La guerre en Syrie a fait plus de 360 000 morts, selon un nouveau bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Un chiffre macabre à un moment où Damas et son allié russe menacent de lancer une offensive contre Idleb. Cette province est contrôlée par une multitude de groupes rebelles et de jihadistes mais elle abrite également trois millions de civils. La Russie, l’Iran et la Turquie tentent de trouver une solution négociée, et de leur côté les pays occidentaux, impuissants, mettent en garde contre l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad.
Depuis la semaine dernière, on assiste à de nombreuses tractations internationales pour tenter d’éviter le bain de sang à Idleb. Mais les habitants de cette province du nord-ouest du pays se préparent déjà au pire. Ils redoutent une attaque chimique. Les images des civils Syriens suffoquant après avoir inhalé des gaz toxiques sont dans toutes les mémoires. Alors, pas question de subir sans agir. A Idlib, on s’organise comme on peut en fabricant des masques à gaz à l’aide de sacs plastique, de canettes de soda et de gobelets.
Ces masques, « Ca ne sert à rien »
Les habitants font avec les moyens du bord. « Il a y une multitude de vidéos sur les réseaux sociaux qui expliquent comment fabriquer ces masques à gaz. Les gens mélangent du charbon de bois, du sable, du sodium avec du coton, ensuite ils mettent tout ça dans des sacs plastique et ça fait un filtre », raconte Fadi Al Maari, militant de l’opposition syrienne à Idleb. « Mais honnêtement, ça ne sert à rien. Ces masques ont déjà prouvé leur inefficacité lors de la précédente attaque chimique à Khan Cheikhoun ici dans la région d’Idleb. C’est assez sommaire comme procédé et ça ne protège pas contre le gaz sarin et le chlore utilisés par le régime de Bachar el-Assad », regrette le jeune homme, contacté via l’application WhatsApp.
Masque improvisé dans la région d’Idleb, le 3 septembre 2018.REUTERS/Khalil Ashawi/File Photo
A Idleb, l’offensive des forces syriennes n’a pas encore officiellement commencé mais il y a d’ores et déjà des bombardements. Cette semaine, les frappes aériennes très intenses ont été les plus importantes depuis des mois contre cette région où sont regroupés rebelles et djihadistes venus de toute la Syrie. « Idleb est une province qui a fait l’objet d’un accord de désescalade entre la Russie et la Turquie », rappelle Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po. « A chaque fois que le régime syrien reprenait une région, il transférait les milliers de combattants qui la contrôlaient et les civils qui y vivaient vers Idleb », ajoute le spécialiste de la Syrie.
Résultat, Idleb est une province surpeuplée et la situation y est complètement bloquée. La moindre action armée peut entrainer un désastre humanitaire. « Aujourd’hui, nous sommes face à une contradiction entre le régime d’Assad d’une part et la Turquie d’autre part. L’un veut s’emparer d’Idleb, l’autre veut éviter une catastrophe humanitaire et une vague de réfugiés à sa frontière. La Russie parait incapable de gérer cette contradiction. Donc, ce qui se profile peut-être, au-delà du scandale humanitaire à Idleb, c’est l’incapacité, l’impuissance de la Russie à gérer un conflit syrien, alors qu’on prétendait qu’elle en était devenue le grand chef d’orchestre », analyse le professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain.
Poursuite des tractations après l’échec du sommet de Téhéran
Il y a une semaine jour pour jour, la Russie, alliée de Damas a engagé des discussions avec les autres protagonistes du dossier syrien, les Iraniens, soutien du régime également et les Turcs, proches des rebelles. Réunis à Téhéran, ils ont tenté de trouver une solution à Idleb mais leur échec était prévisible. « On a l’impression que tout le monde s’est un peu piégé. Le régime Assad, du fait de sa propagande, prétend qu’il peut conquérir Idleb. La Russie, prétend qu’elle ne peut pas abandonner son allié, les Iraniens poussent à l’affrontement et les Turcs qui se croyaient engagés avec les Russes et les Iraniens dans un processus de désescalade, sont confrontés à une menace majeure qui est celle du transfert de centaines de milliers de réfugiés supplémentaires vers une Turquie qui en compte déjà plus de trois millions », relève Jean-Pierre Filiu.
La seule issue pour les civils syriens piégés à Idleb, serait de rejoindre la Turquie voisine. Mais Ankara rejette catégoriquement cette possibilité. Malgré son soutien aux groupes rebelles, sa frontière reste fermée. Alors en attendant, les Russes, les Turcs et les Iranien poursuivent leurs négociations. Ce vendredi à Idleb, la population prévoit quant à elle de manifester. Comme la semaine dernière, d’importants rassemblements sont prévus après la prière. Objectif : dénoncer cette offensive meurtrière qui les menace.
Rfi