sudonline.sn Prenons l’exemple d’un pays comme le Vietnam. Meurtri par les guerres de libération depuis le début des années 50, ce pays a mis du temps à s’inventer une vraie personnalité urbaine. Quatre décennies plus tard, il a pourtant amorcé un tournant au plan de l’urbanisme. Une ville comme Hanoï, est aujourd’hui classée au sixième rang pour le shopping juste derrière des géants comme Hong Kong, Singapour, et devant Shanghai, « la gigantesque », Tokyo, Pékin et Séoul.
Et en 2008, des projets immobiliers y ont attiré plus de 28 milliards de dollars soit près de la moitié des investissements directs étrangers. Au cours de cette même année, et après six mois de délibérations, Hanoï a obtenu par la voie de du Premier ministre vietnamien, Nguyen Tân Dung, que la capitale absorbe la province du Hâ Tay ainsi que quelques commune limitrophes. A la date du 1er août 2008, la superficie de la ville de Hanoï, avait fini de tripler en passant aujourd’hui à plus de 300 km2. Dans la même foulée, le gouvernement a choisi d’attribuer au consortium américano-coréen Perkins Eastman Posco Engineering and Conservation-Jina (PPJ), l’élaboration d’un nouveau plan d’urbanisme appelé, « Le Hanoï Master Plan to 2030 and vision to 2050. »
Ce projet devait boucler au courant de cette année 2010, l’étude de plus de 700 projets résidentiels et industriels. Voici donc un bel exemple qui démontre ce que l’absence de vision, d’études et de prospection, peut entrainer dans une ville « agressée » comme Dakar. Et pour étendre sa superficie, moderniser ses marges, aucun plan d’urbanisme crédible et partagée, aucune vision, étude n’a été commanditée par l’Etat depuis la fin des années 1990. La ville n’en a pas les moyens, or il est difficile qu’après un siècle et demi d’efforts immenses de modernisation, l’heure est arrivée de dresser les premiers bilans et de créer un débat de fond sur la ville sénégalaise du 21 ème siècle.
Rattraper des retards, est certes une bonne chose, mais le tracé des contours de la ville nouvelle ne saurait se réduire au rafistolage. Il faut un urbanisme adapté fondé sur l’audace et l’ingénierie urbaine et urbanistique. Le design, une architecture qui prend en compte toutes les nouvelles technologies vertes. Et encore… Le manque d’ambition des autorités municipales et de l’Etat se voit aujourd’hui dans la planification des recettes générées par l’économie de la ville de Dakar et son maigre budget qui peine à dépasser 20 milliards FCFA.
Or, Dakar et son agglomération ont nul doute les moyens de s’offrir un budget de près de 200 milliards de FCFA, si un plan de modernisation cohérent leur permet de s’élargir de manière cohérente à travers la constitution d’un réseau de villes satellites qui relient facilement entre elles les principales poches noires de la cité. Toutes ces mesures ne sauraient se réaliser dans l’improvisation, le mépris de certaines règles d’urbanisme et de projets dignes des grandes cités du monde. Quelques autres exemples permettent de justifier cet argument. On peut les trouver dans l’absence d’un véritable réseau ferroviaire autour de la ville de Dakar. Egalement de gares dignes de nom proposées à la modernisation des réseaux, surtout à la multiplication des espaces d’échanges et de rencontres dans la ville. La fluidité du système des transports a oublié que le chemin de fer fait partie de la planification d’une grande ville.
L’autre principale équation qui ne peut être résolue facilement aujourd’hui, c’est la tyrannie du logement et le bradage continu et éhonté des réserves foncières de la ville de Dakar. La conséquence de la quête effrénée de maisons de luxe, de logement tout simplement a entraîné le chantage de l’Etat et sa mainmise sur le foncier urbain et rural autour de l’agglomération dakaroise sans aucune norme d’équité et de respect du caractère inviolable de certains endroits. L’aéroport de Dakar a vu émerger tout autour de ces espaces laissés libres, des cités de complaisance. Dans le même temps, les Niayes ont été largement découpées en plusieurs endroits, par des projets dits d’infrastructures.
Autre lieu de rencontres, la foire internationale de Dakar. On y passe avec autant de regrets que sur les abords de la corniche. Tout est susceptible de devenir espace constructible. C’est à cela que ça sert de faire la politique. Profiter des largesses du régime au pouvoir au mépris des règles plus simples. Sous le prétexte de faire du logement social pour les amis d’hier, Sicap comme Snhlm n’ont plus de réserves foncières. Les seules qui existent sont aux mains des pontes du régime. Le logement social du coup, a disparu. Avec lui, banques d’habitat et coopératives sont sans perspectives et dans une panique totale parce que n’ayant plus de projets à mener à terme. D’ailleurs, les Sénégalais n’y croient plus beaucoup en dehors de quelques projets de coopératives d’habitat qui ont bien du mal à être finalisées.
Une revanche sur l’histoire, voilà l’autre crédo. On saute sur tout dès qu’on a le pouvoir par la voie des urnes qui donnent tous les droits sur la vie, la cité, les communes et villages. On se venge sur tout le monde. Séance de rattrapage, après une trentaine d’années d’opposition politique, voilà le crédo. « Les autres se sont beurrées avant nous et sur le dos du peuple. Et pourquoi pas nous maintenant ? » La réponse est toute trouvée et bien simple. Une autre aberration urbanistique, les réhabilitations de voies comme la Vdn qui ont coupé des quartiers entiers. Et le pire : le site de l’autoroute à péage, un projet très couteux, peu inspiré, qui a fini de condamner tout un quartier comme les maristes. Et encore le site du Technopole de Dakar complètement coupé de la ville par le tracé autoroutier… Où va finalement Dakar ?
A l’exemple de l’ancienne cité guerrière de Hanoï, avec son projet dit du « Grand Hanoï », Dakar devrait s’inspirer une fois de ce genre de projets d’urbanisme censés accroître son attractivité en attirant des promoteurs ambitieux capables de tourner la ville vers un avenir plus adapté à ses ambitions. Cela risque d’être un éternel combat.