La CAN 2017 a-t-elle été « une douche froide pour Ali Bongo », comme l’a affirmé hier sur RFI Marc Ona, le leader de la société civile gabonaise ? Réponse ce matin d’Alain-Claude Bilie By Nze, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement gabonais. En ligne de Libreville, le ministre d’Etat s’exprime aussi sur les réformes que le régime pourrait accepter avant les législatives de juillet prochain.
RFI : Alain-Claude Bilie By Nze, des stades à moitié vides pendant la CAN, n’est-ce pas un demi-échec pour le pays organisateur ?
Alain-Claude Bilie By Nze : Tous ceux qui sont observateurs des CAN qui s’organisent sur le continent ont pu remarquer qu’à chaque édition, les stades sont à moitié vides dès l’instant où l’équipe qui accueille la CAN est éliminée. Le Gabon est une exception puisqu’il y avait du monde au stade et ensuite on a bien vu ce qui s’est passé à la finale. Le stade était plein.
Les élèves des écoles sollicités pour aller au stade, est-ce que ce n’est-ce pas le signe que vous aviez du mal à remplir les stades ?
J’ai entendu cette blague-là sur vos antennes et venant de la part de monsieur Marc Ona Essangui, ça manque totalement de sérieux d’aller raconter sur une antenne internationale que nous avons fait venir des élèves des pré-primaires. Il y avait 1 200 journalistes au Gabon, dont RFI. Personne n’a vu d’enfant de pré-primaire dans les stades.
Cette CAN sans grand monde dans les stades, est-ce que ce n’est pas une douche froide pour le président Ali Bongo ?
Mais je ne sais pas pourquoi vous insistez sur la question de « sans grand monde » dans les stades ! Nous n’avions pas organisé la CAN pour avoir 100 % de public au stade ! Quant à la question de savoir si c’est une douche froide, c’est loin de là ! Je suis désolé, mais Ali Bongo était au stade le jour de la clôture. Il a été ovationné, applaudi par le public nombreux. Ces messieurs et dames de l’opposition avaient pensé que cette CAN leur apporterait une visibilité. Malheureusement, leurs appels n’ont pas été suivis, la CAN s’est bien déroulée. Il n’y a eu aucun incident au stade. Et malheureusement pour l’opposition, c’est une réussite.
Jean Ping déplore que les deux CAN 2012 et 2017 aient coûté au total 800 milliards de francs CFA et que l’Etat gabonais ait préféré ces dépenses de prestige au financement des écoles et des hôpitaux.
Les chiffres qu’il annonce sont totalement farfelus. La CAN 2017 a coûté 192 milliards de francs et non pas les 400 à 500 milliards dont parle monsieur Ping, qui d’ailleurs est habitué à énoncer les chiffres dont il n’apporte jamais la preuve.
La CAN est allée jusqu’au bout, mais au-delà du football, est-ce que le pays ne reste pas paralysé par les nombreuses grèves, notamment chez les enseignants et les magistrats ?
Vous savez, il y a effectivement une crise de l’éducation, mais qui date d’il y a trente ans déjà. Que les magistrats posent des revendications, nous sommes en train de les examiner. Mais le pays, ce n’est pas que l’éducation et la magistrature. Le pays c’est aussi le secteur privé qui est dynamique, le pays c’est l’administration qui travaille, mais nous cherchons à régler les questions.
Si l’opposition organise des manifestations, est-ce que vous ferez arrêter ces leaders, y compris Jean Ping ?
A ce jour, au Gabon, il n’existe aucun opposant en prison. Il n’y a pas de prisonniers politiques au Gabon. Si les gens organisent des manifestations dans le respect l’ordre public, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait des arrestations. Il n’en existe pas.
Pas d’opposants en prison, dites-vous. Mais le député Bertrand Zibi et l’informaticien ivoirien Yeo Sifowa sont bien en prison et cela depuis de nombreux mois !
Je ne sais pas si l’informaticien ivoirien est un opposant au Gabon. Quant à monsieur Zibi, il est en prison non pas pour ses idées politiques, mais pour son action de violence pendant cette période et la justice déterminera. Il n’est pas en prison pour ses opinions.
Mais pour créer une atmosphère de dialogue, est-ce qu’il ne serait pas temps que ces deux proches de Jean Ping soient libérés ?
Nous avons appelé au dialogue, nous discuterons avec ceux qui viendront dialoguer. Mais il n’est pas question de discuter avec des gens qui parasitent un système électoral ou alors qui posent des actes de violence contre l’Etat.
Ce dialogue que vous voulez organiser, Jean Ping et sa coalition ne veulent pas y participer. Quel sens peut avoir un tel dialogue sans justement, leur présence ?
J’observe que de nombreux membres influents de cette coalition ont déjà dit leur volonté et leur accord pour participer au dialogue. Donc ça ne sert à rien de s’accrocher à une coalition qui chaque jour prend l’eau et qui se fissure chaque jour. Nous avons des acteurs importants de cette coalition qui se sont prononcés en faveur du dialogue, qu’il s’agisse de monsieur René Ndemezo’o ou de monsieur Mayila ou d’autres. Même s’ils ont conditionné, nous examinerons les conditions. Mais dans tous les cas ils ont dit oui au dialogue.
Mais vous savez bien que Jean Ping représente la moitié du corps électoral. S’il ne vient pas à ce dialogue quel sens va-t-il avoir ?
Vous savez, l’élection a eu lieu à un moment. Et personne aujourd’hui n’est propriétaire des voix que chacun a recueillies. Donc si monsieur Ping ne vient pas au dialogue, nous en tirerons les conséquences et il en tirera également. Mais nous ne serons pas contraints par qui que ce soit, au Gabon ou en dehors, à aller au dialogue avec des acteurs qui refuseront les conditions de ce dialogue.
A ce dialogue, est-ce que vous allez changer le découpage électoral qui est actuellement très favorable au parti au pouvoir PDG ?
Vous savez, c’est une question essentielle. Le découpage actuel a été conçu par les personnalités aujourd’hui dans l’opposition. Nous ne sommes pas fermés à ce que cette question importante soit sur la table.
Et allez-vous revoir à cette occasion la composition de la Cour constitutionnelle et de la Commission électorale ?
Tous les sujets seront sur la table. Est-ce qu’il faut faire évoluer la Cénap aujourd’hui ? Certains pensent que oui, d’autres que non. Nous verrons en fonction des différents arguments.
A la suite de la dernière résolution du Parlement européen sur le Gabon il y a deux semaines, l’Union européenne risque de poser des conditions politiques au maintien de son aide économique. Est-ce que vous êtes prêt à discuter avec Bruxelles ?
Le Gabon n’entend pas brader sa souveraineté contre des visas Schengen. Nous discuterons avec l’Union européenne entre partenaires qui se respectent et nous sommes tout à fait prêts à examiner tous les accords que nous avons avec l’Union européenne.
Si l’Union européenne coupe son aide est-ce que la crise économique du Gabon ne risque pas de s’aggraver ?
Ce que l’Union européenne apporte aujourd’hui, c’est 8 milliards de francs CFA et qui ne sont pas directement objet de l’Etat. Donc ce n’est pas pour 8 milliards de francs CFA qu’on va brader la souveraineté du Gabon.
Est-ce que vous êtes prêt à modifier les règles du jeu pour que les législatives soient vraiment transparentes ?
Mais vous savez, à partir du moment où nous avons un dialogue nous verrons l’issue de ce dialogue, qui va certainement aboutir à ce qu’un certain nombre de textes soient revus, soient améliorés. La volonté d’Ali Bongo affirmée depuis avant la présidentielle est de faire évoluer nos institutions, de les moderniser. Ensuite le peuple gabonais décidera.