J’ai lu dans la presse de ce matin que 3 hommes sont morts après avoir consommé du lait caillé acheté à Malika. La Gendarmerie s’est saisie du dossier et la vendeuse du lait incriminé arrêtée. Tout semble indiquer qu’il s’agit d’une toxi-infection alimentaire collective (TIAC) suite à la consommation de lait caillé. Cependant, seules les analyses du produit incriminé et l’autopsie des disparus pourraient confirmer le soupçon porté sur le lait que les défunts avaient consommé.
Ce triste évènement tragique me donne l’occasion de rappeler que :
- Le lait caillé naturellement (caillage acide) ne me semble pas pouvoir être une source d’intoxication alimentaire aussi foudroyante que ce qui s’est passé à Thiaroye. Ce type de lait est très acide et les bactéries pathogènes qui pourraient s’y trouver intrinsèquement ou extrinsèquement sont soient tuées, soient inhibées. Le lait caillé par les bactéries lactiques est d’autant plus salubre qu’il a vieillit. Du lait trop caillé n’est peut être pas très bon car trop acide mais il est en général salubre. Le lait caillé acide se conserve à la température ambiante sans le moindre risque d’intoxiquer le consommateur.
- Le lait caillé enzymatiquement (caillage à la présure) est un lait non acide. Les bactéries pathogènes s’y développement facilement. Souvent dans les cérémonies familiales (baptême), le lait servi aux hôtes est caillé à la présure et régulièrement il y a des TIAC plus moins violentes. Le caillage du lait à la présure doit se faire dans des conditions d’hygiène strictes et le produit fini doit être conservé entre 0°C et 5°C. L’intoxication de Thiaroye pourrait être due à ce type de lait caillé. Le caillage enzymatique est instantané, le produit est doux et correspond au goût recherché par la plupart des consommateurs sénégalais. C’est un produit dangereux s’il est caillé dans de mauvaises conditions d’hygiène et mal conservé du point de vue de la température.
- Les vendeurs de produits alimentaires et leurs acheteurs utilisent souvent des emballages de récupération venant souvent de Mbeubeuss. Si un vendeur ou un consommateur utilise un emballage de récupération qui avait été utilisé pour un produit toxique, il peut y avoir intoxication foudroyante comme ce qui s’est passé à Thiaroye. La TIAC de Thiaroye pourrait être due à l’utilisation d’un emballage de récupération préalablement utilisé pour un produit toxique.
Les risques d’intoxication existent à chaque fois que l’on consomme une denrée alimentaire, quelque soit le lieu et le pays. C’est face à ce risque que l’OMS et la FAO ont créé en 1963 le Codex Alimentarius dont la mission est de veiller sur la sécurité sanitaire des aliments pour protéger les consommateurs de tous les pays mais aussi garantir que le commerce international des denrées alimentaires est loyal. Des normes sur la sécurité sanitaires sont éditées et révisées par le CA de façon consensuelle mais aussi à partir de données scientifiques.
Le Sénégal, à travers le Comité National du Codex Alimentarius (CNCA), est en train de prendre les mesures idoines pour prévenir et évaluer les risques de Toxi-Infections Alimentaires. Il est recommandé que les TIAC soient portées à la connaissance de qui de droit (gendarmerie, service national de l’hygiène, CNCA, autorités administratives, service de santé) pour que les autorités aient une base de données permettant la prise de mesures préventives et même répressives.
Le consommateur doit s’avoir qu’à chaque fois qu’il consomme un aliment, y compris les boissons, il prend le risque de mourir mais s’il ne mange pas il va mourir à coup sûr. La vigilance et la méfiance doivent être de rigueur à chaque fois que l’on achète un produit alimentaire de rue. Les emballages de récupérations doivent être interdits pour les produits alimentaires. J’invite les consommateurs à refuser d’acheter tous produits alimentaires dans un emballage de récupération.
Pr Demba SOW
Expert du CNCA du Sénégal