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KHADIM SAMB, ANIMATEUR TELE-RADIO La rançon de l’audace

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Khadim Samb, 54 ans, polygame, crève aujourd’hui les écrans de télé et la bande Fm. Pourtant, il y a quarante ans, quand il quittait son village, on lui prédisait le pire à Dakar. Trajectoire d’un exode rural réussi.

Je vais vous raconter, cette semaine, une fabuleuse succes strory. A travers cette trépidante et incertaine histoire, profiler un petit villageois venu des profondeurs du pays devenu célèbre par la seule vertu du travail. Khadim Samb : vedette des écrans, roi de la bande Fm, restaurateur de grandes personnalités. L’histoire commence dans les années 50 au Baol, dans un petit village appelé Ndiopane dans le département de Mbacké à plus de 150 kilomètres de la capitale sénégalaise, Dakar. Déconnecté de la civilisation, sans aucun moyen de communication, Ndiopane est de ces bourgades africaines où les cases des hommes deviennent, avec l’agrandissement de la famille, des maisons à part. Seulement, dans ce terroir isolé des Samb, il n’y avait qu’une seule concession. Le chef, Dame est d’origine sérère comme sa femme Khadidjatou Mbaye, « une dame de fer réputée pour sa hargne au travail ».

C’est là justement que se trouve la source de l’abnégation et la forte détermination de son fils, Khadim à vouloir s’en sortir. Une vraie histoire d’amour entre mère et fils ! La volonté d’un fils de soulager une maman qu’il voit se détruire sans relâche dans les travaux champêtres, les tâches ménagères et les services rendus aux autres. En fait, les Samb sont dépourvus de tout moyen de production. La famille est obligée de travailler deux jours chez les voisins avant de s’occuper le troisième jour de leur propre champ. Ils y sont contraints. Avec la force physique comme seul capital, la famille propose ses services aux plus nantis en échange d’un cheval, d’un âne et d’une machine pour une journée. Dans ces conditions de survie, la famille existe plus pour les autres que pour ellesmêmes. Sans répit et sans relâche. Dame ne remarque rien, mais à chaque fois que Khadim aide sa mère à la tâche, il a le cœur serré, l’esprit en ébullition imaginant les possibilités les plus fantaisistes, nourrissant les rêves les plus irréalistes. Ce dur désir lui déchire le cœur et obnubile l’adolescent de 13 ans. Jusqu’à ce jour d’hivernage ou Khadim se résout à s’ouvrir et partager ses rêves avec sa mère. Khadidjatou tenait la machine et Khadim tirait l’âne. Entre les essoufflements de l’animal et la canicule que seuls les paysans savent supporter, Khadim se tourne vers sa mère. « Je veux aller à Dakar ! » Tel Yaye Daro et sa fille, dans Maimouna, de Abdoulaye Sadji, Khadim explique à sa Khadidjatou : « la fin des récoltes, quand je finirai de refaire les palissades de bambou et de remplir les greniers, j’irai à Dakar pour trouver du travail. Mère, je ne peux plus rester ici pendant toute la saison sèche sans rien faire si je peux me rendre utile à la capitale et revenir vous soutenir… » Maman acquiesce, le cœur gros, contenant noblement sa fierté devant le sacrifice proposé par son fils pour les sortir de cette si petite vie. Le soir, elle en parle à son conjoint. Celui-ci oppose un niet catégorique. S’ensuit un déchirement affectif entre le père et le fils. Entre l’enfant et tout le village de Ndiopane ébahi devant l’audace et l’ambition démesurée de ce jeune outrecuidant qui veut « aller se pervertir et se perdre dans la « ville cruelle » ». Quel appétit féroce, quel sorcier, quel mauvais esprit habite ce garçonnet ? Comment et pourquoi pense-t-il quitter Ndiopane au moment où les jeunes de son âge se livrent allègrement au jeu de la lutte. Encore que lui-même a un talent naturel de lutteur doublé d’un physique d’athlète envié par tous. Mais, lui, en réalité, ne connaît pas l’insouciance des pubertaires de son milieu, tenaillé par la pauvreté, déchiré par l’envie de sortir sa mère du bled. Pour avoir osé parler de Dakar, il est boudé par tous les jeunes qui ne font que suivre les directives de leurs parents de ne pas « fréquenter cet enfant satanique qui veut quitter le village. » « Il faut lui brûler la langue ! Non, il faut la lui couper ! », jurent les voisins. D’autres préfèrent aller voir son père pour le consoler : « Dame, c’est difficile de perdre un fils. Crois en Dieu et accepte sa volonté ». Khadim s’obstine et surmonte les hostilités, tant qu’il a le soutien de sa mère. « Elle a cherché pendant deux mois quelqu’un qui pouvait lui prêter 1000 Francs Cfa pour mon billet de transport à Dakar. Elle a prié pour moi et m’a remis un pagne, comme seul viatique. »

Khadim débarque à Dakar un jeudi avec toute la dégaine du serf à Paris. Lui, retient juste deux détails : « J’ai vu la mer pour la première fois à Bargny et j’ai acheté un bon plat de riz à Thiaroye à 75 francs ». En réalité, le fait qu’il ait mangé à sa faim dès son arrivée est un bon présage pour le villageois superstitieux qu’il est. Après une vadrouille dans la grande ville à la recherche de son oncle, après avoir découvert les lampes, les grandes rues et les belles villas, à travers la visite de sa cousine, Aicha Sall à Castor où il assiste à un baptême dans une famille aristocratique, après avoir goûté aux délices de la boisson gazeuse (Spark) pour la première fois, Khadim pose son baluchon chez son oncle Bassirou Sène à Gouye Fatou Maïga dans le département de Pikine à minuit passée.

Pour ses débuts dans le monde du travail, il s’improvise porte-faix au marché de Thiaroye et gagne 1300 francs Cfa par jour. En dix jours, il réussit à économiser suffisamment d’argent pour rembourser le prêt de sa mère qui lui avait permis de payer le transport pour la capitale et loue une chambre à côté de chez son tuteur à raison de 500 francs le mois. Quand il retourne au village au début de l’hivernage, il prépare un viatique princier : un pantalon, une chemise et 20 mille francs dans ses poches pour lui, un grand panier de poisson séché, un grand panier de choux pommés pour sa mère. « On m’a fêté au village, ma mère redistribuait à chaque famille un poisson séché et un feuillet de choux. Ils repartaient heureux comme si on leur avait offert de l’or. » La saison suivante à Dakar, le jeune homme requinqué par son succès au village décide de s’adonner au métier de porte-faix et s’essaye au métier de charretier après avoir tenté l’arrosage dans les jardins de la périphérie de la capitale. Parce qu’à l’époque, il y avait dans Pikine une dame du nom d’Absa Sène qui mettait à la disposition des jeunes venus des régions des charrettes contre un versement journalier de 300 francs. Khadim s’engage avec amour pour le cheval qu’on lui a affecté et parvient à économiser 100 mille francs à la tombée des premières pluies. Cette fois-ci, son succès inquiète certains parents au village qui refusent ses cadeaux, présumant à tort que le fils de Khadidjatou a gagné son argent de manière illicite à Dakar. Lui, est certainement affecté par ses médisances. Est-ce pour ces raisons qu’il ne retournera plus au village à la saison des pluies ? Allez savoir… Quoi qu’il en soit, Khadim, revient à Dakar avec la ferme volonté d’y rester, de s’y frayer son chemin, d’y vivre.

Au préalable, il construit une nouvelle case en dur pour sa mère et s’assure de l’approvisionnement en café, sucre et autres produits alimentaires pour son père. Après un bref séjour dans la banlieue et une visite surprise de son père, il quitte l’oncle hôte et vient s’installer au cœur de la ville à la Médina rue 5 angle corniche chez un autre oncle, ami de son père, Sidy Kane (il le salue au passage). Grand boucher de son état, Sidy Kane l’installe dans son magasin comme assistant. Mais, il s’ennuie à rester sur place. Il devient ouvrier dans les entrepôts de friperie, gagne 1600 francs par jour, mais sa passion pour la viande le rattrape et il est finalement embauché à la Dibiterie Dollar. Pourtant, il a un salaire journalier de 200 francs. Mais les pourboires sont assez conséquents pour le retenir. Là-bas, on se souvient encore du garçon au commerce facile, drôle et serviable, prêt pour toutes les tâches sans rechigner. Son patron le remarque parmi ses aînés pour son sérieux et sa rigueur. Au bout de quelques années, il est nommé chef du personnel, au grand dam de ceux qui le « prenaient pour l’idiot du boulot qui accepte toutes les corvées ».

C’est qu’il savait d’où il vient et où il veut aller. « J’ai réorganisé le service et accéléré la production, on est passé à plus de 15 moutons par jour ». Etape décisive de sa vie ! La Dibiterie Dollar est aussi un haut lieu de rencontre où toutes les personnalités politiques, économiques et les nouveaux riches se retrouvent pour goûter aux délices de la viande grillée. Le dibi de Khadim Samb fait le tour de la capitale. Le bon plan devient, par le bouche à oreille, un rendez-vous pour la Jet Set. Khadim va-t-il pousser des ailes ? Il pense plutôt que l’heure est venue de voler de ses propres ailes. En décembre 1986, il annonce à son patron le souhait de quitter Dollar pour monter son propre business. En décembre 1987, il concrétise son rêve. En lieu et place d’un pot de départ à son honneur, lui-même organise la fête et la dédie à son patron qui lui a « appris le métier et donné la chance de s’épanouir ». Comme les voies de la providence sont insondables et mystérieuses, la dibiterie Keur Khadim qu’il avait montée avec un capital d’un million de francs Cfa fait long feu. Faillite ! Il ne baisse pas les bras. Il croit toujours à sa bonne étoile et se fait embaucher à la dibiterie Doudou Ndiaye Rose tenue par le resauté, Demba Dieng. La mayonnaise a déjà pris, il ne manquait que la jovialité de Khadim pour faire de la maison le leader du dibi dakarois. Il grille 20 moutons par jour. La réussite, c’est aussi une histoire de rencontre qui peut changer le tournant de la vie. La dibiterie est un lieu où se passent souvent de vives discussions sur l’actualité politique, mais surtout sportive. Khadim, avec son audace, s’invite au débat et fait preuve d’un talent d’analyste de la lutte. Sans le savoir, Khadim est en train de passer des entretiens pour le futur présentateur radio. Parce que sans le savoir, dans les discussions, il convainc deux spécialistes de la communication : Babacar Touré, fondateur du Groupe Sud Communication et Ablaye Nar Samb, présentateur vedette à la télévision nationale. Ce dernier le fera passer pour la première fois à la télé. Quant à Babacar Touré, il a osé, misé et cru en lui en lui confiant l’émission Méga Sport à la première radio privée du Sénégal, Sud Fm. Khadim se chargera du reste : se faire connaître du grand public. Avec comme seule arme : le travail (il est rigoureux), l’originalité (il donne la parole pour la première fois aux familles des lutteurs), enfin l’esprit d’équipe (il accepte d’apprendre). Il ne s’arrête pas à la lutte et rejoint Latif Coulibaly à l’émission « Eutoup Sud ». Il dit : « C’est Latif qui m’a donné la connaissance, j’ai appris le journalisme pendant 12 ans en co-animant l’émission ».

Pour le reste, c’est le Khadim Samb que vous connaissez : Charismatique et drôle. Son ami de quarante ans, Madoki Ndiaye, greffier en chef jure qu’il s’est fait tout seul. Mais, lui pense qu’il a rencontré les bonnes personnes au bon moment. Madoki : « rien ne le prédisposait à ce qu’il est devenu, mais il est fidèle en amitié. Il ne triche pas au boulot. » Courageux pour ne pas dire téméraire, il est d’un teint noir éclatant, sa grande taille et sa forte corpulence lui donnent une allure imposante­­. Aujourd’hui, il porte des lunettes d’intello et promet de publier un livre, fantasmant déjà sur ce que sera la cérémonie de dédicace : « On va s’en souvenir dans 50 ans ».

Khadim Samb, arrive avec tintamarre dans ce salon de thé de la place. Il blague avec le personnel féminin et reporte l’entretien pour après la prière du vendredi. Quand il revient, ce polygame déroule le film de sa vie avec un brin de fierté. Son fils aîné est en cinquième année de médecine. Ndiopane est bien derrière lui, mais le défi est relevé. Sa plus grande satisfaction, c’est d’avoir construit une villa pour ses parents à Touba et de leur avoir payé le billet pour le pèlerinage à la Mecque. La plus mauvaise nouvelle : l’annonce du décès de sa mère le 29 décembre 2007 alors qu’il venait de lui parler au téléphone. Il en parle, avec l’émotion d’un ado qui vient de perdre son parent. Comme l’enfant de Ndiopane il y a quarante ans.

Qui disait que l’exode rural, c’est seulement des marchands ambulants à encombrer l’espace public ?

Cheikh Fadel BARRO

5 Commentaires

  1. Khadim SAMB est excellent et est un Exemple pour tous les Ruraux ! Mais merci aussi à toi Mr Cheikh Fadel BARRO de nous avoir fait connaitre cet Idôle à la belle parole ,cet unificateur ,je pensais qu’il était sorti de la Grde Ecole de Mansour Mbaye lui aussi ,un autre exemple pour les Journalistes de demain et d’aujourd’hui !

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