Deux images : la première est celle de Saddam Hussein, hagard, le visage hirsute, ouvrant sa bouche à l’inspection de la torche d’un Gi américain… la seconde est celle de Mouhamar Khadafi, la tenue de combat ensanglantée, extrait mourant d’une voiture qui venait d’essuyer un projectile mortel envoyé par un appareil volant de l’OTAN. En décembre 2003, c’était la fin peu glorieuse du dictateur irakien qui passait en boucle sur les écrans de télévision. En octobre 2011, c’est le tyran libyen qui succombait ainsi, avec panache, les armes à la main. Mohamar Khadafi a eu le bon goût de mourir comme il a régné : dans la violence. Le guerrier bédouin, arrivé au pouvoir par les armes, ayant régné par une chape de plomb sur son peuple, n’aura pas eu la fin politique d’un Laurent Gbagbo avec son éhonté «Ne me tuez pas !». Pas plus qu’il ne s’est laissé prendre par l’adversaire, après la mort de son fils Khamis, alors que Saddam, lui, ne suivant pas en cela l’exemple de ses enfants morts l’arme à la main, s’était laissé extirper d’un trou où il pensait que le paquet de dollars qu’il tenait pouvait lui servir à sauver sa petite vie.
Un constat s’impose : le guide libyen qui a régné sur son peuple pendant plus de 40 ans, était un psychopathe qui a peu fait honneur à l’Afrique. Arrivé au pouvoir à 27 ans, il s’est d’abord cru le «Nouveau Nasser», s’est vu en conquérant de l’Afrique où il a déstabilisé plus d’un pays au sud du Sahara…Après ses vaines tentatives de diriger le «monde arabe», il s’est découvert, sur le tard, un panafricanisme nourri par la corruption des dirigeants du continent qui ont été nombreux à s’abreuver à la source pétrolière de son pouvoir arrogant. Khadafi, ce fut pendant de trop longues années l’image excentrique d’un dirigeant dont l’extravagance des tenues vestimentaires le disputait à l’énormité de ses déclarations, comme ce jour où il a conseillé aux Sénégalais de ne plus organiser des élections, et de faire d’Abdoulaye Wade un président à vie. Celui qui disait qu’il n’est pas un président, mais un « Guide », présentait son fumeux «Livre vert» comme s’il s’agissait de l’intégrale des œuvres de Marx.
De Khadafi, on retiendra les menaces contre son propre peuple, avec cette phrase qui restera dans les mémoires : «Nous allons transformer les rues de Tripoli en fleuves de sang»…
Khadafi, c’était aussi le doigt d’honneur permanent au monde occidental. Parfois de façon tragi-comique, comme il y a quelques années quand il a planté sa tente dans le carré de l’Elysée, s’imposant à un Nicolas Sarkozy qui tenait à ses contrats. Ou quelques fois par des procédés peu glorieux et plus dramatiques, comme l’attentat contre les 267 victimes innocentes de l’avion de la Pan Am au-dessus de la ville de Lockerbie. En cela, le chef de tribu bédouin a été un précurseur pour Ben Laden.
Au bilan de sa vie et de son règne, le chef de guerre libyen qui vient de périr d’un bombardement de l’OTAN-ironie de l’histoire- restera comme un personnage en relief dans la liste noire des dirigeants africains. Il est mort quarante-huit heures après le passage à Tripoli de Hilary Clinton, le patron de la diplomatie américaine, cette Amérique qu’il honnissait tant, et qui le lui rendait si bien…Hasard que tout cela ?
Mais l’on retiendra aussi que Khadafi n’a pas été un lâche, comme d’autres : en envoyant femmes et enfants en Algérie, pour se battre, replié dans son fief de Syrte, il laisse l’image d’un combattant digne. C’est peut-être là le seul aspect positif de son parcours atypique.
Abou Abel THIAM, SENINFOS.COM