Les arguments brandis par les autorités pour revenir à une «correctionnalisation» du trafic de drogue sont «légers», selon le président de l’Ong Jamra, l’imam Massamba Diop, qui promet de «sortir une déclaration dans les prochaines heures», sur la question. Lors d’une réunion tenue lundi dernier avec son homologue malien de la Justice, Cheikh Tidiane Sy a estimé que l’application de la loi Latif Guèye devait évoluer vers un retour à la «correctionnalisation», à cause des problèmes que pose son application.
«Nous sommes arrivés à la conclusion que ça ne peut pas tenir la route. Il faut savoir donc raison garder et revenir à la correctionnalisation. Mais ça n’altère en rien l’esprit de la loi qui réprime de manière très forte et sévère le trafic de drogue», a dit Cheikh Tidiane Sy.
«La loi qui avait criminalisé le trafic de drogue pose énormément de problèmes de surpopulation carcérale et de lenteur dans le traitement des procédures», a-t-il encore argumenté.
Les députés ont voté en 2007 la loi feu Latif Guèye criminalisant le trafic de la drogue. Cette loi plafonne à 20 ans de travaux forcés les peines à l’encontre des trafiquants de drogue, contre 10 auparavant.
Pour le président de l’Ong Jamra, Massamba Diop, «c’est trop léger comme argument».
«Nous sommes surpris simplement parce que ce ne sont pas des narcotrafiquants qui sont en train de tout faire pour abroger cette loi. Ce sont de hauts fonctionnaires de la Justice qui sont derrière cela», a-t-il dit à la Radio futurs médias (Rfm, privée), hier.
«Voilà pourquoi nous sommes scandalisés et nous trouvons cela immoral, inélégant et même amoral d’attendre que Latif ne soit plus de ce monde pour le poignarder dans sa tombe», s’est indigné Massamba Diop.
Le président de Jamra, qui a fait de la lutte contre la drogue son cheval de bataille, a annoncé avoir convoqué «une réunion express du bureau exécutif» de l’Ong.
«Et dans les prochaines heures, nous allons sortir une déclaration. Nous appelons tous les Sénégalais à se tenir debout et à rééditer un 23 juin (manifestations contre le ticket présidentiel) parce que ça ne peut pas passer, ce n’est pas possible», a dit M. Diop. Selon lui, «nous n’avons pas plus chère que notre progéniture».
Réagissant sur la Radio Futurs médias, le président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) a affirmé que l’application de cette loi pose «problème», avec des engorgements dans les cabinets d’instruction, dans le rôle de la Cour d’assises et dans les prisons.
«Nous avons eu à faire des constats fondés sur la pratique. Nous avons constaté depuis son adoption et son application que cette loi pose problème dans la mesure où l’on constate un engorgement dans les cabinets d’instruction», a dit El Hadj Abdoul Aziz Seck.
«Certaines infractions ayant été criminalisées, la saisine du juge d’instruction est devenue obligatoire (…) Les juges d’instruction sont de plus en plus saisis pour ces affaires-là», a-t-il expliqué.
Selon M. Seck, «un deuxième constat est lié à la surcharge du rôle de la Cour d’assises parce que ces personnes devant être jugées pour des faits qualifiés de crimes sont passibles donc de la Cour d’assises (…) Cela aboutit à engorger davantage le rôle de cette Cour d’assises».
Le président de l’Ums a relevé un troisième constat lié à l’engorgement des prisons car, a-t-il dit, «il y a beaucoup de gens qui attendent d’être jugés».
Avec Aps