Surnommé le roi du sucre au Sénégal, via sa société CSS (Compagnie Sucrière Sénégalaise), implantée à Richard-Toll, aux portes du désert, Jean Claude Mimran a érigé la discrétion en règle de vie.
La cinquantaine dépassée, ce juif à la silhouette frêle réside en Suisse.
Son père, Jacques Mimran, riche exploitant de bois de Côte d’Ivoire et de Madagascar, avait raison de jeter son dévolu sur ces terres arides aux abords du fleuve Sénégal. Avec son flair des affaires, il se lance dans un projet d’implantation de canne à sucre, sur ce bout de terre perdu sur la boucle du lac de Guiers. Contre toute attente, la CSS devint rapidement la référence industrielle au Sénégal.
Fortune discrète d’un grand mécène
A la mort du père, en 1975, Jean-Claude Mimran porte sur ses épaules l’héritage de l’entreprise familiale. Il monte au front. Sans contrarier la ligne de conduite tracée par lepater. Richard-Toll commence de sortir de l’ornière. Electricité, eau et plans d’aménagements jaillissent autour des 8200 hectares des plantations de canne à sucre.
D’influents opérateurs économiques, importateurs de sucre, rêvent aujourd’hui de déboulonner l’empire sucrier, pour monopole abusif. Mais la conjoncture ne semble pas militer pour eux.
La cinquantaine dépassée, ce juif à la silhouette frêle, résidant en Suisse, a bâti un empire industriel. Fuyant les plateaux de télévision et les mondanités, l’homme a tissé sa toile : de l’agroalimentaire à l’immobilier, en passant par les banques et le transport maritime. On lui attribue une fortune estimée entre 850 et 1000 millions d’euros, en 2009.
Au Sénégal, le label Mimran fait toujours recette. Le groupe est le second employeur du pays, après l’Etat. Porté par les Grands Moulins de Dakar, qui ont ramené au groupe une dizaine de milliards de FCFA en 2008, la CSS (Compagnie Sucrière Sénégalaise), dotée d’un capital initial de 31 millions d’euros avec ses quelque 6000 salariés, ne pèse pas moins de 80 millions d’euros en chiffre d’affaires, ces dernières années. Ex-propriétaire de la CBAO (Compagnie bancaire ouest-africaine), le groupe Mimran a décidé, en 2008, de vendre ses parts au groupe marocain Attijari, devenu l’actionnaire majoritaire. En Côte d’Ivoire, le groupe est très présent, via sa filiale SOMETRA, domiciliée à Monaco. Aussi au Pays-Bas, via la holding Maxhill.
Le prix du sucre en question
D’influents opérateurs économiques, importateurs de sucre, rêvent aujourd’hui de déboulonner l’empire sucrier, pour monopole abusif. Mais la conjoncture (voire en page 2, l’article de Louis Amédée sur le cours du sucre à l’international) ne semble pas militer pour eux. En effet, soutient-on avec raison au sein de la CSS, le sucre vendu au Sénégal est désormais moins cher. Faux, rétorquent les importateurs, pour qui le sucre vendu au Sénégal coûte trois fois plus cher. Dame Ndiaye, président de l’Unacois, et Momar Ndao, de l’Association des consommateurs, seront certainement les derniers à croire à cette thèse du sucre sénégalais coûtant moins cher. Face aux contestations nourries par de récurrentes pénuries, l’Etat joue la prudence pour préserver cet important pourvoyeur d’emplois. Ce qui lui vaut des critiques de la part des importateurs. L’homme d’affaires Omar Seck, ex-Leader Price, qui s’y était essayé, a laissé des plumes et mis la clé sous le paillasson. <
PAR SOUMAILA AIDARA
Une menace nommée Ali Dangote et Gérard Senac
L’industriel n’est pas assez bien connecté au palais de Wade. Tout à l’opposé du couple présidentiel Senghor et Diouf, dont il était le bras financier. Il n’hésitait pas, alors, à casser la tirelire pour conforter l’assise politique de ces alliés officieux. Les campagnes présidentielles étaient son jeu favori. « Il marquait son territoire en poussant les pions » assène une source. Jean-Claude tenait en main les cartes du puzzle. Avec Wade, les cartes ont changé. Alors opposant politique, le chantre du sopisme avait fait de l’accessibilité des denrées de base son cheval de bataille. Son accession à la tête du pays corse sa position de théoricien de la politique libérale. Le sucre de Richard-Toll passe sous le laser Wadiste. Il devient à la fois la botte secrète et une arme pour le pouvoir.
Pour mériter la confiance présidentielle et amoindrir la foudre, Mimran lâche les filets. Sa banque, surliquide, est appelée à la rescousse pour renflouement budgétaire. Le gilet entre le pouvoir Wade et Mimran se dégonfle. Le groupe a mobilisé un investissement de 5 milliards de FCFA pour la création d’une usine de production d’éthanol, au nord du pays, inaugurée en grandes pompes par le chef de l’Etat. En clair, ni paix, ni guerre.
Certaines informations laissent supposer une possible concurrence avec Gérard Senac, patron de la filiale sénégalaise de Eiffage. Très actif dans les activités de la fondation Viviane Wade, ce dernier est loin du compte. Car, d’autres industriels encore plus puissants s’intéressent au marché sénégalais du sucre. C’est le cas du milliardaire nigérian Ali Dangote. Lequel a établi ses quartiers à Dakar et a promis d’investir des centaines milliards dans le pays. La guerre Dangote-Mimran aura-t-elle lieu un jour ? Chez les Mimran, on joue fair-play et on minimise l’enjeu. « Nous attendons de voir pour apprécier » commente un initié du business local.
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