Le 28 septembre 2009, un rassemblement pacifique organisé par l’opposition dans le plus grand stade de Conakry était réprimé dans le sang par les forces de la junte militaire alors au pouvoir. Bilan : « au moins 157 morts, des dizaines de disparus, une centaine de femmes victimes de violences sexuelles, plus de 1. 000 blessés », écrivent la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH), dans un rapport d’enquête publié lundi.
« J ?ai été violée par je ne sais combien de personnes parce qu’à un moment donné, j ?ai perdu connaissance », raconte à l’AFP une Guinéenne de 43 ans, Salématou Bangoura, agent du Trésor public. « J’ai été conduite dans une maison close, une villa qui appartenait à un militaire où j ?ai passé plusieurs jours. Si ma mémoire est bonne, quatre jours d ?enfer », dit-elle.
ONG et médias ont relaté dans le détail comment les militaires, les forces de sécurité et des miliciens étaient entrés en masse dans le stade, comment ils avaient tiré sur la foule, fait subir des sévices sexuels à des femmes de tous âges, frappé les témoins et roué de coups des responsables de l’opposition. . .
Ensuite, selon la FIDH, « la junte a d’abord voulu enterrer ce dossier par la mise en place d’une commission nationale d’enquête totalement sous contrôle » qui a conclu « opportunément à la responsabilité exclusive d’Aboubacar Sidiki Diakité dit »Toumba », aide de camp du chef de la junte Moussa Dadis Camara.
Ce militaire, en cavale depuis dix mois, avait tenté, deux mois après le massacre de tuer son patron, le capitaine Camara. « J’ai tiré sur lui » parce qu’« il avait essayé de faire reposer toutes les charges des événements du 28 septembre » sur moi », avait-il ensuite affirmé.
Le chef de la junte qui vit désormais au Burkina Faso, a été remplacé en janvier par le général Sékouba Konaté, chargé de conduire la transition jusqu’à la prochaine élection d’un président civil.
Puis, sous la pression de la communauté internationale et de la CPI, trois juges ont été désignés, en février, pour instruire « l’affaire du 28 septembre ».
Depuis, « seuls deux militaires de second ordre ont été arrêtés. Les donneurs d’ordre et les plus hautes autorités militaires et politiques de l’époque demeurent bien loin de la ligne de mire de la justice guinéenne », constate la FIDH.
La Commission d’enquête internationale nommée par l’ONU – qui avait qualifié les violences de « crimes contre l’humanité » – avait conclu à la « responsabilité pénale individuelle » de Dadis Camara, incriminé pour sa « responsabilité de commandement ». Ses neveux Siba Théodore Kourouma et Marcel Kuvugi sont également mis en cause par des témoins.
Deux autres militaires incriminés, Claude Pivi et Moussa Tiegboro Camara, ont certes perdu leur rang de ministre mais conservent des postes très importants : le premier reste chef de la sécurité présidentielle, le second directeur national de la lutte contre le banditisme, la criminalité et le narcotrafic.
En tant que victime, Salématou Bangoura a bien été « interrogée par la justice guinéenne ». Mais elle « ne croit plus un seul instant » en la justice de son pays.
« Je souhaite que la CPI se saisisse du dossier des victimes de la barbarie que nous avons vécue », dit-elle.
La Guinée attend à présent le second tour de l’élection présidentielle, dont la date reste à fixer, qui se jouera entre deux civils.
L’un, Cellou Dalein Diallo, avait lui-même été sévèrement blessé par les militaires le 28 septembre ; l’autre, Alpha Condé, avait été l’un des premiers à fustiger, alors, le « pouvoir criminel ».
Source : Jeuneafrique.com