La grande faillite des dirigeants occidentaux et les nouvelles menaces globales.
Par Cheikh Tidiane DIEYE
Docteur en Etudes du Développement
La responsabilité des dirigeants occidentaux sur la propagation du terrorisme dans le monde est totale. Il y a quelques années, Georges W Bush et l’administration américaine avaient inventé le plus grand mensonge d’Etat des temps modernes pour engager le monde dans une guerre contre l’Irak. Ignorant singulièrement les équilibres précaires que le peuple Irakien avait mis des années à construire, ils ont voulu lui imposer un ordre social et culturel occidental, forcément meilleur à leurs yeux, et ont du coup rompu tous les ressorts qui reliaient les différentes communautés et déstabilisé durablement cette société. Ils ont traqué, arrêté, humilié et pendu Saddam Hussein qui, jusqu’à sa mort, restait un leader pour de nombreux Irakiens, sunnites ou non. Saddam Hussein et ses partisans avaient installé en Irak un régime certainement loin d’être un modèle. Mais l’Irak fonctionnait et de menaçait en rien la paix mondiale. Ce n’est plus le cas. C’est sur les ruines de l’Irak que grandit l’Etat islamique et c’est de là qu’il conçoit et conduit ses entreprises de terreur et de destruction.
A la suite de Bush, profitant lâchement du soulèvement, téléguidé et entretenu de l’extérieur d’une partie de la cyrénaïque, Nicolas Sarkozy s’est aussi offert sa guerre contre Mouammar Kadhafi. Je fais partie des nombreuses personnes qui ont été profondément choquées par l’humiliation et l’assassinat lâche de Kadhafi. Après avoir atteint ses objectifs militaires et économiques, la France de Sarkozy a rangé armes et bagages et laissé la Libye à elle-même. Aujourd’hui, il n’y a dans ce pays ni Etat, ni gouvernement. La Libye est abandonnée dans un chaos total, dépecée et charcutée de part en part par des seigneurs de guerre et autres mouvements Jihadistes en attendant, demain, que Tripoli, Tobrouk ou Syrte soient parmi les capitales de l’Etat Islamique, comme le sont Raqqa, Mossoul, Hawija, entre autres, si l’occident ne change pas de cap et de politique. La chute de Kadhafi est le déclencheur immédiat de la déstabilisation de la bande du Sahel et a produit le terreau sur lequel tous les groupuscules terroristes opérant en Afrique de l’Ouest et du Centre fleurissent. Il n’en était pas ainsi du temps de Mouammar Kadhafi. Il faut bien que quelqu’un soit tenu pour responsable.
C’est le même sort qu’ils ont voulu réserver à la Syrie. El-Assad a tenu bon grâce au soutien clairvoyant et intelligent de l’Iran et de la Russie. Faisant du départ de Bachar El-Assad un préalable incontournable, les occidentaux ont largué par les airs des armes et des minutions aux « rebelles » Syriens. Ces armes sont allées garnir les dépôts des jihadistes. Aujourd’hui le discours de ces mêmes dirigeants sur Bachar El-Assad a radicalement changé. Mais ils se gardent bien de reconnaitre leur revirement et au passage leur erreur d’appréciation, laquelle a pourtant engendré la perte de centaines de milliers de vies innocentes. Quand j’ai entendu Laurent Fabius, le Ministre Français des Affaires étrangères dire qu’ El-Assad restera au pouvoir, exactement le contraire de ce qu’il disait il y a un an, j’ai perdu mes dernières illusions sur ces hommes.
L’échec des dirigeants occidentaux en Syrie est simplement patent. Lamentablement patent. Mais nul ne s’en plaindra car une telle déconvenue leur ouvrira peut-être les yeux sur leurs propres limites, limites qu’ils semblent d’ailleurs être les seuls à ne pas voir. Veulent-ils seulement les voir?
Nul n’est plus en sécurité nulle part dans le monde. Car le terrorisme ne vise pas seulement les occidentaux. Et tous les peuples du monde devraient demander des comptes à ces dirigeants qui se sont crus investis d’une mission divine pour répandre la démocratie et les droits de l’Homme au mépris de tout ce à quoi les autres croient. Ils ne conçoivent le monde que sous leurs propres prismes et leurs certitudes, et sont convaincus que la culture et la civilisation occidentales sont les seules qui vaillent. Ignorant que la démocratie et les droits de l’homme sont des construits sociaux que chaque peuple invente et interprète à sa manière à un moment donné de son évolution historique, et non des projets à implanter chez les autres, ces dirigeants, qui portent des habits de recteurs du monde visiblement trop larges pour eux, continuent d’agir dans le cadre d’un paradigme qui ne marche plus. Et qui ne marchera plus jamais.
Les actions et politiques des dirigeants occidentaux ont enfanté l’Etat Islamique et tous les autres mouvements employant la violence aveugle comme seul langage.
Malheureusement, ils ne semblent avoir tiré aucune leçon de leurs échecs du passé. Lancer des bombes et des missiles depuis des porte-avions mouillant à des milliers de kilomètres ou depuis des avions de guerre ne règlera pas le problème du terrorisme si on n’a pas le courage d’aller leur faire face sur le terrain, aux cotés de la Syrie, de l’Iran et de la Russie.
Les mesures d’exception prises en réponse aux attentats de Paris, le langage de guerre qui traduit le manque de sérénité des hommes politiques et les amalgames regrettables entre musulmans pratiquants et terroristes ne feront pas mieux que les bombes. Les amalgames ne feront que renforcer les stigmatisations et pousser certains jeunes musulmans à la radicalisation.
Le moment est venu pour ces pays de se doter de politiques publiques inclusives pouvant offrir des perspectives d’un avenir meilleur à chaque citoyen quelle que soit son origine. En France, ce n’est pas un hasard si les jeunes stigmatisés et laissés-pour-compte issus de l’immigration deviennent une proie facile pour les recruteurs jihadistes. Ils n’ont jamais été vus comme des français à part entière mais comme des français « d’origine magrébine », des « français issus de l’immigration », des « français d’origine africaine » et j’en passe.
Les peuples du monde entier ont peur. Mais leurs dirigeants ne sont pas à la hauteur. Pourtant il nous faudra bien dépasser cette étape difficile. Le monde affreux que nous vivons n’est pas un horizon indépassable. Le terrorisme ne vaincra pas. Mais il ne sera pas vaincu par les seules armes de guerre actuelles.
Ils nous faudra inventer un avenir pour vivre ensemble. Pour cela, nous avons besoin de valeurs communes et d’un référentiel humaniste commun à l’élaboration desquels chaque peuple peut contribuer. Nous devons le faire dans le respect de la diversité, du dialogue et la solidarité internationale. Les occidentaux ne doivent plus chercher à se mettre au dessus des autres ou leur imposer les « valeurs » mais travailler à construire avec eux un espace de co-apprentissage dans lequel chacun donne et reçoit. Pour que mille mosquées, églises, synagogues et temples cohabitent. Et que chacun vive ses croyances sans refuser aux autres le droit de vivre les siennes.
bien dit frère