La Maison Blanche a finalement révélé de quoi est faite la bière de Barack Obama. A la veille de la convention démocrate, la recette a été publiée sur le site officiel de la présidence. Mieux, elle fait l’objet d’une démonstration vidéo par Sam Kass, le chef cuisinier. Encore une première historique : jamais on n’avait brassé ou distillé quoi que ce soit au 1600 Pennsylvania Avenue, même si, comme l’a discrètement indiqué Sam Kass, la preuve a été établie qu’on y a consommé des boissons alcoolisées pendant la Prohibition.
Effet de la campagne ? Barack Obama n’a jamais bu autant de bière. Dans son dernier voyage en bus à travers l’Ohio, il s’est arrêté dans un café et il a commandé une tournée générale de Bud Light. Ce qui a donné l’occasion à l’assistance de lancer un nouveau slogan : « Four more beers » (« quatre bières de plus ») en lieu et place du traditionnel « four more years » (« quatre ans de plus »). Dans la foulée, l’entourage a confirmé ce qu’avait laissé filtrer le président : la Maison Blanche produit de la bière artisanale. Aussitôt, la presse a réclamé la recette. Une pétition, lancée sur le site We the People de la Maison Blanche, a recueilli 12 000 signatures (soit trente fois plus qu’en faveur d’une no-fly zone dans le nord de la Syrie).
Le secret a finalement été révélé : la bière présidentielle est parfumée au miel des abeilles du jardin de Michelle. Et les maniaques du déficit peuvent se rassurer : Barack Obama a payé de sa poche son kit du brasseur amateur. Du côté des politologues, on s’interroge : pourquoi cet intérêt appuyé pour la bière ? Certes, c’est la boisson estivale des Américains. Et en particulier de ces cols bleus qui n’ont donné que 41 % de leurs voix à Obama en 2008. Il se trouve aussi qu’insistersur la bière, dans une course à deux candidats, c’est souligner indirectement le fait que l’un des deux – Mitt Romney, pour ne pas le citer – n’en boit pas. Ou comment aborder la question de la religion sans même prononcer le mot « mormon ». S’il est vrai, comme le prétendent les sondeurs, que la question à laquelle répondent les électeurs, dans le secret de l’isoloir, c’est : « Avec quel candidat auriez-vous envie de boire une bière ? », alors on comprend que Barack Obama ne déteste pas se montrer avec une chope à la main.
LE CREDO DE LA RELIGION ? L’ARGENT
Les démocrates aimeraient bien exploiter le facteur mormon, mais ils marchent sur des oeufs. Récemment, une militante a été rabrouée pour avoir proposé de s’yessayer. Pour tout dire, il semble que les mentalités aient évolué. Depuis la sortie de la comédie musicale satirique The Book of Mormon (qui continue à jouer à guichets fermés en province), la religion de Joseph Smith s’est banalisée. Les fidèles n’hésitent plus à partager les aléas de leur vie quotidienne (chercher une boisson non caféinée dans une fête d’anniversaire, par exemple) comme si le fait de pouvoir se moquer des rites avait changé les perceptions.
Après avoir traité par le mépris les journalistes qui posaient des questions sur le culte, Mitt Romney s’est enhardi. Son équipe a produit des témoins pour montrerque l’Eglise n’est pas la religion blanche que l’on croit. Les journalistes ont rencontré des fidèles noirs et latinos. De leurs enquêtes en pays mormon, ils ont rapporté l’image de travailleurs modèles, de businessmen émérites. L’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours est la seule Eglise purement américaine, ont-ils souligné. « Il n’est pas surprenant qu’étant une religion indigène, elle ait adopté le credo national : l’argent », a commenté BusinessWeek.
Le candidat républicain a entrouvert la porte de sa congrégation du New Hampshire. Il a invité un prêtre mormon à prononcer l’invocation à la convention de Tampa. Deux fidèles, Ted et Pat Oparowski, ont évoqué à la tribune la bonté avec laquelle l’ancien gouverneur avait aidé leur fils à rédiger ses dernières volontés alors qu’il était l' »évêque » de la banlieue de Boston.
« JE NE VOULAIS PAS ME RETROUVER EN ENFER »
L’Eglise est fière de son présidentiable. Dimanche 2 septembre, lors du service à leur église commune du New Hampshire, J. W. Marriott, le président de la chaîne d’hôtels, a rendu hommage aux Romney pour avoir « sorti l’Eglise de l’obscurité ». 90 % de la couverture médiatique a été « favorable » aux Mormons, s’est-il félicité. Lui-même s’est trouvé à devoir répondre à une question de l’émission « Sixty Minutes » sur les fameux « sous-vêtements magiques » que portent les Mormons, une source inépuisable de sarcasmes, notamment chez les démocrates. Il s’en est sorti en racontant comment les sous-vêtements (un tee-shirt et un short dits « sacrés ») lui avaient sauvé la vie lors d’un incendie.
Mitt Romney lui-même s’est beaucoup décontracté. Il a réussi à plaisanter en une phrase sur ses deux principaux boulets : l’argent et la religion. C’était pendant son discours solennel à la convention. Il racontait la création de Bain Capital, la firme d’investissements, à l’époque où il avait du mal à lever des capitaux. « J’ai bien pensé à demander le fonds de pension de mon église, mais j’ai préféré m’abstenir, a-t-il expliqué, avant de faire une pause. Ç’aurait été assez terrible que je dilapide l’argent des investisseurs. Mais surtout, je ne voulais pas me retrouver en enfer. »
Il y eut des rires, puis un léger frisson est passé. Mitt Romney croyait-il à l’enfer ?
Corine Lesnes