DEUX LEADERS, UNE RELATION EN DENTS DE SCIE
Aucun chef d’Etat africain n’aurait certainement pu croire que le pouvoir de Mouammar Kadhafi aurait pu être secoué à tel point qu’on évoque de plus en plus son éventuel départ. Les dirigeants africains semblent même avoir perdu leur verbe depuis le début des manifestations en Lybie. Et le premier d’entre eux est sans nul doute Abdoulaye Wade qui garde le silence malgré les violences exercées sur le peuple libyen. C’est que les relations entre le président sénégalais et le guide libyen ont toujours été assez complexes.
Entre Abdoulaye Wade et Mouammar Kadhafi, c’est une très longue histoire. Mais les relations entre les deux hommes ont toujours évolué en dents de scie. Déjà du temps où il était dans l’opposition, l’actuel président de la République du Sénégal était considéré, à tort ou à raison, comme un protégé du guide libyen. On se souvient encore de cette affaire des fameuses armes libyennes, quand Wade était accusé de recevoir des armes de la Lybie pour renverser le pouvoir du Président Abdou Diouf. Mais l’affaire n’était pas allée plus loin que ça.
Après l’accession de Wade à la tête de l’Etat du Sénégal, il s’est très vite approché du guide libyen. Les deux hommes sont vite devenus les deux principaux animateurs du projet des Etats-Unis d’Afrique. Wade et Kadhafi se sont régulièrement fréquentés. Le guide libyen s’est même permis plusieurs séjours dans la capitale du Sénégal. D’ailleurs, lors d’une de ses visites, il avait prévu qu’il se rende à Touba. Une visite qui n’a pu se faire. Et pour cause ! Il avait été prêté à Kadhafi la volonté de diriger la prière à Touba comme il a eu à le faire à Tombouctou au Mali en présence de nombreux chefs d’Etats africains. Ce que les autorités de Touba n’auraient pas accepté.
Mais entre Kadhafi et Wade, on peut dire que la visite avortée de Touba n’était qu’un petit incident. Les Sénégalais se souviennent encore du discours fleuve que le guide libyen a tenu à l’Assemblée nationale au cours d’une de ses visites à Dakar à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance du Sénégal. Kadhafi s’était permis de demander aux parlementaires sénégalais de faire des amendements pour supprimer la loi interdisant la présidence à vie au Sénégal. Autrement dit, Kadhafi voulait que le Sénégal fasse de son « ami » Wade un président à vie. Autant dire alors que si Wade avait la même conception du pouvoir que son « ami » libyen, il va lui falloir revoir ses cartes. Puisque celui qui voulait faire de lui un président à vie, se rencontre aujourd’hui que son pouvoir ne tient qu’à un fil. Malgré la répression exercée sur son peuple.
Au cours de la même visite, le guide libyen avait aussi suggéré aux Sénégalais de porter plainte contre la France pour demander réparation pour les anciens combattants qui se sont battus pour libérer l’ancienne puissance coloniale.
Mais entre Wade et Kadhafi, c’est aussi les promesses qui n’ont jamais été tenues et dont certaines relèveraient presque du rêve. C’est notamment le cas quand Wade, revenant d’un voyage en Lybie, déclare que Mouammar Kadhafi lui a promis du pétrole qui devrait permettre au Sénégal de sortir définitivement de la crise énergétique. Des années sont passées, mais la question est toujours d’actualité. Et Kadhafi n’a jamais tenu sa promesse.
Mais il y a aussi et surtout la Tour Kadhafi que le guide libyen avait promis de construire à Dakar. D’un coût estimé à 120 milliards de francs Cfa, totalement mobilisés par le Guide libyen, à travers son institution de financement pour les projets extérieurs, la Libyan African Investments Company (Laico), la construction de la Tour était confiée à l’architecte Pierre Goudiaby Atepa (source : Le Quotidien). La première pierre avait été posée en 2006 par Wade et Kadhafi, lui-même. La construction devait durer trois ans. Mais jusqu’ici, les Dakarois n’ont pas encore vu cette Tour qui, selon le journal Le Quotidien, devait faire 60 niveaux. Les Sénégalais verront-ils un jour cette Tour Kadhafi ? Rien n’est moins sûr.
Quoi qu’il en soit, ces relations en dents de scie entre le président de la République du Sénégal et le guide libyen expliquent peut-être la prudence du Sénégal sur ce qui est en train de se passer en Lybie. Jusqu’ici, Abdoulaye Wade qui se veut un leader dans l’Union africaine tarde à condamner les violences exercées sur le peuple qui réclame le départ de son « ami » Kadhafi.
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