La récente libération de neuf homosexuels emprisonnés pour avoir célébré un mariage gay suscite la polémique. Certains y voient une ingérence française.
Le “pays de la Teranga” [du “bon accueil” en langue wolof] serait-il un bastion de l’homophobie ? En tout cas, la polémique a repris de plus belle au Sénégal après la libération des neuf homosexuels arrêtés à Mbao, dans la banlieue dakaroise, pour avoir célébré un mariage gay. Dans un pays à 90 % musulman, l’homosexualité reste une question taboue et la majorité des Sénégalais, comme la plupart des Africains d’ailleurs, la considèrent comme une “déviance” importée d’Occident. Jamra, une ONG islamique, s’est fortement émue de la libération des homosexuels après trois mois d’emprisonnement, estimant qu’il s’agit d’une “victoire provisoire du mensonge et de l’hypocrisie”. Jamra pense que “les homos partouzards ont nargué la justice avec le soutien de bras longs sans visage”.
En effet, beaucoup de Sénégalais sont persuadés que les gays bénéficient de hautes protections, et les déclarations de Rama Yade, secrétaire d’Etat français aux Droits de l’homme, appelant au respect de l’orientation sexuelle des personnes mises en cause en ont choqué plus d’un, qui y voient une ingérence intolérable dans les affaires intérieures sénégalaises.
Ainsi, de véritables chasses aux goorjigen [terme péjoratif qui signifie littéralement “homme-femme” en wolof], comme on les appelle, ont eu lieu dans les rues de Dakar. Pis, certains des protagonistes du mariage gay de Mbao, après avoir échappé de peu au lynchage, n’ont dû leur salut qu’à l’exil, à l’image de leur icône, Pape Mbaye (homosexuel notoire), qui a trouvé refuge aux Etats-Unis avec le concours d’associations gays.
Pourtant, alors qu’il y a peu de temps presque personne n’osait prendre publiquement la défense des homosexuels, les temps changent. Alioune Tine, le secrétaire général de la RADDHO, une organisation de défense des droits de l’homme, considère que “l’Etat doit garantir le droit à l’intimité” et rappelle aux autorités sénégalaises : “Nous venons de célébrer Durban 2 et il est temps que le Sénégal lutte contre toute forme de discrimination : race, sexe, religion, mais aussi orientation sexuelle… Il faut donc immédiatement dépénaliser l’homosexualité.” Mieux, dans une interview accordée au quotidien L’Observateur qui a fait l’effet d’une bombe, le sociologue Cheikh Niang a mis les pieds dans le plat en banalisant cette question, estimant que “la diversité sexuelle, le fait qu’il y ait différentes formes d’orientation sexuelle, est un phénomène anthropologique qui a existé dans toutes les sociétés”.
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