Le débat sur l’interdiction de la mendicité dans les rues fait rage. Après les mendiants et les handicapés, voilà que les chefs religieux s’invitent au débat. Et c’est pour crier haut et fort que cette mesure est loin de faire l’unanimité dans la capitale du mouridisme.
(Correspondance) – Touba désapprouve totalement la mesure du gouvernement sénégalais de ne plus voir de mendiants à travers les rues. Certains chefs religieux, qui donnent leur point de vue sur la question, parlent de décision impopulaire et non avenue mais surtout d’une volonté manifeste de résigner les mendiants à des souffrances quotidiennes. Pour ces marabouts, une telle mesure devait être relative et spécifiée selon les catégories de mendiants et minutieusement étudiée au préalable avant son application. ’Il ne s’agit pas de décider entre quatre murs l’interdiction de la mendicité hic et nunc. Les indigents peuvent mendier en toute liberté’, précise le porte-parole du khalife général des Baye Fall, Serigne Assane Fall. Pour lui, cette volonté du gouvernement du Sénégal, même si elle s’inscrit dans ses droits régaliens, n’en est pas pour autant salutaire et adaptée à nos réalités. ‘Le pouvoir d’interdire ou d’autoriser au sein de toute société relève des prérogatives du gouvernement, si tenté que ce dernier s’acquitte pleinement de ses devoirs à l’égard des citoyens’, rappelle le marabout Baye Fall.
En effet, évoque-t-il, si des impairs sont relevés dans ce domaine, les citoyens sont en droit de le revendiquer comme ce fut le cas avec cette opération de déguerpissement des mendiants. ’La mendicité est proscrite dans plusieurs pays musulmans, mais des mesures d’accompagnement devaient être en amont préconisées en conformité avec des vertus de l’Islam que sont, entre autres, l’entre aide, la tolérance’, fait-il remarquer. Pour le porte parole du khalife général des Baye Fall, l’Etat du Sénégal devait plutôt veiller sur la mise en application d’une bonne politique d’insertion des jeunes avant de s’attarder sur des décisions qui ne l’honorent point. Non sans s’indigner de la dilapidation des deniers publics par nos gouvernants, Serigne Assane Fall regrette que malgré leurs fortunes immenses, aucun membre du gouvernement ne fait un clin d’œil aux indigents.
Un point de vue qui recoupe celui du porte-parole de Serigne Abdou Bakhé Mbacké ’Baye Bakhé’. Ce dernier lit à travers cette mesure du gouvernement une forme de divertissement pour amener les Sénégalais à se passer des difficultés de la vie quotidienne. Serigne Sidy Mbacké s’offusque du manque d’appui aux Daara contrairement à l’école française qui reçoit annuellement des subventions conséquentes de la part du gouvernement. ‘Cela atteste de la volonté de l’Etat du Sénégal de mettre les bâtons dans les roues des maîtres coraniques qui s’entêtent dans la formation des talibés’, dira-t-il. Le courroux de ce petit-fils de Mame Cheikh Anta Mbacké est exacerbé par les ‘agissements, dit-il, inélégants de nos gouvernants qui prouvent à travers chaque acte posé leurs intentions de réduire au néant les actions hautement nobles des chefs religieux’.
Le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, séjournant dans la capitale du mouridisme, ne devrait manquer d’évoquer cette mesure d’interdiction de la mendicité dans la rue publique avec le guide Serigne Sidy Mokhtar Mbacké.
Abdoulaye Bamba SALL
WALF.SN
