Le dernier dirigeant soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, vingt ans après avoir consacré la disparition de l’URSS en démissionnant, a jugé que le temps de quitter le pouvoir était aussi venu pour Vladimir Poutine, qui fait face à une vague de contestation sans précédent.
Discrédité, honni par sa population et confronté aux proclamations d’indépendances des républiques soviétiques, le 25 décembre 1991, M. Gorbatchev annonce à la télévision sa démission, prenant acte de la disparition de l’URSS après un accord signé le 8 décembre par l’Ukraine, le Bélarus et la Russie.
« IL DEVRAIT FAIRE LA MÊME CHOSE QUE MOI »
Et samedi, après une manifestation d’une ampleur sans précédent depuis douze ans, l’ex-chef de l’Etat soviétique a estimé que Vladimir Poutine, au sommet du pouvoir depuis 2000, devait lui aussi se rendre à l’évidence. « Je conseillerais à Vladimir Vladimirovitch (Poutine) de partir maintenant. Il a déjà fait trois mandats : deux en tant que président (2000-2008), un en tant que Premier ministre – trois mandats, ça suffit », a déclaré le père de la perestroïka à la radio Echo de Moscou. « Il devrait faire la même chose que moi. Moi, à sa place, je le ferais car ainsi il pourrait préserver toutes les choses positives qu’il a faites », a-t-il encore souligné.
Mikhaïl Gorbatchev a rappelé qu’il a longtemps soutenu M. Poutine après son arrivée au Kremlin dans une Russie plongée dans le chaos économique et politique post-soviétique, mais que désormais un changement de fond était nécessaire dans le pays.
« JE SUIS HEUREUX D’AVOIR VÉCU CE RÉVEIL »
Agé de 80 ans, il a expliqué qu’il aurait voulu se rendre à la manifestation de samedi à Moscou où des dizaines de milliers de Russes ont scandé des slogans anti-Poutine, mais que sa santé ne le lui permettait pas. « Je suis heureux d’avoir vécu ce réveil » politique de la société russe, a-t-il dit, « ça créé un grand espoir ».
Il avait déjà qualifié d' »historique » la manifestation précédente du 10 décembre et appelé les autorités russes à organiser de nouvelles législatives, celles du 4 décembre ayant été marquées par d’importantes fraudes, selon les observateurs et l’opposition.
Le camp de Vladimir Poutine, qui à plusieurs reprises a dit regretter la disparition de l’URSS et estimé que ses derniers dirigeants s’étaient montrés trop faibles, a jugé dimanche à demi-mot que M. Gorbatchev n’avait pas de leçons à donner au régime actuel. « Nous respectons beaucoup (Mikhaïl Gorbatchev), mais je suis né en 1967 en Union soviétique et ce pays a cessé d’exister lorsqu’il en était le dirigeant », a déclaré dimanche Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine.
SOLIDARNOSC
Le dernier numéro un soviétique insiste cependant : les autorités russes sont confrontées aujourd’hui au même problème que la Pologne communiste des années 1980, lorsque le syndicat Solidarité a déstabilisé le régime du général Wojciech Jaruzelski en organisation des manifestations et des grèves.
« Le général Jaruzelski, mon ami, m’a appelé et m’a dit : ‘Mikhaïl Sergueïevitch, Solidarité est une réalité, la société semble soutenir (le syndicat) et nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. Nous devons changer, organiser une table ronde. Qu’en pensez-vous?' », raconte M. Gorbatchev. « Et je lui ai dit ‘je soutiens ça' », se souvient-il, voyant dans cette approche un modèle à suivre pour le départ de Vladimir Poutine.
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