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INONDATIONS DANS LA BANLIEUE Voyage dans l’enfer de Guinaw rails- Nord

Date:

Marème Badio

Dans les rues de ce quartier où les eaux de pluie ont fini de s’imposer en maître des lieux, c’est la désolation. En ce mois béni de ramadan, les femmes préparent le repas sur leur lit, mieux sur des briques superposées alors que les eaux des fosses, mélangées à celles de la pluie embaument l’atmosphère. C’est dans ce décor digne d’un autre âge que vivent les populations de Guinaw rails – Nord qui disent ne jamais recevoir d’aides et pire encore, elles n’ont pas être recensées pour le plan Jaxaay.

Dans les rues presque impraticables de Guinaw Rails Nord, un groupe d’enfants dont le plus âgé doit avoir douze ans, à la vue du ciel qui s’assombrit de plus en plus, forment un cercle et tendent les bras vers le ciel. Ceci, pour implorer le Tout Puissant de ne pas ouvrir ses vannes dans leur quartier. « C’est parce que notre quartier est constamment sous les eaux que nous n faisons ses prières ». En effet, il suffit d’une seule petite pluie pour que tout le quartier soit dans les eaux. Un tour dans les rues montre l’ampleur des dégâts. Les rues sont impraticables, car elles sont toutes sous les eaux. Certains pères de famille n’hésitent pas à payer un camion de sable pour remblayer leur maison. C’est le cas du vieux Ibrahima Guèye Walo-Walo, 76 ans qui a payé le camion de sable à 45000 francs. Selon lui il fait ceci pour ne pas quitter sa maison car, « dès que vous quittez ce sont les voisins qui en feront un dépotoir d’ordures » ajoute son épouse, Amy Thiam. Une situation qui ne laisse personne indifférente même les enfants.

L’eau source de malheur ?

Les dernières pluies enregistrées ont plongé ce quartier dans le désarroi total. Les populations ont les pieds dans l’eau. Elles n’ont que leurs yeux pour constater les dégâts. Celles qui ont la possibilité de partir vers d’autres cieux le font par contre « la plupart n’ont pas les moyens de se payer ce luxe » explique le Maire Ndiaga Seck. Mame Diarra Sow vit avec ses cinq bouts de bois Dieu dont une fille enceinte de quelques mois, ajoute : « faute de moyens mes enfants et moi ainsi que ma belle sœur eu son mari qui se trouve être mon jeune frère sommes restés dans une maison remplie d’eau de pluie ». Elle se demande même si l’eau n’est pas devenue source de malheur dans leur quartier car, selon elle, toute leur famille s’est disloquée à cause des eaux car, ceux qui ont de quoi se payer une chambre sont partis avec leur famille. Sa belle sœur, Tacko renchérit que pour préparer le « Ndogou » en cette période de ramadan « nous sommes obligées de mettre le gaz sur le lit faute de quoi nous ne mangeront pas le soir ». Le même décor s’offre à nous chez Abdou Aziz Ndour. Il explique que son épouse fait la cuisine sur des briques superposées quant aux enfants, ils ne sortent plus car les laisser dans les eaux est signe de suicide « parce qu’il n’y a aucune sécurité avec cette eau mélangée aux fosses sceptiques ». Oui la sécurité est rare dans cet endroit où les populations souffrent de maladies dermiques et diarrhéiques.

Beaucoup de propriétaires ont quitté leur maison pour aller vers des sites plus cléments. Les maisons récupérables sont en location et ce sont des gens de nationalité étrangère qui y habitent. Certaines sont en nette dégradation et les propriétaires ne sont intéressés que par le gain. C’est l’avis de cette gamine de onze ans, Rabi Bâ qui explique « le propriétaire de notre maison sait tout ce qui s’y passe surtout la fosse qui coule mais il ne vient qu’à la fin du mois pour récupérer son argent ». La désolation se lit sur le regard de cette petite qui a à coté d’elle son jeune frère dont le corps est plein de bouton. Il s’appelle Sara Bâ, il a 08 ans. Selon lui, « tous ces boutons sur mon corps sont dûs aux eaux de pluie que je suis obligé de faire évacuer comme tout le monde ».

Le repas préparé à même le lit

En effet, dans cette maison se trouvent deux bâtiments mais celui qui se trouve à l’entrée est presque perdu dans les eaux devenues verdâtres à cause de leur durée. Mame Diarra révèle qu’ils ont duré dans les eaux de pluie. « Nous sommes dans les eaux depuis plus de cinq ans maintenant. Les fortes précipitations de 2005 nous ont trouvées ici et depuis lors c’est la même situation ».

Autre maison autre décor. Dans celle d’Amadou Ndiaye, l’eau a atteint plus d’un demi-mètre de hauteur. Ici tout le monde patauge. Elle est de couleur marron, elle pue « à cause de la fosse qui s’est elle aussi noyée dans l’eau » argumente le patron des lieux. De la véranda où il se trouve pour nous parler, l’eau est visible. Les enfants sont parqués dans une chambre. Ils jouent sans se soucier des difficultés de leur pater. Amadou Ndiaye qui a fait trente ans dans le quartier confie : « voilà six ans que je vis avec ma famille dans les eaux ». Il dit ne pas pouvoir quitter sa maison parce que les moyens ne suivent pas. Toujours le même argument. « La pauvreté est totale dans ce quartier »indique une jeune fille.

Plan Jaxay dévoyé ?

Pourtant, le Gouvernement avait en son temps mis sur pied le plan Jaxay pour le recasement des sinistrés de la banlieue. Amadou Ndiaye comme la dame Mame Diarra sont formels « nous n’avons jamais reçus d’aides de la part des autorités encore moins une promesse pour Jaxay alors que nous faisons partie des premiers inondés de la banlieue ». Les aides ne manquent de rentrer dans ce quartier qui a vu grandir un ministre de la République en la personne d’Aminata Lô car l’année dernière elle avait emmené des motopompes « mais cette année, les gens attendent un geste de sa part » indique notre guide Adama Ndiaye.

Selon Tacko Sow, les recensements ne manquent pas dans le quartier mais « nous n’avons jamais entendu parler de déplacement vers Jaxay ». Mame Diarra coupe sa belle sœur pour dire : « nous préférons rester ici que de partir. L’Etat n’a qu’à trouver les moyens de nous sortir des eaux parce qu’il en a les moyens et la possibilité ». Même son de cloche chez Amadou Ndiaye qui trouve que son quartier est récupérable. Ainsi insiste t-il qu’ « il suffit d’un peu de volonté de la part des autorités pour y arriver »

Dans la rue où se trouve la maison des Sow et qui mène vers la route des Niayes, est creusé un canal de fortune pour l’évacuation des eaux avec l’aide des Sapeurs Pompiers qui sont sur les lieux depuis moins d’une semaine. Le maire de la commune d’arrondissement de Guinaw Rails nord, Ndiaga Seck, estime que ce canal est construit du fait de la forte agglomération d’eau que seul le peut faire évacuer vers la station de pompage de Thiaroye, le seul déversoir.

Malgré tout, les activités marchent

Dans ce quartier où les jeunes se sont constitués en bouclier contre les eaux, ce sont les pompes qui manquent. « Ceci sape tout le travail » se désole Adama Ndiaye impuissant devant l’ampleur des dégâts. En effet, les dégâts sont incalculables car il arrive que les populations se chamaillent pour le passage des eaux. « En début de Week end elles ont failli en venir aux mains et quelqu’un a même sorti son pistolet » révèle une jeune femme sous le couvert de l’anonymat.

Malgré les inondations, certains ne manquent pas de continuer leurs activités. Paul Mendy tient un bar clando cœur des zones inondées. Ici, toutes les maisons sont dans les eaux. Certaines sont abandonnées et laissées à la merci des ordures ménagères. Les roseaux ont poussé et dépassent largement les deux mètres. « Tout peut être dans ces eaux » a souligné Paul. Pourquoi il reste alors la réponse ne se fait pas attendre « certes il m’arrive d’avoir peur mais c’est la volonté qui me laisse ici sinon je serais parti avec ma famille qui vit depuis quelques temps à Pikine ». Quant aux clients les inondations n’ont pas calmé leurs ardeurs « ils viennent sauf que nous sommes au mois de ramadan » a-t-il ajouté.

http://www.africanglobalnews.info/

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