Monde-Mensonges et Internet
Internet n’est pas seulement un outil de rencontres amoureuses. Le sexe sans sentiments y a également sa place. Si pléthore de sites pornographiques envahissent la Toile, les dérives font également partie du jeu et évidemment la difficulté est de trouver un cadre juridique adéquat. « Les pédophiles, ironise Chloé des Lysses, ont déserté les chorales pour tapoter sur leur clavier ». Il faut distinguer les différents usages du Réseau, selon qu’on parle des sites X commerciaux ou amateurs, des newsgroups, des espaces d’échanges écrits (chats), des échanges d’images et, bien entendu, des sites de rencontres. Les sites de rencontres eux-mêmes tendent à se spécialiser pour mieux cibler leur clientèle. On propose souvent des tests psychologiques (notamment sur Parship) ou encore de trouver un partenaire par affinités : Ulteem, un service de Meetic, se vante d’être un « site de rencontres par affinités psychologiques ».
Pour un célibataire, s’inscrire sur un site de rencontres n’a plus rien de honteux ou de ridicule. Au contraire, on en parle, on incite ses amis à le faire, voire on raconte ses aventures, ainsi que le prouve le blog de Nick (JNSM ou jeniquecestmythique.free.fr) et de nombreux autres blogs qui reviennent sur des rencontres amoureuses réelle ou virtuelles. Pour autant, les choses ont-elles vraiment changé ? Pour Frédéric Ploton, « ce support et le mode de contact qu’il induit [les rapports textuels] ont réintroduit une façon assez désuète de considérer la séduction. En gros, les hommes proposent et les femmes disposent ».
« SUPERMARCHÉ » DE CÉLIBATAIRES
En moyenne, les femmes recevraient dix à vingt fois plus de messages que les hommes. Pas si sûr… Selon ses propres statistiques, Nick a été contacté par ses « souris » dans 71 % des cas ! Si l’on croit les nombreux témoignages et les chiffres avancés par les différents sites de rencontres, le virtuel, ça marche. On peut y rencontrer le grand amour comme l’histoire d’un soir. Frédéric Ploton s’inquiète, lui, de ce côté « supermarché » de célibataires.
Le risque, c’est une explosion de l’infidélité. Depuis son bureau ou son domicile, la « cyber-drague » est omniprésente et… discrète. « L’adultère relevait auparavant de l’artisanat. Les sites de rencontres l’ont industrialisé. Cela introduit un cynisme incroyable dans les couples : il est facile de draguer du bureau et de retrouver son conjoint le soir à la maison. Ensuite, cela ouvre droit à une souveraine impatience aux défauts du conjoint. Lors d’une difficulté passagère, au lieu de chercher à la surmonter, il est devenu simple de chercher ailleurs, de manière ludique, une autre histoire », expose Pascal Lardellier, auteur de Le Cœur Net. Célibat et amours sur le Web et Le Pouce et la Souris (Fayard)
Service après vente : le site Mona-libi.org va même jusqu’à proposer, à partir de 100 euros, l’organisation d’un alibi pour femme ou mari volage. Aux Etats-Unis, des sites comme Chatcheaters.com ou InfidelityCheck.org (contrôle de l’infidélité) proposent des produits de surveillance, permettant de remonter la piste des courriels de son conjoint ou des forums de discussion.
CYBER PROSTITUTION
La loi de sécurité intérieure de 2003 réprimant le racolage passif est difficilement applicable à la jungle du Réseau. Quelle limite entre certains sites de rencontres « coquins » et le racolage en ligne ? « Escort girl », « rencontres », les sites incriminés se dissimulent derrière diverses appellations et évitent toute connotation ayant un rapport avec le sexe dans leurs « offres de service ».
En décembre 2005, le New York Times revient sur l’histoire du jeune Justin Berry, victime de la cyber prostitution. Sur un chat, on lui propose face à sa webcam de retirer son T-shirt pour 50 dollars. Le début d’une descente aux enfers. Après plusieurs années de « prostitution virtuelle », ce sont plus de 1 500 personnes qui payaient pour voir les ébats amoureux, les scènes de masturbation et autres strip-teases du jeune homme. L’enquête du quotidien américain révèle que de très nombreux sites de ce type se sont créés sans pour autant attirer l’attention de la loi et de la protection de l’enfance. Quand le Times a repéré Justin, il se « prostituait » déjà depuis trois ans.
La rapidité est le lot de toutes les rencontres qui s’amorcent sur Internet. On y trouve ce qu’on veut y trouver. Les sites de rencontres amoureuses refusent d’être assimilés au sexe mais à l’inverse les sites pornographiques misent, eux, sur la rencontre. Le créneau est porteur.
Sylvie Chayette avec Eric Nunès