Photo: Leymah Gbowee, travailleuse sociale et militante, initie en 2002 au Liberia une grève du sexe pour que les femmes soient associées aux négociations de paix. | AFP/KRISTER SOERBOE
Dimanche 26 août, le collectif « Sauvons le Togo » a appelé « toutes les femmes »togolaises à observer une semaine de « grève du sexe » pour contraindre les hommes à s’investir davantage dans le mouvement de contestation lancé par l’opposition. « Les femmes sont les premières victimes de la situation catastrophique que nous vivons au Togo. Raison pour laquelle nous disons à toutes les femmes : une semaine sans sexe. C’est aussi une arme de lutte« ,explique Isabelle Améganvi, membre du collectif et présidente de l’Alliance nationale pour le changement, l’un des principaux partis d’opposition.
Le collectif, qui a par ailleurs orchestré trois manifestations, sévèrement réprimées la semaine dernière, réclame le départ du président Faure Gnassingbé(au pouvoir depuis 2005), l’abrogation de nouvelles dispositions du code électoral et le report à juin 2013 des élections législatives prévues en octobre, en raison de retards dans l’organisation du scrutin. La grève du sexe parviendra-t-elle àmobiliser les foules et faire fléchir le président Gnassingbé ? Rien n’est moins sûr. Même si dans d’autres pays l’abstinence comme action de résistance féminine a connu des résultats encourageants.
- Une idée qui remonte à l’Antiquité
Dans sa comédie Lysistrata, le dramaturge grec Aristophane est le premier à concevoir une grève du sexe, comme ultime recours des femmes pour se faireentendre. Ecrite en 411 avant J.-C., la pièce relate l’initiative de Lysistrata, une belle Athénienne qui a réussi à convaincre les femmes de toutes les cités de déclencher une grève totale, jusqu’à ce que les hommes reviennent à la raison et cessent la guerre entre Athènes et Sparte.
- 2002 : Grève du sexe au Liberia pour établir la paix
Lauréate du prix Nobel de la paix 2011, Leymah Gbowee lance en 2002 une grève du sexe pour obliger le régime de Charles Taylor (président du Liberia de 1997 à 2003) à associer les femmes, jusque-là écartées du processus de négociations, aux pourparlers de paix. Une pression à laquelle ne résiste pas Charles Taylor, ex-chef de guerre devenu président.
« Pas de réforme, pas de sexe ! », tel est le mot d’ordre du mouvement lancé, en mai 2008, au Kenya, par l’Organisation de développement des femmes, lasses de voir s’éterniser une crise politique entre le président, Mwai Kibaki, et le premier ministre, Raila Odinga. « Les grandes décisions sont prises sur l’oreiller, donc nous demandons aux deux dames (les épouses du premier ministre et du président) lorsqu’elles se retrouvent dans l’intimité avec leurs maris, de leur demander : ‘Mon chéri, peux-tu faire quelque chose pour le Kenya ?' », explique alors Patricia Nyaundi, avocate membre de l’organisation. Très structurées, les femmes kényanes proposent même un dédommagement aux prostituées afin qu’elles s’associent au mouvement et interdisent toute échappatoire aux mâles en manque. Pour la coalition d’ONG féminines, l’objectif de la grève est atteint : le président et le premier ministre, qui ne se parlaient pas depuis des mois, se rencontrent à plusieurs reprises.
Après l’initiative de Benoît Poelvoorde de ne plus se raser jusqu’à la mise en place d’un nouveau gouvernement, c’est au tour de la sénatrice belge Marleen Temmerman d’appeler ses compatriotes féminines à se refuser à leur hommepour sortir le pays de la crise politique. L’initiative a fait sourire, sans pour autant être prise au sérieux.
A lire : Une grève du sexe pour en finir avec la crise politique belge
- 2011 : « Pas de route, pas de sexe » en Colombie
Face à la passivité des hommes, les femmes décident de faire la grève du sexe jusqu’à ce que les autorités s’engagent à construire une route pour désenclaver le petit village de Santa María del Puerto de Toledo de las Barbacoas, sur la côte Pacifique. Après trois mois de « jambes croisées », les pelleteuses débarquent dans le village.
Pauline Pellissier