« Ababakar Sy (rta) est notre père. Fût-il dans sa tombe, nous continuerons à le glorifier pour l’éternel », chante Al Maktoum. Glorification qui donne tout son sens à l’action de la communauté dédiée à la mémoire des gens de la caverne.
De l’Etoile de Médine (psl) au Sceau du Califat (rta), en passant par le Sceau de la Sainteté (rta), l’Anti-Sultan (rta) et l’Inconnu de la nation sénégalaise (rta), les hommages se succèdent, occasions pour le Tribun de Tivaouane de rendre à César ce qui appartient à César, et de dire ce que le mystique qu’il est doit à ses prédécesseurs, des hommes qui, bien que dans leurs tombeaux, demeurent à jamais dans le cœur de leurs inconditionnels.
Au 7e siècle, l’apôtre de Dieu (psl) annonçait, à la fin de sa vie, une vague de bouleversements (fitneu) en direction de la terre à l’image de météorites dont l’exercice consistant à les dévier serait peine perdue. Les gnostiques ont toujours posé la question à savoir si, en tant que dépositaire de la grâce du divin, Mahomet (psl) ne pouvait agir. En vérité, si l’envoyé de Dieu (psl) fait l’objet d’une révélation à l’élan de « Haute Science défiant et les évènements et les bouleversements qui les accompagnent « , il n’en demeure pas moins qu’il y’a des « façons assez prophétiques d’anticiper une moralisation des rapports entre humains. »
« Il arrive que les hostilités (fitneu) portent en elles-mêmes une grâce », confie Serigne Cheikh Ahmet Tidiane Sy. Serigne Moustapha Sy n’a-t-il pas fait allusion, en faisant référence à l’emprisonnement de Youssouf, à une légèreté dangereuse à laquelle fit face une pureté qui permit au prince d’Egypte de se tirer d’affaire ? « Même les deux guerres mondiales s’inscrivent dans cette logique, permettant à certains pays, à la fin des conflits (fitneu), de se réorganiser et de devenir ce qu’ils sont aujourd’hui », précise Al Maktoum. « L’essentiel, c’est que la prétention et le prestige sous toutes leurs formes nous rebutent, et ceci au profit de la sagesse « , rajoute Serigne Moustapha Sy.
Qui dit sagesse fait surtout référence à la parole, socle de toute initiative tendant à devenir un apporteur de bonnes nouvelles. « Le verbe est un peu comme une baguenaude à laquelle devrait s’adonner aussi bien celui qui sait se doter d’un sens de l’écoute quand il le faut que celui là qui sait faire preuve de délicatesse dans la parole », nous enseigne Cheikh Mouhamadoul Hafiz. Autrement, le silence ne serait-il pas plus adéquat ? Il est d’or, nous dit l’adage, tandis que le Général De Gaule considère qu’il renforce l’autorité. Et Al Maktoum de s’immiscer : « A la seule condition qu’il prépare l’individu aux exigences du dialogue ».
C’est le récit d’un Homme de Dieu qui ne sait que faire de son corps qui ne cesse de bafouer son âme, sa pensée de perturber son esprit et les connaissances livresques de se heurter à son savoir. Quoi de plus significatif pour montrer une autre forme d’hostilité, celle là même qui fait que l’on soit en conflit avec soi-même ? Si l’âme peine à donner son sens au sacré lors de l’accomplissement de gestes de piété, ne devrait-on pas recourir au ciel pour trouver une issue favorable ? Quant à la pensée tentant de prendre l’esprit en otage, elle a ceci de particulier, qu’elle met l’accent sur les perceptions et autres préjugés détournés de toute réflexion profonde. Enfin la dernière tracasserie (fitneu) rappelle la démarche de Herriot tendant à commenter les propos de l’Imam Chaa Fi i : « Mon savoir m’habite. Il s’installe confortablement dans un coin de ma mémoire. » Et Al Maktoum, avec la profondeur qu’on lui connaît, de rajouter : « Son savoir (xam xam) est plus proche de lui que sa bibliothèque (terei). «
« Ma monture ne me rend plus service, la nuit ne m’apaise plus, la trouvaille d’une parcelle pour habitat me rebute et l’occasion de coucher sur du papier les empreintes de ma mémoire se fait rare », se lamente un autre homme de Dieu. Une plainte qui, cette fois-ci, peint une situation qui porte atteinte au comportement social.
Face à cette vague de plaintes, le ciel réagit. Réaction que Serigne Cheikh Tidiane Sy résume en une formule très simple : « On ne franchit pas deux fois la porte du paradis « . A cela le guide des Moustarchidines rajoute : « l’accès au paradis ne peut pas ne pas faire l’objet d’un chemin parsemé d’embûches. » Par ailleurs, intégrer un cadre (Tariqa) pourrait permettre de bénéficier de la grâce d’un maître qui détient une lanterne qui puisse éclairer ce chemin. Ces clubs mystiques dans lesquels, selon Al Maktoum, se forment les athlètes de la religion. Qui dit athlète fait sans nul doute référence à des performances. Performances qui renvoient aux vertus qui font l’œuvre de Seydil Hadj Malick Sy (rta) ou de Cheikh Ahmadou Bamba (rta). Le disciple, c’est celui qui s’adonne corps et âme à l’incarnation de ces vertus héritées de son guide.
La prestation d’allégeance met en exergue un engagement du disciple à l’égard du créateur, en atteste le verset formulé pour qui souhaite s’adonner aux litanies, et se trouvant dans la Sourate La Victoire. Comme quoi, « un souffle divin » se doit d’être toujours maintenu, et ceci au nom de la sagesse de Cheikh Ahmad Tijany Cherif (rta).
Maam Cheikh
Chroniqueur (xalima)
cheikhahmad2@gmail. com