Dominique Lopy a été trouvé la mort, le samedi 12 avril 2007, dans les locaux du commissariat urbain de Kolda. Sept ans après, le procureur Alioune Diop a décidé d’exhumer l’affaire. Les quatre policiers présumés auteurs du crime devront comparaître le 24 septembre prochain à la barre du tribunal régional de Kolda.
«Toutes les dispositions sont prises pour que la lumière soit faite sur cette affaire. Les quatre policiers présumés auteurs du meurtre du jeune Dominique Lopy ont déjà reçu leurs convocations pour être entendus le 24 septembre prochain sur les accusations faites à leur encontre». Le procureur Alioune Diop du parquet de Kolda a décidé de faire la lumière sur la mort de Dominique Lopy.
L’homme de 34 ans a été tué, il y a 7 ans, dans les locaux de la police. « On avait des difficultés pour remettre aux accusés leurs convocations. Pourquoi ? Parce qu’ils n’habitent pas Kolda. Ils sont dispersés entre Diourbel, Thiès, Khombole… Je tiens à préciser que depuis mon installation à Kolda, j’ai tout fait pour ressortir certains dossiers qui étaient rangés dans les tiroirs de l’oubli. C’est le cas de l’affaire Dominique Lopy».
Accusé d’avoir volé un poste téléviseur et un matelas au domicile de l’ancien président du Conseil régional, Mamadou Lamine Dramé, Dominique Lopy avait été gardé à vue. Son grand frère Augustin dit Tino Lopy raconte la suite : «Mon frère avait été convoqué à la police. C’était le 08 avril 2007. Vers les coups de 16 heures, il était allé répondre à la police. Du 08 au 10 avril, les policiers l’ont battu, avant de l’amener chez nous pour fouiller la maison.
Après la fouille, ils n’ont rien trouvé. Ce jour-là, un des policiers, en l’occurrence le brigadier-chef Paul Boissy, avait clamé haut et fort ceci : « nous le tuerons s’il ne nous montre pas le matériel volé». Tino de conclure : «Notre frère a été sauvagement battu et torturé par des policiers du commissariat urbain de Kolda. Donc, ils doivent être sanctionnés à la hauteur de leur forfait». Le 11 avril, il est allé avec sa sœur Béty voir son frère. Ils l’ont trouvé dans un état critique.
‘’Mon père Bakary Lopy avait interpellé les forces de police sur l’état déplorable dans lequel il se trouvait. Il a rendu l’âme le 12 avril 2007 dans les grilles de la police. Ce matin-là, j’étais allé à la police lui apporter son petit-déjeuner. A mon arrivée, les policiers ont fermé le portail, avant de me dire qu’il n’y a pas de visite.
Ils m’ont renvoyé», raconte Miguel Lopy, frère du défunt. Pris de panique, il s’était caché derrière les fleurs du service de l’hydraulique qui jouxte le commissariat, raconte-t-il. Lorsque, quelques instants plus tard, une ambulance des sapeurs-pompiers est entrée au commissariat, «j’ai pris mon vélo et je me suis rendu à la morgue de l’hôpital régional pour les attendre. Quelques minutes plus tard, ils sont arrivés. Au moment de descendre le corps pour le faire entrer dans la morgue, j’ai reconnu mon frère. Choqué, je leur ai dit qu’ils ont tué mon frère et qu’ils voulaient nous cacher le corps ».
Emeute
L’annonce de cette mort avait mis la ville en ébullition. Les jeunes du quartier Doumassou, armés de pierres et de gourdins, avaient pris d’assaut le commissariat, en saccageant tout sur leur passage. Les manifestations avaient tourné à l’émeute. Les domiciles du brigadier-chef, Paul Boissy et du policier Ibrahima Diédhiou avaient été incendiés. Aujourd’hui encore, les résultats de l’autopsie du corps de Dominique Lopy, examiné par le Pr Gisèle Guèye du Chu Le Dantec, sont méconnus du grand public.
L’avocat de la famille Me Erasme Senghor espère que justice sera faite. «La justice doit faire jaillir la lumière sur la mort ténébreuse de Dominique Lopy et punir les accusés, conformément aux textes et lois en vigueur au Sénégal. Car, tous les membres de la famille ont besoin de savoir la vérité».
Le sentiment d’injustice qui anime encore les populations est alimenté par le fait que, selon tout le monde, le vol dont on accusait le jeune Dominique Lopy a été commis par la bonne de l’ancien président du conseil régional de Kolda. Elle n’aurait pas perçu son salaire et par vengeance, aurait commis le vol. Lorsque l’affaire avait pris une certaine tournure, elle avait fui en Gambie, avant que le téléviseur ne soit retrouvé dans la rue par le chef de quartier de Gadapara.
‘’Mon fils gagnait sa vie à la sueur de son front’’
Le même ressentiment mine la famille Lopy. «Depuis son décès, l’état de santé de notre mère s’est brutalement dégradé », témoigne Joséphine Lopy, sœur du défunt. En effet, assise sur une chaise, Elisabeth Souar, mère de la victime, a fondu en larmes dès que le nom de son fils a été évoqué. «Mon fils gagnait sa vie à la sueur de son front. Il était maçon, peintre et il creusait aussi des fosses. Sa passion pour le travail était connue de tous. Il n’a jamais eu l’intention de voler. Le fait même qu’il n’ait pas hésité à se rendre à la police pour répondre à la convocation montre bien qu’il n’aurait jamais imaginé qu’un tel acte de lâcheté et de barbarie puisse se produire et encore moins qu’il en soit la victime».
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