécifique à l’élevage pratiqué par les populations semi-nomades de la région du fleuve Sénégal. Il réalise que l’élevage est le plus souvent pratiqué pour la vente de bétail et comme outil d’épargne, mais que la production de lait ne fait l’objet que de très peu d’opérations commerciales, faute de connexion au marché.
Observant les conditions de vie très difficiles de ces familles d’éleveurs Peuls, Bagoré Bathily se demande alors comment mieux valoriser leur production laitière. « C’est absurde, nous explique t-il: le Sénégal importe 90% du lait consommé sous forme de lait en poudre, alors que 30% de la population sénégalaise -soit 4 millions de personnes- vit exclusivement d’élevage ».
Le vétérinaire décide de passer à l’action et prend le pari fou de créer une filière laitière au Sénégal. Extravagant pour ce jeune entrepreneur qui n’a pas plus d’expérience commerciale que de connaissances de l’industrie laitière. Il nous confie avec humour: « C’est parce que je n’y connaissais pas grand-chose en commerce que j’ai eu le courage de me lancer. Sinon, j’aurais sûrement fais marche arrière! » Peu importe son manque d’expérience, il apprendra sur le terrain.
Après plus d’un an de préparation du projet, Bagoré s’associe avec « Investisseurs & Partenaires », un fonds d’investissement français qui investit dans des PME africaines et leur apporte un soutien technique et financier. La Laiterie du Berger peut alors voir le jour: en 2006, elle vend ses premiers produits laitiers -principalement des yaourts- auprès des consommateurs aisés de Dakar. Bagoré Bathily nous résume simplement le concept: « Nous achetons aux plus pauvres pour revendre aux plus riches, mais avec une démarche équitable! ».
Bagoré Bathily à la conquête du soutien de Danone
Les débuts sont pourtant difficiles et les ventes peinent à décoller, notamment car les produits ne sont pas suffisamment bien adaptés à la demande. Avec un enthousiasme inchangé, Bagoré Bathily va réussir à convaincre, en 2009, un autre soutien de taille: danone.communities, l’incubateur et fonds d’investissement social créé par Danone en 2007.
Les équipes de danone.communities apportent un soutien aux équipes de La Laiterie du Berger en termes de production, marketing et commercialisation. De jeunes cadres rattachés au groupe se succèdent sur place pour aider les membres de la Laiterie du Berger à concevoir l’usine de Richard Toll, à mieux comprendre leur marché, à optimiser les circuits de distribution, età bien communiquer. Depuis, la fondation Grameen Crédit Agricole, PhiTrust et le groupe Danone sont entrés au capital, séduits par la vision et la mission sociale de cette entreprise.
Les produits seront désormais vendus sous la marque Dolima -« donne m’en plus » en Wolof-, aujourd’hui connue de tous (ou presque!) à Dakar, et estampillés du slogan « bon pour moi, bon pour mon pays ». Inspiré du modèle « road to market » de Danone appliqué dans les « pays du Sud », La Laiterie du Berger commercialise dorénavant ses produits à l’aide de petits camions, mais également de pousses-pousses, afin de toucher les boutiques les plus inaccessibles de Dakar -90% des rues étant ensablées.
Les challenges de Bagoré
Devenant de plus en plus professionnelle, l’entreprise va connaître une forte période de croissance. Aujourd’hui, elle vend chaque jour environ sept tonnes de produits qui sont distribués dans près de 8000 points de vente au Sénégal. Malgré cette forte croissance, les défis de l’entreprise restent nombreux: « l’arbitrage entre rentabilité économique et impact social est très difficile à gérer au quotidien », nous confie Bagoré Bathily. « Pour pérenniser notre impact social, nous avons absolument besoin de devenir rentables économiquement, mais on a du mal! On espère atteindre l’équilibre financier pour la première fois à la fin de l’année. C’est dur, mais on bosse! ».
Autre challenge: s’assurer que la production du lait de collecte suive la croissance des ventes, afin de minimiser le recours au lait en poudre pour combler le manque de lait frais. Aujourd’hui, « La Laiterie du Berger collecte en moyenne 2500 litres de lait par jour, auprès de 800 éleveurs », nous explique Arona, le directeur de la collecte. La productivité des vaches de cette région est donc très faible: « en moyenne une vache donne un à trois litres de lait par jour, contre 30 à 50 litres par jour en Europe », nous confie Alhassane, le collecteur qui nous accompagne. Pour accroître les quantités produites de lait frais, le développement d’une ferme laitière à proximité de l’usine devrait améliorer les rendements.
En dépit des très faibles quantités achetées à chaque éleveur, l’impact de la laiterie est visible dans la région. Le litre de lait est acheté à un prix fixe de 200 francs CFA (environ 30 centimes d’euros), un prix élevé qui garantit une relation de confiance avec les éleveurs. La laiterie fournit également du fourrage aux éleveurs leur permettant de nourrir leurs bêtes pendant la saison sèche et d’éviter de partir en transhumance, mais aussi un encadrement technique (services vétérinaires et d’insémination). Cet esprit de solidarité se retrouve à tous les échelons de l’entreprise, du fondateur au collecteur. Les collecteurs ont, par exemple, pris l’habitude de rendre des petits services aux éleveurs lors de leurs visites quotidiennes, tels que la recharge de portables ou l’achat de pain en ville.
Le prix africain de l’entrepreneuriat, en 2012
La Laiterie du Berger a obtenu le prix « Africa Awards for Entrepreneurship 2012 » dans la catégorie de la meilleure des petites entreprises en croissance. L’entreprise sociale emploie aujourd’hui 108 salariés répartis entre Richard Toll -où se situe la collecte et la production-, et Dakar, où se situe le siège. Elle se distingue aussi par son esprit jeune et sa forte promotion interne. Par exemple, l’actuel directeur commercial, Pipo, 29 ans, a commencé comme vendeur, il y a sept ans.
Après ces trois jours passés au milieu de la brousse, nous revenons à Dakar plein d’inspiration: Bagoré Bathily est un entrepreneur qui a su oser et aller à contre sens. Alors que peu de gens auraient parié que ce jeune entrepreneur puisse concurrencer le lait en poudre importé au Sénégal, Bagoré a su montrer qu’il était possible de faire autrement. Il l’a fait, en prenant le temps de comprendre la culture et les motivations des éleveurs Peuls, en s’entourant de personnes compétentes et de partenaires partageant sa vision et en ne renonçant jamais à son rêve, même dans les moments difficiles. Le tout avec une humilité hors du commun et un sourire qui ne donnent qu’une envie: le suivre.
Que le bon dieu vous accorde sa grace eternelle et longue vie et pleins de succes dans vos entreprises.
voila encore un exemple qui me fait esperer.
viva ces jeunes qui revent et agissent comme de veritables patriotes. merci de tout coeur;
leya diguil
goonga,deuguit
bathily simpara bonne chance,vous etes un exemple d’encouragement et de vertue pour mon peuple .
Q’allah rabbi samawati wal ard vous guide.
Bon courage et toutes nos felicitations
Formidable, vous etes un exemple à suivre. Bon courage.
Combien d’Ingénieurs A dans la précarité, réclamant de l’Etat un emploi de fonctionnaire ?
Je parie que ce monsieur est né et a grandi ailleurs qu’au Sénégal , sinon il se serait comporté comme ces centaines de diplômés qui sollicitent de l’Etat un emploi, comme si ce cas de figure était le seul point de salut pour « réussir » ou se réaliser dans le métier de son choix
C’est dans le même esprit rétrograde que des jeunes médecins, Avocats, exigent du Gouvernement d’être embauchés dans la fonction publique, alors qu’il pourraient demander un crédit sur vingt ans pour s’installer dans le privé jusque dans les localités les plus reculés, en tenant compte des moyens de nos populations pour leurs honoraires .
Depuis plus de quinze ans les médias nous parlaient du gâchis qui existait par manque de possibilité de réfrigération du lait que les bergers étaient obligés de déverser sur le bord des routes.
Voilà un jeune entrepreneurs qui a su faire le bon choix, il mérite d’être encouragé.
il a grandi au sénégal, j’étais en classe avec lui. je l’ai suivi au lycée.
J’avais déjà vu regardé un sujet sur ce monsieur lors de la remise de son prix, mais une parti de son parcours m’avait échappé et n’ai pas pris le soin de lire tout l’article.
Je m’incline devant tous ceux qui auraient relevé mon erreur quand j’ai douté que ce monsieur ait pu grandir au Sénégal où on aurait tendance à attendre tout de l’Etat. Mea culpa !
SA DAGA DIOP WEEEEERE NGA DAAAAAAAAAAAAAAAAL
depuis le lancement de dolima la guiss ke daye reussir.tchin bou nare nekh daye kheen