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Fuite des cerveaux: Le journal «Le Monde » prend l’exemple du Pr Souleymane Bachir Diagne

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Les meilleurs chercheurs choisissent de plus en plus souvent les Etats-Unis. Une étude de l’Institut Montaigne souligne une fuite de 2 % des  » cerveaux  » français outre-Atlantique.

«En 1985, quand je suis arrivé à l’université de Columbia, à New York, il y avait très peu de Français. Désormais, leur nombre en mathématiques, en économie, en physique ou en médecine a vraiment augmenté « , confie au Monde Antoine Compagnon, également professeur de littérature au Collège de France. Cet afflux de chercheurs français en terre nord-américaine est le signe que la recherche française  » s’inscrit dans le mouvement de mondialisation de la connaissance « , assure l’Institut Montaigne, un groupe de réflexion libéral, dans une étude sur l’expatriation des universitaires français aux Etats-Unis.

Ce travail, que Le Monde présente en exclusivité pose la question d’une  » fuite des cerveaux « . Le nombre de ces chercheurs français qui s’expatrient reste  » limité « , estime l’étude, puisque moins de 2 % des chercheurs français travaillent aux Etats-Unis. Mais les effectifs augmentent constamment depuis trente ans. Entre 1985 et 2008, 2 745 Français ont préparé leur doctorat aux Etats-Unis, et 70 % y sont restés. Dans le même temps, un cinquième des centaines de postdoctorants accueillis aux Etats-Unis, chaque année, restent sur place.

Si cet exode reste modeste en nombre, il pose problème dans la mesure où ce sont les meilleurs qui partent. Très vite, les expatriés français additionnent les publications dans les bonnes revues scientifiques, et récoltent les prix les plus prestigieux.

Revers de médaille

En économie, sur les 25 professeurs français en poste dans les 30 meilleures universités américaines, 10 sont issus de l’Ecole normale supérieure (ENS) et 8 de l’Ecole polytechnique… En biologie, on compte 7 anciens de Normale-Sup sur 10…  » Environ 2 % des anciens de Normale-Sup sont aujourd’hui aux Etats-Unis « , a calculé Ioanna Kohler, l’auteure de l’étude.  » Quand on a été mélangé pendant notre formation à des gens brillants et ambitieux, on a envie de poursuivre l’expérience, confie Julien Sage, 39 ans, normalien, spécialiste de cancérologie et de biologie des cellules souches, à Stanford depuis 2004.

«Dans les grandes universités américaines, il existe une densité intellectuelle hors du commun. Les universités américaines, c’est là où tout se passe », confirme Souleymane Bachir Diagne, 55 ans, normalien et philosophe sénégalais aujourd’hui à l’université Columbia, à New York. « Pour ma génération, venir ici était inimaginable. Je me voyais d’ailleurs plutôt revenir en France après avoir enseigné dans mon pays… Mais, ce sont les hasards de la vie ».

C’est aussi un concours de circonstance qui a conduit Julien Sage à s’installer aux Etats-Unis.  » Je suis parti faire un postdoctorat au Massachusetts Institute of Technology (MIT), sans souhait d’y rester. Puis, j’ai vu mes collègues obtenir de bons postes et je me suis demandé, « pourquoi m’en priver ? » En définitive, j’ai rejoint l’université de Stanford… «  Thomas Philippon, 36 ans, ancien de Polytechnique et économiste en poste à l’université de New York, souhaitait préparer là-bas son doctorat.  » On m’a dit que celui du MIT était le meilleur, j’y suis allé. On m’aurait dit Düsseldorf, je serais allé en Allemagne. « 

Les conditions de travail ne sont pas étrangères à ces choix. Le recrutement y est jugé plus juste qu’en France, le temps de recherche important et le temps d’enseignement réduit. Surtout, le respect pour les professeurs d’université se traduit par des salaires plus importants qu’en France… Bref,  » on travaille une fois et demie plus rapidement aux Etats-Unis qu’en France « , juge Souleymane Bachir Diagne. Avec comme revers de médaille : la forte pression pour produire, le temps important à consacrer à la recherche de fonds et l’intense compétition.

Pour l’Institut Montaigne, s’il est bon d’avoir des chercheurs français de très haut niveau aux Etats-Unis, se pose toujours la  » question du « retour sur investissement » du point de vue de l’investissement consenti par la nation. «  Comment la France tire-t-elle partie de l’expatriation de ces gens qu’elle a formés ?  » Contrairement aux chercheurs italiens, j’ai le sentiment que les Français conservent un contact fort avec la France « , estime Antoine Compagnon.  » Je donne des séminaires en France, mais la question de revenir en France est compliquée. Revenir avec une famille n’est pas aisé… « , assure Thomas Philippon. En revanche, Julien Sage n’a pas conservé beaucoup de liens avec l’Hexagone : «  Revenir est compliqué. Contrairement aux Etats-Unis ou aux autres pays d’Europe, les universités françaises ne peuvent, pour l’instant, promettre un poste, des locaux, une équipe et des financements pour déménager mon laboratoire.  » Dans l’idéal, Souleymane Bachir Diagne, qui va bientôt passer un semestre à Paris-VIII, aimerait avoir un pied de chaque côté de l’Atlantique. Un à Columbia et un dans une université française.

Philippe Jacqué

via bitimrew.net

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