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Gbagbo peut-il résister aux Français?

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La Licorne et les Casques bleus sont entrés dans la bataille d’Abidjan du côté d’Alassane Ouattara. Avec ses maigres forces retranchées dans des points stratégiques, Laurent Gbagbo n’a aucune chance.
Les combats se poursuivent à Abidjan, d’où nous parviennent les informations les plus confuses, accompagnées d’images difficilement déchiffrables. Des combattants en treillis, regroupés à un péage, de la fumée, des explosions et des balles traçantes au-dessus de la capitale financière et économique de Côte d’Ivoire, des témoignages téléphoniques d’expatriés parlant de violents échanges de tirs. Pour en savoir plus sur ce qui se déroule exactement sur le terrain, il faudrait être dans le secret des dieux (de la guerre), ou à tout le moins des officiers des états-majors impliqués.

Toujours est-il que, depuis lundi 4 avril semble-t-il, l’armée française est entrée dans la bataille, ainsi que des «forces de l’ONU», sans autre précision, pour aider à chasser définitivement du pouvoir Laurent Gbagbo. Pourtant, celui-ci résiste apparemment avec acharnement. Mais pourquoi? est-on en droit de se demander. Qu’espère-t-il? A-t-il seulement une chance de l’emporter?

Toutes les cartes sont jouées

Déjà, face aux seules Forces républicaines du président Alassane Ouattara, dont la légitimité a été reconnue par la communauté internationale, ses perspectives en termes purement militaires paraissaient douteuses. En dehors d’un «dernier carré» de fidèles souvent évoqué par les médias, et des Patriotes de Charles Blé Goudé, il ne disposait plus de véritables moyens et ne pouvait que retarder l’inévitable. Mais maintenant que la force française Licorne et les unités de Casques bleus appuient ouvertement le camp de Ouattara, il n’a plus aucune possibilité de marquer des points sur le plan tactique.

Du reste, quel que soit l’état réel de ses forces, il semble avoir commis une première erreur, preuve, peut-être, de la faiblesse de ses moyens. S’il avait compté tenir jusqu’au bout à Abidjan, pourquoi a-t-il laissé ses forces s’enfermer dans quatre points clés stratégiques où elles peuvent être aisément isolées puis grignotées par un pilonnage systématique avec l’aide des hélicoptères de combat de Licorne et de l’ONU?

Pour défendre une ville aussi imposante qu’Abidjan, une des grandes métropoles d’Afrique qui compte plus de 3,5 millions d’habitants, si telle avait été son intention, il aurait pu s’assurer le contrôle des deux grands ponts qui relient Treichville au Plateau, sur la lagune Ebrié. Ses forces auraient également pu s’inspirer des combattants tchétchènes qui, en 1995 et en 2000, avaient fait de Grozny, une ville certes beaucoup moins imposante, une véritable forteresse. Les boïeviki avaient transformé les immeubles stratégiques en pièges à blindés, placé aux carrefours, dans les caves et sur les toits des tireurs d’élite et des hommes équipés de lance-roquettes antichar, et avaient ainsi obligé l’armée russe à littéralement raser des quartiers entiers pour venir à bout de leur résistance.

Guerre d’usure

Laurent Gbagbo, comme d’autres dirigeants en fin de règne avant lui, vit peut-être complètement coupé de la réalité sur le terrain. Toussaint Alain, un de ses conseillers à Paris, aurait déclaré ce mardi matin que Gbagbo n’avait «pas l’intention de se rendre». Pense-t-il pouvoir mettre un coup d’arrêt aux opérations de la France et de l’ONU? Peut-être espère-t-il faire monter les enchères? Les combats de rues sont toujours une affaire coûteuse et les armées modernes, surtout occidentales, y répugnent (l’armée fédérale russe, encore elle, n’a pas fait preuve d’une telle délicatesse à Grozny). En résistant suffisamment longtemps aux frappes héliportées de Licorne et des Casques bleus, peut-être espère-t-il obliger la France à engager ses troupes au sol. Alors, si les soldats français payaient le prix fort en étant contraints de conquérir ses places fortes pied à pied en essuyant de lourdes pertes, peut-être Gbagbo parviendrait-il à fragiliser moralement ses adversaires.

Quoi qu’il en soit, la France se retrouve effectivement, comme dans le cadre de la coalition en Libye, occupée à servir d’appui feu aérien à des unités rebelles qui, au sol, peinent à triompher de leur ennemi. Mais rien ne dit qu’en dehors d’opérations ponctuelles, Paris soit prêt à aller au-delà. Si tel est le calcul de Gabgbo, il paraît particulièrement risqué. D’une part, il ne contrôle plus assez les médias ivoiriens pour, par exemple, faire parader d’éventuels Casques bleus ou soldats français prisonniers, ou morts, devant les caméras. De plus, il ne peut plus compter sur les mercenaires qu’il avait utilisés contre les Français en novembre 2004, quand des pilotes a priori biélorusses, aux commandes d’avions d’attaque au sol Sukhoi-25, avaient frappé les positions françaises, faisant neuf morts. Ce qui ne lui avait d’ailleurs pas porté chance, puisque l’armée française avait riposté et détruit plusieurs de ses appareils.

Il est vrai que les Casques bleus en Afrique gardent un souvenir cuisant de leur rencontre avec les mercenaires. Les «affreux» avaient en effet infligé de rudes revers aux forces onusiennes au Congo dans les années 60. Mais ce temps-là est bien loin. Si la rumeur prétend qu’il emploierait des «mercenaires libériens», réputés pour leur côté sanguinaire, Gbagbo ne peut plus compter, semble-t-il, que sur ses Patriotes, mal armés et mal entraînés, et sur les bribes de ses unités d’élite, théoriquement dotées d’armes lourdes et de véhicules blindés, qui doivent sans doute être aujourd’hui la cible prioritaire des frappes.

Quoi qu’il ait pu espérer, Laurent Gbagbo a manifestement fait une erreur de calcul, ce qui devrait s’avérer dans les prochaines heures.

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