Il est 5h45 ; ça fait à peine 1 heure qu’on s’est couchés, de retour de la salle réservée aux carriéristes à la fac de médecine. C’est précisément à ce moment morne que retentissent les coups portés par un ami sur la porte de la chambre du couloir L au pavillon A. Cette pièce nous servait de dortoir, de garçonnière et aussi d’asile à ceux qui n’étaient pas logés, faute de bourse. Ce sont les derniers coups de désespoir, de révolte et de peur d’un ami que les épreuves prématurées d’aîné de famille démunie et d’héritier des charges de ravitailleur du défunt père écrasaient affreusement.
De cette agressivité occasionnelle, manifestée sans méchanceté ni intention de nuire, des lamentations rares et des appels pudiques à l’aide s’ensuivent aussitôt. « Boy, [appuyé d’insultes usuelles], qu’est-ce que tu attends pour me donner un ticket de resto pour le petit déjeuner? ». Il a fallu interroger à demi-mots ce grand timide et lui manifester notre surprise pour que son armure s’écroule sous le flot de ses larmes et le cancan de ses sanglots vainement retenus. « Ça fait trois jours que je ne parviens pas à dormir malgré les Valium que je continue de prendre désespérément. Boy….. Je suis fatigué, je commence à perdre la tête, je n’y comprends plus rien. »
Baye était en deuxième année de licence en géographie. Il lui manquait des unités de valeurs à réussir coûte que coûte pour éviter de « cartoucher ». Les examens s’approchaient à grands pas. Il lui fallait les préparer ardemment. Il lui fallait aussi carburer dur au port comme docker pour subvenir aux besoins tout aussi pressants de ses frères et sœurs devenus subitement orphelins de père. Sa mère, femme au foyer éprouvée, attendait, en désespoir de cause, aide et assistance de son aîné bien aimé. Celui-ci comptait bien jouer son rôle nouveau de pourvoyeur. Il avait à peine 22 ans, était simple étudiant, honnête, digne et fauché pour la plupart du temps.
Par la suite, Baye pouvait redevenir un jour celui posé et poli qu’on a toujours connu. Et le lendemain, il plongeait à nouveau dans des écarts qui ne le distinguaient plus, pour qui le connait bien, de nous, négligents et inconséquents. Nous lui avons toujours témoigné une considération singulière tellement son sérieux et sa mesure tenaient en respect. À chaque fois qu’il devenait comme nous étions, vulgaire et vicieux, jusqu’à taquiner les « couloirdeuses », c’est comme si nous échangions sur-le-champ de rôles. Nos esprits tordus et inattentifs, jusque-là, se mettaient en mode social sénégalais d’appui et de protection, c’est-à-dire portés à la discrétion et à la résignation.
Il est de ces expériences subies qui orientent les destinées, réussite ou échec, sans que nos déterminations et résolutions quasi communes ne parviennent à dévier l’invincible courant entrainant. Point besoin de les entendre pour savoir que les autres, amis de Baye, se demandent bien souvent ceux qu’ils ont eu ou fait de plus pour échapper à ce triste sort. Pas plus que le succès n’est l’apanage des plus disciplinés, le plus posé d’une bande de lutins n’en est pas forcément le plus équilibré. C’est fou la vie!
Birame Waltako Ndiaye
Fou d’amour… Où est-il question d’amour dans ce texte ?!?!?
Ridicule, encore Jo dans ses petitesses. Amour de Baye envers sa mère et ses frères et sœurs. Jo té ngua nopalou. Agnane fankhoul mourr. lol
Une mauvaise foi pareille, ça mérite un Oscar. No further comment.
Eh ouai, bien drole la vie parfois. Il faut tjrs s’armer de courage et faire face a notre destin en tirant le maximum de profits possibles avec les cartes qui nous sont servies.