Avant de revenir presque en catastrophe au pays, pour prendre part aux négociations avec les partenaires techniques et financiers sur la fixation des tarifs de l’électricité, le ministre de l’Energie avait finalisé des accords avec ses partenaires chinois, à Pékin. Il en parle ici avec Le Quotidien, sans escamoter d’autres questions brûlantes de son secteur. M. le ministre, vous êtes en Chine pour des négociations d’accord de coopération dans le domaine de l’énergie. Sur quoi portent les discussions ?
En fait l’accord a bien été signé avec les Chinois. Nous voulons garantir maintenant la puissance, la sécurité N-2, et de ce fait nous avons signé avec les Chinois, qui ont des turbines à gaz disponibles pour être installées sur les 4 mois à Dakar. L’installation d’une turbine qui va fonctionner au gaz est prévue dans 4 mois à Dakar, avec un prix défiant toute concurrence. La deuxième chose, nous voulions finaliser l’accord que nous avons signé avec le ministre d’Etat (Karim Wade) sur les 35 milliards pour l’extension du réseau sur la banlieue. Nous avions aussi demandé aux Chinois de pouvoir transposer une partie de cet accord, pour faire une unité de montage de prépaiement au Sénégal. Au-delà de ça, nous avons aussi signé, pour la possibilité de faire de l’exploration, avec China national oil company, une des plus grosses boîtes ici. Et puis aussi nous avons aussi signé un M o u (Protocole d’accord, Ndlr) concernant l’extension et la modernisation de la raffinerie que nous sommes en train de faire avec le groupe Bin Laden.
L’accord que vous avez signé dans le secteur du gaz, quelle puissance d’énergie supplémentaire va-t-il apporter à la Senelec ?
C’est 50 Mw supplémentaires, qui vont nous permettre d’assurer la sécurité N-2. Aujourd’hui comme nous l’avons déjà dit, nous avons dépassé le seuil critique du déficit structurel. Cependant, l’équilibre est toujours précaire, à savoir qu’aujourd’hui quand une machine est à l’arrêt, on déleste. Nous voulons régler ce problème d’ici octobre ou novembre de cette année. Ce qui assurerait à la Senelec, la sécurité N-2. Aujourd’hui, en matière de production, même si la centrale la plus grosse s’arrête, on aura toujours une autre centrale qui la remplace. On veut avoir une sécurité N-2, avec l’apport supplémentaire d’une puissance additionnelle de 50 Mw, en attendant la centrale à charbon. La première centrale à charbon va arriver en 2011, et la deuxième va arriver en 2012, ce qui va définitivement garantir l’approvisionnement de l’électricité du pays.
Dernièrement, vous avez signé pour racheter Gti. En quoi consiste cette opération ?
Comme vous le savez, Gti appartient en partie à 60% au groupe Ge financial et 30% à Edison international. Depuis juin 2008, la centrale Gti était à l’arrêt du fait d’un problème sur le transformateur. Entre temps, nous avions compris que Ge financial avait reçu des instructions de son management pour vendre tous les actifs non stratégiques à travers le monde. Ge financial gère à peu près 12 000 ou 18 000 Mw à travers le monde et le Sénégal en faisait partie. Ils ont donc essayé de vendre leurs actions de Gti à travers le monde. Ils n’ont pas pu. Ils nous ont dit qu’ils n’étaient plus en mesure, à cause des instructions de leur management, d’injecter des capitaux supplémentaires pour faire fonctionner la centrale, et de ce fait ils nous ont dit que le retour de la centrale devait être conditionné à un rachat, chose que nous avons faite. Nous avons négocié le rachat des actions de Gti. Et aujourd’hui, nous avons déjà signé les accords préliminaires, ce qu’on appelle les heads of terms, et nous avons la due diligence à faire jusqu’au 30 juin et concrétiser cela par le contrat d’achat de Gti.
Combien cela va-t-il nous coûter ?
L’achat est d’abord conditionné au retour de Gti sur le réseau. Deuxièmement, à la transformation de la centrale en gaz d’ici 4 mois et troisièmement à une durée de fonctionnement de minimum 2 ans. Ca nous a coûté au total 9 400 000 euros, pour le rachat des actions, plus le remboursement de la dette de 11 millions d’euros, donc en tout c’est à peu près 20 millions d’euros (environ 1,3 milliard de francs. Ndlr) que nous avons racheté. Mais je rappelle encore que nous avons fait une très, très bonne affaire, car dans le contrat initial signé en 1996, il avait été prévu qu’à la fin des 15 ans, le gouvernement du Sénégal s’était engagé à racheter la centrale pour 3 milliards, et cela nous fait économiser non seulement ces 3 milliards, mais va faire économiser à la Senelec du fait de transformer ça en gaz, 3 milliards par an.
Mais vous allez racheter aussi une centrale à l’arrêt parce que Gti a connu une panne de sa centrale depuis plusieurs mois ?
Mais c’est ce que je suis en train de vous dire. Pour l’instant, nous avons signé des accords préliminaires. Dans ces accords, un, Gti doit revenir sur le réseau et je crois que je peux vous annoncer que d’ici 3 jours, Gti sera sur le réseau inch Allah. La deuxième, Gti doit fonctionner pendant au moins 5 mois sans problème. La troisième, elle doit garantir l’opération et la maintenance de la centrale. C’est-à-dire on ne touche pas la structure juridique de Gti, nous ne rachetons pas une centrale, nous rachetons une société qui possède une centrale. La première condition c’était le retour de Gti, la deuxième c’était le fonctionnement sur 5 mois, et le paiement est échelonné sur un certain nombre de mois, ce qui nous permet d’avoir au moins une centrale qui fonctionne et il y a une due diligence technique qui va être faite par des spécialistes de turbine à gaz. Donc, en ce qui nous concerne, nous sommes assez confiants que nous achetons une centrale qui va fonctionner.
Avec l’accord que vous avez signé avec les Chinois et le retour de Gti, et peut-être aussi, la mise en service d’une centrale à charbon, vous allez avoir une capacité de puissance suffisante. Mais est-ce que les problèmes selon vous, seront réglés, surtout avec la vétusté du réseau de distribution ?
Comme vous le savez, sur instruction du président de la République, nous sommes à la fois en train de restructurer la Senelec, c’est-à-dire de moderniser le réseau, et au-delà, augmenter la capacité de production, parce qu’aujourd’hui c’est une nécessité de réhabiliter le réseau. Pourquoi ? Parce que nous ambitionnons, d’ici 2020-2025 d’avoir une centrale nucléaire, et la centrale nucléaire ne peut supporter qu’un réseau stable comme on dit. Et ce réseau stable ne peut se faire que si on modernise et on réhabilite. Aujourd’hui, dans les 680 milliards d’investissements que nous sommes en train de réaliser, dont une partie a déjà été exécutée, une bonne partie sert à la réhabilitation du réseau. D’où la boucle de Dakar, enterrée avec une entreprise chinoise, et qui va être d’ailleurs terminée fin 2010. Les travaux ont commencé il y a 18 mois, le contrat avait été signé en 2006. Et d’où l’extension et la réhabilitation du réseau dans la banlieue. Et aussi nous avons tout au long des 4, 5 dernières années, transformé le réseau 6-6 en 30 Kv, c’est-à-dire améliorer les conditions d’accès de l’électricité chez le client. Cela nous conforte de savoir que les instructions du président de la République ont été bien exécutées et vont dans le sens d’accueillir une centrale nucléaire d’ici 2020.
Aujourd’hui vous allez vers une négociation avec la Banque mondiale autour des tarifs de l’électricité, et la banque, selon certaines informations, voudrait une hausse des tarifs de l’électricité. Pensez-vous que vous avez les capacités de résister aux pressions ?
Nous sommes en train de discuter avec les partenaires techniques au développement. Le Fonds monétaire international demande qu’on fasse un ajustement structurel. Pour nous, il est important de mesurer les conséquences d’une telle augmentation. Nous avons demandé, avant d’augmenter, que l’argent dû par le ministère des Finances à la Senelec soit payé, c’est-à-dire la compensation de 2008 et de 2009, que les mesures qu’on avait préconisées et adoptées en Conseil des ministres soient exécutées, pour pouvoir considérer un ajustement. Parce qu’aujourd’hui, comme vous le savez, l’électricité au Sénégal coûte excessivement chère, et de ce fait nous sommes enclins à penser qu’il est indispensable de mesurer les conséquences d’un ajustement parce que trop demander au client, c’est peut-être difficile pour nous.
Pouvez-vous donner des garanties que le prix de l’électricité ne sera pas augmenté ?
Écoutez, nous sommes en train de discuter ; donc je ne peux vous dire aujourd’hui, si on va augmenter ou pas.
Vous avez parlé d’une possibilité de participer aux efforts de renforcement de production de la Sar (Société africaine de raffinage), alors que le gouvernement sénégalais était en discussion avec le groupe Bin laden. Qu’est ce qui peut expliquer la recherche de nouveaux partenaires ?
Nous ne sommes pas venus chercher de nouveaux partenaires pour la raffinerie. Le gouvernement du Sénégal a conclu un accord avec le groupe Saudi Bin Laden qui a pris 34 % du capital de la Sar et qui s’est engagé après les études d’exécution, d’augmenter la capacité de la Sar à 4 millions de tonnes avec une modernisation de la raffinerie. Les Chinois ont une très grande technologie concernant les raffineries et nous sommes venus leur exposer, voir en tant que contracteur, pour un contrat pour la modernisation, un Ipc, et non pas pour prendre une participation. Cela d’ailleurs, va se discuter avec le groupe Bin Laden. On fait du shopping, on vient ici en Chine et on ira aussi en Corée parce que ce sont les deux grands pays qui ont toute la technologie et le savoir-faire pour construire des raffineries.
Ce que le consommateur sénégalais semble comprendre le moins, c’est que quand le baril de pétrole baisse à l’international, à l’opposé, le prix du carburant hausse sur le marché local sénégalais.
Le baril est un indicateur, mais ce qui détermine la structure des prix, c’est la moyenne des prix de 4 semaines des produits finis sur le marché international. Nous dépendons des prix du produit fini au niveau international. Donc chaque jour nous avons la cotation à la fois de tous les produits finis, et 4 semaines après, nous faisons la moyenne pour déterminer le prix. Et vous savez le baril peut augmenter à 87 dollars, les produits ont suivi, mais le gaz butane va dans le sens contraire, parce qu’aujourd’hui, il y a une diminution de la consommation du gaz butane dans le monde. Ca suit beaucoup plus le prix du marché que le prix du baril. Le baril est une indication, mais ce n’est pas ce qui détermine réellement le prix. Il y a le dollar, il y a les cotations du fret, les cotations des produits finis, et c’est cette moyenne qui fait la structure des prix au Sénégal et c’est la moyenne des 4 semaines que l’on prend pour calculer cela. Bien sûr le baril pour la Sar, c’est important, puisque c’est le Platz plus le Premium. 87 dollars aujourd’hui cela représente, pour le prochain bateau de brut, 90 millions de dollars. Mais à côté de ça, nous importons 500 000 tonnes de produits finis. Le marché sénégalais est calculé sur la base des prix des produits finis au niveau international.
Il y a quelques mois, la Senelec avait fait son marché en hydrocarbures pour l’approvisionnement de ses centrales et le marché avait été cassé par l’Agence de régulation des marchés publics. Que s’est-il passé ?
C’est très simple. En accord avec les partenaires en développement, nous avons décidé de lancer un appel d’offres. Mais le marché pétrolier a une spécificité qui n’est pas adaptée au Code des marchés. Nous voulions le faire dans la période de pricing de 10 jours, et nous avons lancé l’appel d’offres en donnant au lieu de 21 jours, 10 jours, parce qu’on ne voulait pas aller dans une autre période de pricing qui pouvait être à la hausse. L’Armp, ou la Dcmp, je crois, a dit que nous n’avons pas respecté les 21 jours puisque nous n’avons fait que 11 jours. Nous avons déposé l’appel d’offres dans toutes les ambassades, nous l’avons fait publier partout, mais Senelec n’avait donné que 11 jours et pour ne pas être sur l’autre période de pricing qui pouvait être plus chère. Et l’Armp a jugé qu’il fallait relancer l’appel d’offres, et nous avons dit à la Dcmp que c’étaient des questions de période de pricing. L’Armp n’a pas voulu comprendre parce qu’elle s’est limitée aux textes. Nous avions relancé l’appel d’offres et nous n’étions pas dans une bonne période de pricing. La Senelec a eu 4 ou 5 dollars plus cher parce qu’elle n’était pas dans la bonne période de pricing. L’appel d’offres a été accepté par la Dcmp et l’Armp, et nous avons signé le contrat.
lequotidien.sn