Avec la crise qui oppose le Sénégal à la Gambie, suite au blocus de la frontière par les transporteurs sénégalais, plusieurs personnalités sénégalaises, pourtant très loin du monde des relations internationales, élèvent leur voix pour offrir leur médiation aux deux chefs d’État, Macky Sall et Yaya Jammeh. Dernière en date, Abdoulaye Baldé dont le convoi a été éconduit à la frontière sénégalaise et son ancien collègue au gouvernement sous le régime de Me Wade, en l’occurrence Souleymane Ndéné Ndiaye. Face à cette situation, la rédaction de Sud a interpellé des acteurs politiques sur la conséquence de cette immixtion de ces non-initiés dans le monde de la diplomatie. Abdou Mbow, vice-président de l’Assemblée nationale et porte-parole adjoint de l’Apr, répondant par la même occasion au maire de Ziguinchor, rappelle que personne n’a le droit de parler au nom d’un pays s’il n’est pas l’émissaire du président de la République. Allant dans le même sens, Abdoulaye Seck, administrateur de la Convergence démocratique Bokk Gis Gis invite pour sa part l’État à mettre de l’ordre dans la gestion de certains dossiers. Car, selon lui, on voit même des jet-setteurs, des footballeurs et autres stars, parler au nom de l’État…
ABDOU MBOW, VICE-PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET PORTE-PAROLE ADJOINT DE L’APR : «Aucune personnalité, fût-il maire de commune ou ancien ministre d’État, n’a le droit de parler au nom d’un pays…»
J’ai été très déçu du comportement d’Abdoulaye Baldé d’autant plus qu’il a occupé de très hautes fonctions dans ce pays. Je pense qu’il doit comprendre et connaitre les relations entre les États. La diplomatie est du domaine exclusif du président de la République. Aucune autre personnalité, fût-il un maire de commune ou un ancien ministre d’État, n’a le droit de parler au nom d’un pays s’il n’est pas l’émissaire de son Excellence, le président de la République. Maintenant, quand des questions comme ça se posent, les gens doivent être des patriotes, des personnes responsables, des personnes soucieuses de l’intérêt national. Ils ne doivent pas pas profiter de ces questions pour politiser les relations entre la Gambie et le Sénégal, faire des déclarations qui n’ont aucun sens. Aujourd’hui, l’État du Sénégal, à travers le président de la République, est en train de gérer cette crise avec responsabilité. On n’a pas vu ni entendu le président de la République, encore moins le ministre des Affaires étrangères, se prononcer sur la question dans la place publique. Tout simplement parce que le Sénégal n’a pas une diplomatie polémique mais une diplomatie qu’il gère avec tous les États de manière responsable.
Le président de la République du Sénégal s’est rendu trois fois en Gambie depuis 2012, on n’a jamais vu le président gambien ici, au Sénégal. Donc, le Sénégal a tout fait pour normaliser ses relations avec la Gambie. Mieux, suite à cette crise au niveau de la frontière, le Sénégal a invité les autorités gambiennes sous leurs sollicitations à des négociations. Mais, c’est le gouvernement gambien qui a décidé de reporter cette rencontre qui, pourtant, devait se tenir le 31 mars et le 1er avril de cette année. Et, jusqu’au moment où je vous parle, le gouvernement sénégalais est toujours à l’attente et gère cette question avec responsabilité. Maintenant, j’invite les responsables politiques à être soucieux de l’intérêt national au lieu de politiser cette affaire.
ABDOULAYE SECK, ADMINISTRATEUR DE LA CONVERGENCE DÉMOCRATIQUE BOKK GIS GIS : «On voit même des jet-setteurs, des footballeurs, des stars, parler au nom de l’État…»
Les relations entre les pays doivent être gérées dans la plus grande discrétion. Mais ce qui se passe, c’est qu’au Sénégal, on a tendance à traiter toutes les questions de façon très informelle. Je dirai même que l’informel est en train de prendre le dessus sur le formel comme on le constate actuellement avec cette crise au niveau de la frontière entre le Sénégal et la Gambie où on voit n’importe qui se proposer médiateur entre le Sénégal et la Gambie. Ceci n’est pas sérieux, je pense que des négociations entre des pays ne doivent pas être confiées à n’importe qui. Les relations internationales sont un domaine très délicat dévolu aux diplomates de carrière et chevronnés. C’est à eux que doivent revenir la charge de mener des négociations entre les pays afin d’éviter des problèmes liés à l’utilisation des mots qui peuvent être sources d’interprétations et des réflexions imprécises ou encore des prises de position différentes de celles officielles.
Je crois qu’on devait éviter la banalisation de nos institutions. Il faut qu’on mette de l’ordre dans la gestion de certains dossiers de l’État. Si je prends le cas de la crise casamançaise, on voit une prolifération d’intervenants qui font tout pour qu’il n’y ait de paix parce que tout simplement, ils n’ont pas les mêmes intérêts avec l’État. Aujourd’hui, c’est exactement ce que nous voyons avec cette crise au niveau de la frontière avec la Gambie. Beaucoup de personnes se proposent médiateurs comme le footballeur El hadj Diouf. Je me demande ce qu’il connait dans les relations entre des pays ? Quelle expérience diplomatique, politique et institutionnelle dispose-t-il pour se permettre de jouer aux médiateurs dans cette crise ? Il faut que l’État arrête ces gens-là aussi. Car ce qui se passe actuellement est extrêmement grave. Il suffit qu’il y ait un petit problème pour qu’on voit tout le monde se proposer comme médiateur. On voit même des jet-setteurs, des footballeurs, des stars qui parlent au nom de l’État sans que personne ne dise rien même si on sait que toutes les erreurs que commettront ces gens-là seront mises sur le compte de l’État du Sénégal. Je pense qu’il est temps qu’on mette de l’ordre dans la gestion de cette affaire. L’État doit également ouvrir des négociations sincères car le Sénégal et la Gambie constitue un même peuple.
ABDOUL MBAYE, ANCIEN PREMIER MINISTRE SUR LA CRISE SÉNÉGAL-GAMBIE : «Il faut négocier»
La prise de décision unilatérale n’est jamais une bonne chose surtout que les deux nations doivent se considérer comme des sœurs. Les deux peuples sont les mêmes. Il n’est jamais trop tard. Il faut négocier. La vraie solution est évidemment la réalisation de ce pont. Là également, il faut que de part et d’autre qu’il y ait une franche volonté d’aller vers la réalisation de ce projet.
Sud Quotidien