Alors que le président sortant est donné gagnant de la présidentielle au Kenya, le chef de file de l’opposition dénonce mercredi une fraude « massive » et fait le lien avec le meurtre d’un homme chargé de superviser le système électronique du vote.
Son corps, portant des traces de torture, avait été retrouvé en lisière d’une forêt des environs de Nairobi moins d’une semaine avant le scrutin présidentiel de mardi au Kenya. Le meurtre de Chris Msando, un haut responsable informatique de la Commission électorale kényane (IEBC), a été évoqué mercredi 9 août par le chef de file de l’opposition au Kenya, Raila Odinga, pour étayer ses accusations de fraude informatique « massive et généralisée », alors que le décompte encore partiel publié par la commission électorale attribue une nette avance (de près de 55 %) au président sortant Uhuru Kenyatta.
Chris Msando était chargé de superviser le système électronique d’identification des électeurs et de comptage des voix, considéré comme essentiel pour éviter un éventuel trucage du scrutin. Avant sa mort, Chris Msando était apparu à la télévision pour rassurer sur la fiabilité du système électronique. Celui-ci avait failli lors de l’élection de 2013, ce qui avait poussé l’opposition à contester devant la Cour suprême, en vain, la victoire dès le premier tour d’Uhuru Kenyatta à la présidentielle.
« Il a été torturé et assassiné »
Après l’identification de son corps à la morgue de Nairobi, le président de l’IEBC, Wafula Chebukati avait déclarait à la presse : « Il n’y a aucun doute : il a été torturé et assassiné. La seule question dans notre esprit est qui (l’a tué) et pourquoi a-t-il été tué quelques jours avant les élections? » Le président de l’IEBC avait demandé que la sécurité des membres de la Commission soit assurée, mais avait aussi relativisé la possibilité que des informations sensibles liées à l’élection aient été obtenues de Chris Msando. « Qui que ce soit qui l’ait torturé, je ne pense pas qu’il ait obtenu quelque chose », avait-il déclaré à la presse. « Nous avons des fournisseurs de service et, pour l’instant, aucun employé de la commission n’a les mots de passe, donc ne spéculons pas. »
Premières manifs de l’opposition à Kisumu, bastion de @RailaOdinga. #Kenya https://t.co/Rpnk6HorrX
— Bastien Renouil (@bastien_rnl) August 9, 2017
La semaine dernière, quelques dizaines de militants des droits de l’Homme avaient manifesté dans les rues de Nairobi pour dénoncer le meurtre, qui a entraîné des condamnations unanimes dans la communauté internationale. Dans un communiqué conjoint, les ambassadeurs des États-Unis et du Royaume-Uni s’étaient ainsi dits « gravement préoccupés » et avaient offert l’aide de leurs pays pour mener l’enquête. Dans la foulée, l’opposition avait réclamé que l’IEBC fasse appel à un expert étranger du Commonwealth ou de l’ONU pour garantir la fiabilité du système électronique.
Pour Raila Odinga, il y a bien eu piratage et la commission électorale n’a, par ailleurs, pas respecté l’obligation de fournir les formulaires de certification des résultats, signés par des observateurs des partis dans chaque bureau de vote. L’opposition juge ainsi particulièrement suspect que le score prêté à Kenyatta se soit maintenu à un niveau constant à mesure que le dépouillement se poursuivait. Tout en contestant les résultats mercredi, Raila Odinga a appelé ses partisans au calme. Mais il a aussi prévenu : « Je ne contrôle pas le peuple ».
Avec AFP et Reuters