La ressource des ressources c’est les ressources humaines et la jeunesse est la frange la plus importante de toutes les populations du monde. Elle se caractérise par le dynamisme, la vitalité, l’enthousiasme… C’est une étape charnière entre deux temps de faiblesse: l’enfance et la période adulte comme l’indique le Coran: « Allah, c’est Lui qui vous a créés faibles; puis après la faiblesse, Il vous donne la force; puis après la force, Il vous réduit à la faiblesse et à la vieillesse: Il crée ce qu’Il veut et c’est Lui l’Omniscient, l’Omnipotent. » (S. Ar-Ruum – Les Romains -, V. 54).
D’où la nécessité de l’encadrer, de l’orienter et de lui accorder une attention particulière. Il en est de l’avenir et du devenir de tous les peuples: « Dis-moi quelle jeunesse tu as, je te dirais quel peuple tu seras ».
De même le capital le plus précieux détenu par cette jeunesse ne se trouve ni dans les ressources minières, ni dans les ressources énergétiques encore moins dans les réserves bancaires mais se trouve singulièrement être, le temps. C’est pourquoi quand certains vouent un culte à la fortune au point de l’assimiler au temps, “time is money”, celui-ci doit revêtir plus d’importance aux yeux d’autres qui le prennent comme partie intégrante de la vie : « Time is life ». Le temps c’est la vie.
L’usage d’une pareille richesse comme de toute autre à nous gratifiée par Dieu fera l’objet d’un compte rendu détaillé. En effet, parmi les quatre premiers éléments devant être passés en revue le jour de la reddition des comptes, figure en bonne place le temps. Le Prophète PSL avertit : « Chaque serviteur, le jour du jugement dernier, qu’il soit destiné au paradis ou à l’enfer, sera interrogé sur ces quatre choses: sa vie, à quoi l’a-t-il passée; sa jeunesse en quoi l’a-t-il ruinée; son avoir, comment l’a-t-il acquis et en quoi l’a-t-il dépensé; son savoir, qu’en a-t-il fait ?»
Contrairement à une croyance largement répandue, la jeunesse ne peut pas se suffire de deux mamelles pour suivre une croissance normale. Il lui en faut trois. Ainsi la Nation doit se faire fort de l’allaiter à trois mamelles pour lui assurer à la fois un plein épanouissement physique, intellectuel et spirituel. La carence ou l’absence d’un de ses éléments a toujours un impact négatif sur son comportement et peut lui être fatal.
Moment décisif de la vie, il n’en est pas moins dangereux. Le dynamisme débordant de la jeunesse doit être exclusivement orienté vers le triptyque : éducation, formation et travail. A tous ces trois niveaux, la prise en compte des valeurs s’impose comme le moyen le plus sûr d’avoir un citoyen à même de répondre demain aux aspirations de son peuple.
C’est pourquoi la vigilance s’impose, à l’école, dans la rue, sur les media comme ailleurs. Franz Fanon avait tôt fait d’aviser: « Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » Entre les deux termes de cette alternative, il n’y a pas de choix possible… pour une jeunesse consciente. Cependant, elle a beau être volontariste, laissée à elle-même ou négligée, la jeunesse ne saurait faire face.
A cet effet, il convient d’apprécier à juste titre la décision prise par les autorités en charge de l’éducation d’éloigner les lutteurs de l’enceinte de l’école sénégalaise. La lutte qui se professionnalise davantage continue à bousculer les élèves dans l’espace scolaire. Dans le processus de substitution du système LMD Lutte Musique Danse au système Licence Master Doctorat, elle avait fini de faire sa promotion sur les cahiers et autres supports didactiques, et chaque écurie se faisait un point d’honneur de squatter une école à transformer en lieu d’entrainement. Y a-t-on besoin de fourbir ses biceps et bander des muscles pour se faire comprendre maintenant ?
C’est un truisme que d’insister là-dessus, l’école a pour vocation de façonner et d’aiguiser l’intellect afin de produire continuellement des sommités de l’étoffe de Cheikh Anta Diop et non des rois des arènes. Tout acte en contravention de cette décision serait contreproductif. S’ériger contre une pareille tendance ne signifie pas qu’on est contre la lutte, mais il ne faut pas mélanger des torchons et des serviettes.
La même vigilance doit être de mise par rapport aux autres sujets ayant trait à la jeunesse suivant un accompagnement des plus expérimentés, seul gage pour éviter les écueils; « Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait… ». Si toutefois cet accompagnement à tendance à omettre la spiritualité, les efforts fournis sur tous les autres plans peuvent être réduits à néant et les conséquences fâcheuses à tous égards.
Il n’est pas toujours aisé de combler un vide, en particulier s’il s’agit d’un vide spirituel pour de jeunes générations. Naguère ballotés entre deux camps de prédateurs, celui de fauves qui veulent en faire du bétail et des rapaces tendant à les transformer en jouet, pencher pour l’un ou l’autre bord reviendrait à tomber de charybde en scylla.
La vertu d’un berger est de bien garder le troupeau, mais si le berger lui-même est un loup qui peut empêcher les dégâts ? Hier comme aujourd’hui, la sécheresse de spiritualité qui sévit chez certains hommes élevés par leurs pairs à un certain niveau de responsabilité est à l’origine d’un manque à gagner incommensurable. Les auteurs de détournement, de concussion et de prévarication ne sont pas de jeunes demandeurs d’emploi. Faire suivre à un administrateur un séminaire d’une semaine à l’effet de le sensibiliser sur les effets néfastes de la corruption revient à poser un cautère sur une jambe de bois.
La question peut trouver une solution à coût zéro en inculquant au jeune et à bas âge toutes les acceptions possibles de la spiritualité. Alors, qu’il soit demain planton ou ministre, il saura fondre sa personne dans la patrie puisqu’ayant perçu très tôt en sa fonction un sacerdoce: « sauver ou périr ». Dans son discours inaugural J. F. Kennedy s’adressait ainsi à ses concitoyens qui venaient de faire de lui le 35e président des Etats-Unis : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ».
Vivre sa spiritualité n’est ni être fataliste ni être extrémiste mais assigne plutôt à vivre en harmonie avec soi, avec son entourage et avec son Maître. Dès lors toute forme d’attentisme est bannie mais aussi le zèle et l’excès sont autant proscrits. Dans un contexte où on est tenté d’entacher de sang la jellaba blanche et immaculée de l’Islam, musulmans et non musulmans ont intérêt à voir en profondeur le message du Prophète psl qui a condamné sans appel tout excès menant au terrorisme. L’Islam recommande en tout et partout la modération et le juste milieu: « Malheur aux extrémistes, malheur aux extrémistes, malheur aux extrémistes» (hadith).
Une appréhension exacte de la spiritualité aiderait les jeunes à trouver les éléments de réponse les plus adéquats aux questions cruciales qui interpellent leur vécu quotidien: chômage, déviance, violence…
Qu’est-ce qui peut amener la force vitale de la nation à se jeter dans des pirogues de fortune, convaincue qu’il faut partir vaille que vaille ? Quand le désespoir total arpente les dunes du désert spirituel, chaque motte de terre est une aubaine à saisir pour transiter vers l’au-delà: « Barça ou Barzaq ». Que non !« Celui qui pense qu’Allah ne le secourra pas dans l’ici-bas et dans l’au-delà qu’il tende une corde jusqu’au ciel, puis qu’il la coupe, et qu’il voie si sa ruse va faire disparaître ce qui l’enrage. (S. Al-Hajj – Le Pélerinage -, V. 15).
C’est une impérieuse nécessité que d’assister les jeunes et les hommes de tout bord à se soustraire des vicissitudes de la vie quotidienne pouvant conduire à la drogue, à l’alcool et à leurs corollaires la débauche et la violence. Le suicide ou phénomène des temps nouveaux, l’immolation par le feu, la récurrence des homicides doivent faire réfléchir davantage pour comprendre qu’est-ce qui fait défaut dans le ciment ou le moule de l’homo senegalensis des années 2000 et qui l’expose à autant de fébrilité ?
La vie est une richesse plus que précieuse, elle est revêtue de sacralité. Nul n’a le droit de l’ôter à autrui sans raison valable ou de se la priver quel qu’en soit la raison.
A travers le Coran s’offrent à nous des exemples de jeunes dont la spiritualité à permis de faire face aux différents obstacles qui se sont dressés sur leur chemin.
Les gens de la caverne n’ont-ils pas voulu s’exiler au prix de leur vie juste pour préserver leur foi ? Dieu dit: « Nous allons te raconter leur récit en toute vérité. C’étaient des jeunes gens qui croyaient en leur Seigneur et que Nous avions fortifiés dans la bonne voie. Nous avions raffermi leurs cœurs lorsqu’ils s’étaient levés pour proclamer : «Notre Dieu est le Seigneur des Cieux et de la Terre ! Jamais nous n’invoquerons une autre divinité que Lui, sans quoi nous commettrions la pire des iniquités ! Ces gens-là, qui sont des nôtres, ont adopté des divinités en dehors de Dieu. Si seulement ils pouvaient justifier ce culte par une preuve évidente ! Qui donc est plus injuste que celui qui invente des mensonges contre Dieu?»
«Maintenant, se dirent-ils, que vous les avez fuis, eux et ce qu’ils adorent en dehors de Dieu, réfugiez-vous dans la caverne. Dieu étendra sur vous les effets de Sa miséricorde et apportera une amélioration à votre sort.» (S. Al-Kahf – La Caverne -, VV. 13 à 16).
Quand il s’agissait de prendre sa vie à Ismail en guise d’offrande, Ibrahim son père s’en ouvrit à lui; sa réponse fut sans équivoque : « Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, [Abraham] dit: «Ô mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler. Vois donc ce que tu en penses». (Ismaël) dit: «Ô mon cher père, fais ce qui t’es commandé: tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants». (S. As-Saaffaat – Les Rangés -, V. 102).
Que dire de l’élégance dont a fait montre Yussuf pour ne point céder face aux avances de la reine prête à tout sacrifier pour le conquérir? : « Or, celle qui l’avait reçu chez elle tenta de le séduire et, fermant toutes les portes, elle lui dit : «Viens ! Je suis à toi !» – «Dieu m’en préserve !, s’exclama Joseph. Je ne peux trahir mon maître qui m’a traité avec générosité, car les traîtres ne peuvent jamais prospérer.» (S. Yussuf – Joseph -, V. 23).
La pureté et la tendresse de Yahya sont mises en relief parce qu’il était à cheval sur les enseignements de son livre : «Ô Ya?ya, tiens fermement au Livre (la Thora)!» Nous lui donnâmes la sagesse alors qu’il était enfant, ainsi que la tendresse de Notre part et la pureté. Il était pieux, et dévoué envers ses père et mère; et ne fut ni violent ni désobéissant. » (S. Maryam – Marie -, VV. 12 à 14).
Ibn Abass va plus loin pour dire que « Tous les prophètes ont été envoyés jeunes, et que tous les hommes de science ont reçu leur science, jeunes » ; en s’appuyant sur le verset : « (Certains) dirent: «Nous avons entendu un jeune homme médire d’elles; il s’appelle Abraham ». (S. Al-Anbiyaa – Les Prophètes -, V. 60).
Cependant la spiritualité n’a jamais été un facteur de blocage de la production ou un prétexte pour se détourner de la vie.
Certains parmi les congénères de Qaaruun qui ne pouvaient se laisser éblouir par les dérives et l’étalage de richesse de ce dernier, conscients qu’il pouvait franchir le rubicond, vinrent le voir pour lui tenir des propos dont la moralité traverse les époques: « En vérité, Coré [Qaaruun] était du peuple de Moïse mais il était empli de violence envers eux. Nous lui avions donné des trésors dont les clefs pesaient lourd à toute une bande de gens forts. Son peuple lui dit: «Ne te réjouis point. Car Allah n’aime pas les arrogants. Et recherche à travers ce qu’Allah t’a donné, la Demeure dernière. Et n’oublie pas ta part en cette vie. Et sois bienfaisant comme Allah a été bienfaisant envers toi. Et ne recherche pas la corruption sur terre. Car Allah n’aime point les corrupteurs». (S. Al-Qassas – Les Récits -, VV. 76-77).
En vue de développer l’entreprise familiale, l’une des filles du prophète Shuayb, jeta son dévolu sur Moise. Elle anticipa sur les clauses et convainc son père à lui soumettre un contrat de travail: « L’une d’elles dit: «Ô mon père, engage-le [à ton service] moyennant salaire, car le meilleur à engager c’est celui qui est fort et digne de confiance». (S. Al-Qassas -w Les Récits -, V. 26).
Enfin, plein d’ambition pour son pays, le jeune Yussuf sorti de la prison pour le palais proposa modestement ses services au roi. Sa compétence et sa moralité qui ne souffraient l’ombre d’aucun doute, le prédestinaient déjà à un ministère des plus stratégiques, celui des finances; l’Egypte devant impérativement faire face à des années de disette. «Qu’on me l’amène, dit le roi. Je veux l’attacher à ma personne !» Et après s’être entretenu avec lui, le roi lui dit : « À partir de maintenant, je t’accorde un poste d’autorité et t’investis de ma confiance !» – «Confie-moi, dit Joseph, l’intendance des dépôts du pays, j’en serai le gardien vigilant.» (S. Yussuf- Joseph-, VV. 54-55).
Cet enseignement du Coran n’aurait-il pas été à la base du célèbre slogan de Barack Obama (Yes we can!) qui fera finalement de lui l’un des plus jeunes présidents élus de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique?
Ce sont-là quelques notions de la spiritualité telle qu’elle devrait être incarnée par une jeunesse consciente, une spiritualité qui n’a rien de théorique mais orientée vers une action de plus en plus positive.
Une telle perception de la spiritualité chez les jeunes permettra d’avoir demain des hommes, « Des hommes que ni le négoce, ni le troc ne distraient de l’invocation d’Allah, de l’accomplissement de la ?al?t et de l’acquittement de la Zak?t, et qui redoutent un Jour où les cœurs seront bouleversés ainsi que les regards. » (S. An-Nuur – La Lumière – V. 37).
Elle permettra d’avoir demain des hommes, des hommes à même d’intégrer le cercle des croyants définis dans le verset: « Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah. Certains d’entre eux ont atteint leur fin, et d’autres attendent encore; et ils n’ont varié aucunement (dans leur engagement) » (S. Al-Ahzab – Les Coalisés – V. 23).
Elle permettra enfin d’avoir demain des hommes, des hommes dont l’inclination vers la perfection sera formellement attestée par Dieu: « On y trouve des hommes qui aiment bien se purifier, et Allah aime ceux qui se purifient. » (S. At-Tawbat – Le Désaveu – V. 108).
Osons espérer que les jeunes, moins jeunes et personnes de tout âge trouveront en ces quelques lignes des ressorts pour asseoir davantage leur spiritualité; une spiritualité devant leur permettre de se réconcilier avec leur personne, de vivre en harmonie avec leur entourage et de s’ouvrir convenablement à tous les horizons.
Pourvu que cette frange importante de la population ciblée s’y retrouve pour une meilleure appréhension désormais des missions et responsabilités qui reposent sur ses frêles épaules. Bon Ramadan.
Mouhamed M. LOUM
Inspecteur du Travail et de la Sécurité sociale
Coordonnateur de ‘Les Partenaires du Coran’
(LPC) / THIES