« Tuez Malema » contre « Tuez le boer » : la mort du leader d’extrême-droite pro-apartheid Eugene Terreblanche, tué, d’après les premiers éléments de l’enquête, par un de ses employés après une querelle salariale, a brusquement ravivé les tensions raciales toujours présentes en Afrique du Sud, seize ans après la fin de l’apartheid.
Eugene Terreblanche, 69 ans, a été retrouvé battu à mort dans son lit. Suprémaciste, défenseur de l’apartheid, Terreblanche était le fondateur du Mouvement de résistance afrikaneer (AWB), un groupuscule violent qui s’était opposé à la fin de l’apartheid, qui imposait une séparation stricte entre blancs et noirs dans le pays. Terreblanche avait lui-même été condamné à des peines de prison à deux reprises, pour avoir attaqué un pompiste et un vigile, tous deux noirs. Depuis la fin de l’apartheid, l’influence de l’AWB avait décliné : le groupe revendiquait environ 5 000 adhérents fin 2008. Depuis sa libération en 2004, Eugene Terreblanche était tombé dans un oubli relatif.
« TUEZ MALEMA ! »
La mort de Terreblanche pourrait cependant radicaliser encore un peu plus une partie de la population sud-africaine, notamment les fermiers blancs isolés. Les fermiers blancs possèdent encore une large majorité des terres arables du pays, et vivent souvent isolés au milieu d’ouvriers noirs plus ou moins bien traités. Les violences sont élevées dans les fermes où près de 1 250 personnes ont été tuées entre 1997 et 2007. « Au cours des derniers mois, les organisations du type de l’AWB ont tenté de se réorganiser autour du thème des meurtres dans les fermes », poursuit Emile Coetzee, de l’université de Johannesburg.
Les partisans de Terreblanche ont promis de se venger. Devant la ferme du leader de l’AWB, où des partisans, armés pour certains, s’étaient rassemblés pour rendre hommage à leur chef de file, un journaliste de l’AFP a entendu le cri « tuez Malema ! »
« TUEZ LE BOER ! »
Julius Malema est le président de la Ligue de la Jeunesse du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir depuis 1994. Cet habitué des formules sans nuances, qui a déjà été l’objet de menaces, a déclenché une nouvelle polémique ces dernières semaines, en reprenant une ancienne chanson de la lutte contre l’apartheid, dont le refrain appelle à « tuer le Boer [fermier blanc] ».
La chanson vient d’être interdite par la justice, mais l’ANC continue de la défendre, estimant qu’il s’agit d’un héritage historique, et Julius Malema n’hésite pas à l’entonner. Cette polémique a créé beaucoup d’émotion « parce que la chanson a été perçue comme un adoubement de la violence contre les Blancs », analyse David Bruce du Centre pour l’étude de la violence et de la réconcilation. « Le terme boer n’a pas de limites précises, il décrit normalement les fermiers blancs mais peut s’appliquer aux Afrikaners (les descendants des premiers émigrés européens) ou aux Blancs en général », souligne l’analyste.
Pour lui, « la combinaison de cette chanson et du meurtre de Terre’Blanche crée un motif pour une mobilisation de l’extrême droite ».
Mais, poursuit-il, cela ne se traduira pas forcément en acte parce que « les services de renseignement ont jusqu’à présent bien infiltré les mouvements radicaux ».
lemonde.fr
Le leader d’extrême droite sud-africain Eugène Terreblanche, farouche partisan de l’apartheid, a été tué samedi après une querelle avec un employé, un meurtre qui semble non politique mais intervient sur fonds de tensions raciales toujours vives, 16 ans après la fin de l’apartheid. Dès le meurtre connu, le président Jacob Zuma a appelé les Sud-Africains « au calme » et a mis en garde dans un communiqué contre toute provocation qui attiserait « la haine raciale ».
Le Mouvement de résistance afrikaner (AWB) d’Eugène Terreblanche a déclaré dimanche qu’il le vengerait mais a demandé à ses membres de rester calmes et de ne pas réagir immédiatement. « Contrairement à ce que veulent nos membres, nous leur demandons de rester calmes pour le moment », a déclaré André Visagie, le Secrétaire général de l’AWB. M. Visagie a précisé que le mouvement se réunira le 1er mai pour décider de son action future. « Nous déciderons des actions pour venger la mort de M. Terreblanche. Nous allons agir et choisir des modes d’action spécifiques. Nous les déciderons lors de notre conférence ». Andre Visagie a également « recommandé » aux équipes de football d’éviter de se rendre à la coupe du monde qui doit débuter en juin prochain dans le pays.
Eugene Terreblanche, 69 ans, a été trouvé mort dans son lit en fin d’après-midi, « avec des blessures au visage et à la tête », a indiqué une porte-parole de la police, Adele Myburgh, à l’agence de presse Sapa. Deux employés de la ferme d’Eugène Terreblanche, âgés de 15 et 21 ans, ont été arrêtés et inculpés de meurtre, a-t-elle ajouté. Ils se seraient disputés avec leur patron pour un salaire non versé. Le meurtre a eu lieu dans l’exploitation agricole de Ventersdorp que l’ancien militant ne quittait plus que rarement.
UN LEADER SÉGRÉGATIONNISTE ET OPPOSÉ À LA DÉMOCRATIE
Pendant plus de vingt ans, Eugène Terreblanche avait incarné la lutte pour la suprématie des Afrikaners, descendants des premiers colons néerlandais et huguenots, pour lesquels il réclamait le droit à l’autodétermination. En 1973, l’ancien policier fondait le Mouvement de résistance afrikaner (AWB). Critique du régime d’apartheid dont il estimait qu’il faisait trop de concessions aux Noirs, opposé à la démocratie parlementaire, le mouvement était connu pour ses défilés équestres en tenues paramilitaires et son insigne à trois branches rappelant la croix gammée nazie.
Arrêté à plusieurs reprises, Eugène Terreblanche a été notamment condamné pour détention d’armes. En 1983, des membres de l’AWB avaient été emprisonnés pour quinze ans pour conspiration contre le gouvernement. Au début des années 1990, les défilés paramilitaires de l’AWB pouvaient réunir plusieurs milliers de personnes. Alors que l’Afrique du Sud basculait vers la démocratie, le groupe se livrait à des attentats sporadiques. En 1994, à la veille des premières élections multiraciales, l’AWB orchestrait encore des attaques à la bombe, avant d’être progressivement marginalisé. Son leader finira par être condamné en 2001 pour tentative de meurtre, après avoir battu à coups de barre de fer un vigile noir, lui causant des lésions cérébrales irréversibles. En 2004, il avait été remis en liberté conditionnelle pour bonne conduite. Terre’Blanche avait adopté depuis un profil bas, à l’image de son mouvement, alors que l’Afrique du Sud s’installait résolument dans la démocratie multiraciale.
lemonde.fr
La barbarie noire ou blanche ou jaune reste la barbarie 🙁