L’homosexualité serait provoquée par une interaction entre des facteurs génétiques et hormonaux dans l’embryon.
L’homosexualité est-elle innée ou acquise ? Cette question fait l’objet de vifs débats entre scientifiques et psychanalystes et anime encore certains forums de la communauté homosexuelle. Des chercheurs de l’Université de Liège pensent avoir tranché la question. L’homosexualité serait génétique et ne pourrait donc en aucun cas relever d’un choix ou d’une déviance psychologique, affirme le chercheur Jacques Balthazart à l’occasion de la parution de son livre Biologie de l’homosexualité. On naît homosexuel, on ne choisit pas de l’être.
« Une partie des facteurs de l’homosexualité est génétique, c’est la partie que l’on connaît le moins bien », a-t-il expliqué. « On a beaucoup plus de données sur la partie hormonale de ces facteurs. Il y a enfin une partie immunologique, une réaction immunitaire développée par la mère contre l’embryon de sexe mâle » qui affecterait les préférences sexuelles, soutient-il.
La thèse du caractère biologique de l’homosexualité n’est pas nouvelle. Elle a d’abord été élaborée aux Etats-Unis avant d’être exportée en Europe. Au terme d’une vaste étude, le professeur Jacques Balthazart synthétise dans cet ouvrage qui se veut grand public l’état actuel des recherches et de ses propres conclusions pour affirmer que la thèse de l’homosexualité innée est scientifiquement la plus plausible.
Dans un entretien accordé jeudi à la RTBF, il explique que l’homosexualité est provoquée par une interaction entre des facteurs génétiques et hormonaux dans l’embryon. Plusieurs études suggèrent en effet qu’un stress très important subi par la mère durant la grossesse pourrait déséquilibrer la machine hormonale de l’embryon et influencer durablement son orientation sexuelle, explique-t-il (écouter l’interview complète).
Selon ces études, les homosexuels auraient été exposés durant leur vie embryonnaire à des concentrations atypiques d’hormones, trop d’androgènes pour la femme et pas assez pour l’homme. « Chez l’animal, il est d’ailleurs possible de modifier expérimentalement les taux d’hormones auxquels sont exposés les embryons. Soit on peut rajouter, lors d’une phase précise du développement, de la testostérone dans les embryons femelles, soit on peut bloquer l’action de la testostérone dans les embryons mâles. Et à l’âge adulte on retrouvera des caractéristiques comportementales du sexe opposé bien que les structures morphologiques et génitales de l’animal n’aient pas été modifiées », explique la RTBF.
Plus étonnant, de telles modifications du comportement pourraient être provoquées artificiellement après la naissance. « En plus de ces effets lents bien connus, des changements rapides de la concentration en œstrogènes dans le cerveau sont suivis après quelques minutes seulement de modifications parallèles de l’expression du comportement sexuel chez la souris mâle », explique le Centre de neurobiologie cellulaire et moléculaire, qui se fait l’écho d’un article publié par l’équipe de Jacques Balthazart dans The Journal of Neuroscience.
LA LIGNE DU VATICAN
Selon Jacques Balthazart, cet ouvrage sur l’origine biologique de l’homosexualité est de nature à favoriser l’acceptation de l’homosexualité. « Si l’homosexualité n’est pas un vice ou une perversion, affirme-t-il, et quelque part même pas un choix, il n’y a aucune raison de persécuter les homosexuels ». Spécialiste en neuro-endocrinologie du comportement, le chercheur reconnaît vouloir s’attaquer aux thèses selon lesquelles l’homosexualité est due à des raisons psychanalytiques.
Le Vatican est sur cette ligne. « On ne naît pas homosexuel, mais on le devient. Pour différentes raisons, des questions d’éducation, parce qu’on n’a pas développé sa propre identité au cours de l’adolescence », a ainsi affirmé en décembre le cardinal Javier Lozano Barragan, ancien ministre de la santé du pape.
A travers son ouvrage, Jacques Balthazart veut s’adresser au grand public. « Il était temps de rééquilibrer la balance. En dépassant le conflit stupide inné/acquis ou nature/environnement. Car tout est interaction entre les deux. Sur une base scientifique, je voulais aussi démonter les croyances selon lesquelles l’homosexualité serait une maladie, une perversion, une déviance », soutient-il.
Pour certains bloggeurs homosexuels, ce livre est une heureuse nouvelle : « Il va de soi que ce livre bat totalement en brèche les propos pseudo-scientifiques du futur primat de Belgique qui appuye sa vision de l’homosexualité, une anormalité dans le développement de la personne, sur la théorie freudienne. Sa parution vient donc bien à point nommé ! » estime ainsi Gay Kosmopol, un site d’information sur les questions gay qui fait réagir plusieurs scientifiques à la thèse du professeur Balthazart.