Sans faire de bruit, il est devenu indiscutable chez les Bleus. Succédant à Willy Sagnol sur le flanc droit de l’équipe de France après l’Euro 2008, Bacary Sagna reste pourtant méconnu du grand public. Avant de rejoindre Clairefontaine hier en fin de matinée, l’arrière latéral d’Arsenal s’est confié au Figaro dans les salons d’un grand hôtel parisien.
LE FIGARO. – Dans quel état d’esprit abordez-vous ce match amical contre l’Espagne?
Bacary SAGNA. – On a beaucoup à se faire pardonner. On sait que l’on est passé à côté contre l’Irlande. Nous devons montrer au public une autre image de l’équipe de France. On a l’occasion de le faire devant l’Espagne. Ce premier match de l’année doit nous rassurer et nous servir de repère face à un adversaire collectivement vraiment très fort. L’Espagne joue un football moderne, très technique.
On a peu entendu les Bleus défendre Thierry Henry après l’affaire de sa main…
Après le match, je suis rentré à Londres. J’ai donc suivi ça de l’extérieur. C’est vrai qu’on aurait dû monter au créneau mais personne ne nous a jamais réellement demandé notre avis. Cette effervescence, les politiques qui montent au front… ça m’a surpris. C’est allé trop loin. Cela aurait pu arriver à tout le monde.
Redoutez-vous de nouveaux sifflets demain soir au Stade de France?
Non. Mais on sait que si l’on joue mal, il y aura quelques sifflets. Cela arrive à toutes les équipes. (Sourire.) À nous de faire en sorte qu’il y ait des applaudissements…
Comment réagissez-vous aux critiques qui s’abattent sur Raymond Domenech?
Je me mets à sa place, cela doit faire mal d’être critiqué de la sorte. Mais il sait gérer cette situation. Dès que ça va mal, tout le monde se lâche sur l’entraîneur. Cela fait partie de la fonction, la gloire comme la critique. Et puis les gens critiquent aussi pour améliorer les choses.
Quel jugement portez-vous sur vos performances en Bleu?
Raymond Domenech ne m’a pas fait de cadeau. J’ai gagné sa confiance mais rien n’est acquis. Au départ, j’avais un peu de mal à me lâcher. Désormais, je me sens de mieux en mieux dans le groupe. J’écoute les critiques pour progresser. C’est la raison pour laquelle je reste après les entraînements à Arsenal, pour travailler mes centres et mes frappes du pied gauche.
Vos entraîneurs vous décrivent comme poli et bien élevé. Cette image de «gentil» ne vous dessert-elle pas?
Peut-être que, à certains moments, je devrais être plus «grande gueule». Mais ce n’est pas dans ma nature. Quand je me sens bien quelque part, je ne vois pas l’intérêt d’ouvrir ma bouche. Par contre, sur un terrain, je sais être méchant au bon moment (rires)…
La mort de votre frère Omar, en 2008, vous a profondément marqué. Au point de perturber votre progression…
Avec le temps, cela va mieux. Mais je pense à lui tous les jours. Ça a été dur, d’autant que les critiques se sont accumulées en même temps. J’étais perdu. Cela me bouffait sans que je m’en rende compte. Un jour, le psy d’Arsenal est venu me voir et m’a dit: «Il y a quelque chose qui ne va pas. Tu as le regard vide.» Je me suis ouvert à lui et cela m’a énormément aidé…
Vos parents sont sénégalais. Que représente pour vous cette première Coupe du monde en Afrique?
Ça va être sensationnel. Tout le monde va découvrir la culture africaine. Ils vont nous réserver un bel accueil. Je pourrai dire plus tard à mon fils «J’y étais!» Enfin, si j’y suis… (Rires.) J’ai hâte d’y être. Cela va apporter du bonheur aux gens et aider à développer l’Afrique du Sud.
Avez-vous hésité entre le maillot du Sénégal et celui de la France ?
Oui. Je voulais intégrer l’équipe des moins de 17 ans du Sénégal mais les choses ont alors été retardées. Ensuite, j’ai été lancé en Ligue 1. Et, le même jour, le 17 novembre 2004, j’avais le choix entre une première sélection avec les Espoirs français ou avec l’équipe A du Sénégal. J’en ai discuté avec ma famille et avec Guy Roux (son entraîneur à Auxerre, NDLR). Et l’équipe de France a primé.
Que représente pour vous ce maillot bleu?
Chaque fois que je le porte, j’en ai les larmes aux yeux. C’est magique. C’est une chance qui n’est pas donnée à tout le monde. Une récompense. Mon père est arrivé en France dans les années 1970 après avoir gagné un concours au Sénégal, du genre «Questions pour un champion». C’était dur pour lui. Ma mère ne l’a rejoint que quatre ans plus tard.
Pour le grand public, vous êtes surtout célèbre pour vos tresses blondes…
Cela fait vingt ans que je les porte, suite à un pari avec mon père. À l’époque, je jouais attaquant et il m’avait dit: «Si tu marques deux buts, tu peux te les faire»… J’ai réussi un doublé et, depuis, je ne les ai plus quittées. Ça fait un peu mal chez le coiffeur mais il faut souffrir pour être beau (rires)…