Idrissa Seck est décidément impitoyable avec lui-même dans le registre de rappel des affaires financières louches dans lesquelles sa personne est impliquée. A chaque fois que l’opinion commence à les oublier, c’est lui-même qui se charge du rappel de ces scandales, par ses tentatives maladroites de justification, auto-blanchiment à grande eau. L’on comprend qu’il est dans une phase de rafistolage d’une image couturée par des faits récurrents.
Persiste dans l’opinion, cette affaire de Idy se faisant appeler John Steward pour gruger la Sonatel de plusieurs dizaines de millions de Fcfa, en se précipitant de réserver pour lui-même le nom de domaine internet de la société de téléphonie. Laquelle, après avoir refusé de payer à l’auteur de la manoeuvre la somme réclamée, parce qu’elle est indue, a fini par plier, et abouler le fric, en 2000, à l’arrivée du PDS et Idrissa Seck au pouvoir. Pour justifier l’encaissement de cette somme, au prix d’une telle entourloupe, le Directeur de cabinet de Wade dira : «J’ai utilisé cet argent au profit des étudiants de Thiès». Le même homme, quatre ans plus tard, en 2004, devant la représentation nationale, promettra de châtier Njublang (l’escroc) et faire droit à Googoorlu (le brave homme, dur au labeur)… Auto-flagellation, dites-vous ?
Une semaine après la sortie de sa directrice de campagne indiquant que le budget de son patron pour l’élection de 2012 s’élève à 7 milliards Fcfa, Idrissa Seck vient de réclamer à Macky Sall la justification de sept autres milliards, ceux dits de Taïwan. Il est vrai que cette affaire des 15 millions de dollars de Taïwan a été découverte après le limogeage de Seck du gouvernement et les accusations de prévarication portées contre lui par Abdoulaye Wade autour des chantiers de Thiès.
Le maire de Thiès, croisé de l’opposition radicale à Wade sur le tard, se découvre une nouvelle fonction de procureur. Lorsqu’en marge de l’inauguration d’une usine en 2010, il se définissait à Thiès comme un œuf, Wade étant, pour lui, la poule, il ne se rappelait pas avoir vu et entendu «Macky Sall à la télévision, dire que l’argent que le président de la République avait reçu d’un soi-disant ami, c’est lui le Premier ministre qui l’avait distribué». C’est maintenant que le souvenir le rattrape.
L’ancien Premier ministre demande donc à son remplaçant au poste d’expliquer, à nouveau, la destination de cet argent, puisqu’il rappelle lui-même que l’intéressé l’a déjà fait, à la télévision qui plus est. Puisqu’il se souvient de cet élément à la télévision, il devrait aussi se rappeler les termes de l’explication : l’argent remis par Wade au gouvernement a été déposé dans un compte ouvert dans une banque de la place, sur autorisation du ministre du Budget. Les ministres qui ont présenté des projets financés à partir de ce compte siègent encore au gouvernement, même si certains ont fait des allers et retours depuis lors…La destination de cet argent est donc claire, de notoriété publique. Ce qu’il faudrait demander avec pertinence, c’est sa provenance, les motivations de son octroi par Taïwan.
Nous suggérons plus, et mieux : que l’Assemblée nationale interroge Macky Sall sur la destination de cet argent. Et, si le temps le permet à la représentation nationale, qu’elle se penche aussi sur les autres dossiers, ces trop nombreux scandales financiers dont le Sénégal a tant pâti ces dernières années…
Quand, par une phrase restée célèbre, Abdoulaye Wade a expliqué la reconnaissance de la Chine par le fait que «les Etats n’ont pas d’amis mais seulement des intérêts», Taïwan a rompu ses relations avec le Sénégal, des relations basées surtout sur l’argent. Chen Shu Bian, le président de l’époque, sera par la suite reconnu coupable de malversations financières et envoyé en prison. Dans le tumulte des révélations, surgira la demande des nouvelles autorités à propos de ce don de 15 millions de dollars au Sénégal.
Wade s’empresse de déclarer en conseil des ministres qu’il avait en sa possession une somme de 15 millions de dollars offerts par «des amis». Avec cette précision saugrenue : de quinze, la somme serait passée quatorze, parce qu’un intermédiaire avait été intéressé pour un million de dollars. Un intermédiaire pour un don ? Toujours est-il que l’on identifiera plus tard ce fameux intermédiaire comme étant Pierre Aïm, le sulfureux ami de Wade …
Quinze millions de dollars, soit sept milliards Fcfa! Comme le montant du budget de campagne d’Idrissa Seck, pour 2012… ce montant avancé par sa directrice de campagne, et relativisé seulement par le candidat. Sept milliards ! L’on a déjà entendu parler d’une telle somme, puisque le fameux protocole de Rebeuss fixait le prix de la libération du prisonnier à un engagement à financer la campagne d’Abdoulaye Wade en 2007 à hauteur de cette somme…Coïncidence que tout cela ?
De sa propre bouche, sans contrainte aucune, Idrissa Seck a fait des déclarations le mettant en scène, et restées dans les mémoires des Sénégalais. «Nos soucis d’argent sont derrière nous» ; «Dans les films, l’épilogue de l’histoire entre les brigands, c’est toujours le moment du partage de butin» ; «Je suis devenu riche» ; «J’ai volé de l’argent pour en redistribuer»…
Abdoulaye Diouf DIAGNE, rue de Doudeauville, Paris 18 ème, France
Idrissa Seck et l’argent: de l’art de se tirer une balle dans le pied
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