La situation des ‘’daaras’’ préoccupe très sérieusement, et ceci est relancé par le terrible drame survenu, il y’a quelques jours (mort de 9 talibés dans un incendie). En vérité, depuis quelques années, nos dirigeants politiques et leurs partenaires impliqués dans le développement communautaire préconisent, entre autre, leur modernisation ; mais si certains y voient une chance, d’autres par contre, y voient une ingérence inacceptable ; ainsi, le débat reste ouvert ; et pour bien le camper, il est important d’avoir à l’esprit que l’Islam est une religion dynamique par essence et par excellence, du fait même du caractère parabolique de la révélation divine qui est ‘’une explication de toute chose’’ et qui conditionne donc toute l’existence du musulman ; ainsi, la douloureuse problématique des ‘’daaras’’ ne peut trouver une solution véritable que dans l’Islam qui propose une réponse à toutes les problématiques (25. Le Discernement : 33 – Al-Furqâne).
En vérité, la mission des ‘’daaras’’ devrait être triple : apporter la connaissance (tant profane que religieuse) et la bonne santé (tant physique que mentale), mais aussi préparer le talibé à une activité génératrice de revenus (autonomie financière) ; c’est dire que l’apprentissage d’un métier est fondamental pour le musulman ; en effet, au moins deux des cinq pipiers de l’Islam (le pèlerinage et l’acquittement de la Zakât) supposent des moyens économiques plus ou moins consistants ; c’est là, à l’évidence, une exhortation au travail plus qu’implicite. Oui, dans ce monde actuel, il est plus que souhaitable d’avoir son autonomie financière pour pouvoir mener une vie décente et ne pas devenir un assisté chronique, comme le souhaitait le Prophète (psl) : – ‘Abdallah b. Hawâla rapporte ces propos du Prophète – sur lui la grâce et la paix – : « … Mon Dieu, fais en sorte qu’ils ne se reposent pas sur moi, car je pourrais montrer de la faiblesse (des moyens) à leur endroit ; et qu’ils ne reposent pas sur eux-mêmes, car ils seraient victimes de leur égoïsme ; et qu’ils ne se reposent pas d’avantage sur les gens, car ceux-ci les posséderaient. … . (Ahmad)
En vérité, la mendicité ne doit être qu’une solution d’exception (handicap) ; et l’aumône devrait être donnée en priorité ‘’aux nécessiteux confinés dans le sentier d’Allah, ne pouvant parcourir le monde, et qui ont honte de mendier’’ – ceux-là qui n’importunent personne en mendiant (2. La Vache : 273 – Al-Baqarah).
Et certes, donner la charité est un important geste de piété, mais la générosité des sénégalais est telle que certains en ont fait de la mendicité, un vrai bisness – ce que l’Islam ne saurait cautionner ; mais ce n’est pas aussi une raison pour l’interdire par une loi, surtout dans un pays musulman ; oui, ce problème doit être réglé par ceux-là même qui donnent la charité, en faisant preuve de discernement ; ce qui, hélas, n’est pas toujours facile.
En plus de la ‘’mendicité – bisness’’, il faut déplorer les conditions d’hygiène exécrables dans les daaras et surtout le manque d’éducation des talibés ; ce d’autant que l’Islam prône avant tout l’hygiène et les comportements vertueux (savoir être et savoir-faire). En vérité, il est de très loin préférable pour un musulman de connaître moins d’une dizaine de sourates et d’avoir une bonne éducation que de mémoriser tout le Coran sans le pratiquer. En outre, l’Islam tient particulièrement à son image de marque et ne saurait donc cautionner la situation actuelle des ‘’daaras’’ qui relève d’une tradition d’un autre âge. Oui, selon Cheikh Ahmad Tidjani Chérif, ‘’celui qui n’est pas en phase avec son temps est sûrement égaré’’. Et pour Cheikh El Hadj Malick Sy, ‘’celui qui renonce à la vie présente perdra sa religion et risque de ne plus la retrouver’’. Ainsi, l’introduction du Français (ou de l’anglais) dans les ‘’daaras’’ doit être perçue comme une véritable aubaine, voire une exigence, car en vérité, on ne peut pas être un ouléma accompli si l’on ne maîtrise pas au moins une de ces deux langues ; en effet, le Prophète (PSL) a une mission universelle ; ainsi, ses héritiers doivent forcément pouvoir s’adresser à leur communauté dans leur langue, mais aussi au reste du monde par le biais du Français ou de l’Anglais qui sont devenus incontournables. Au vu de tout cela, l’enseignement religieux doit être repensé et les maîtres coraniques réformés.
En vérité, toutes les tares et déviations que nous déplorons entrent dans le cadre des signes de la fin des temps (‘’akhirou zamân’’) prédits par le Prophète (psl) ; oui, nous assistons à une véritable crise des valeurs : ‘’les gens négligent la prière, s’abandonnent à leurs passions et glorifient les riches …, le croyant sera plus méprisé qu’une servante, son cœur fondra comme le sel dans l’eau, à cause de tout ce qu’il verra d’illicite sans qu’il n’y puisse rien changer … ; les gouvernants seront débauchés, les ministres crapuleux [ou libertins], les hommes feront le pèlerinage de manière négligée pour se faire une respectabilité, les commerçants pour y faire du commerce, les indigents, pour s’y livrer à la mendicité et les gens instruits [ceux qui connaissent le Coran] par ostentation et pour faire parler d’eux … . Et Dieu enverra des serpents jaunes [missionnaires] piquer les’ Oulémas pour avoir constaté l’illicite sans rien faire pour s’y opposer. ». (Ibn Mardawayhi)
Et à l’évidence, dans un tel contexte, l’école coranique (les ‘’daaras’’) est forcément en crise et doit préoccuper nos dirigeants politiques laïcs. Malheureusement, l’école laïque que nous avons héritée du colonialiste est loin d’être la solution – sinon plus malade ; en effet, à l’origine (1905), son objectif était de ‘’sortir Dieu de l’école’’ ; et c’est la persistance de cette tradition néfaste qui est à l’origine de tous les maux dont elle souffre et qui a gangrené la presque totalité de l’espace publique ; ainsi, pour la soigner, il ne suffit pas d’introduire l’éducation religieuse à l’école, mais il faut nécessairement réactiver toutes nos connaissances profanes, en y introduisant la dimension spirituelle – et dans tous les domaines (Politique, économie, psychologie, sociologie, médecine, etc.) ; et c’est là, à l’évidence, un programme titanesque – Un véritable challenge, ‘’surhumain’’, à la limite !
Et certes, il faut nécessairement moderniser les ‘’daaras’’ – c’est une exigence islamique ; mais il urge aussi pour tous ceux qui dénigrent les ‘’daaras’’ de faire d’abord leur propre introspection, en ayant à l’esprit cette célèbre mise en garde de Jésus Christ : (41) Et pourquoi regardes-tu la brindille de paille qui est dans l’œil de ton frère, et tu ne t’aperçois pas de la poutre qui est dans ton propre œil ? (42) Comment peux-tu dire à ton frère : Frère, permets que j’ôte la brindille de paille qui est dans ton œil, alors que tu ne vois pas la poutre qui est dans ton œil ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôter la brindille de paille qui est dans l’œil de ton frère. (Luc 6 : 41-42)
DOCTEUR MOUHAMADOU BAMBA NDIAYE
Ancien Interne des Hôpitaux de Dakar
Pédiatre à Thiès
Recteur de l’Université Virtuelle « La Sagesse » de la Fondation Serigne Babacar SY Ihsaan – Bienfaisance (Thiès).
Une bonne contribution qui je l’espère permettra à nos gouvernants et ls musulmans que ns somme de trouver une issue heureuse à cette douloureuse situation des talibés.
awa niang
Awa, merci infiniment pour vos encouragements ! Que Dieu vous bénisse !
En gardant le silence sur ce spectacle d’enfants, le Sénégal se fait complice de crimes.
La ressource humaine est le pivot inéluctable de toute stratégie de développement durable. Pour préparer l’homme à servir sa société, il convient de le protéger, de le soigner, de l’éduquer et de le former dès son plus jeune âge pour l’amener à grandir avec des valeurs bien encrées d’Homme et de Citoyen. Un pays comme le Sénégal se vante d’avoir réalisé des pas de géant sur le chemin difficile de la démocratie et des droits de l’Homme, mais garde un silence criminel face au spectacle déplorable des enfants à
peine affranchis de la fleur de l’âge, mendiant dans la rue, morveux, puants, pieds nus, ouverts à tous les risques sanitaires. « Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté doit commencer par leur assurer l’existence « .
Quel est ce pays où une maman, après avoir assumé de longs mois de maternité et risqué sa vie en donnant la vie, est capable de regarder le fruit de ses entrailles tendre la main aux passants, se nourrir dans les poubelles, s’exposer aux risques mortels de la rue ? Quel est ce pays où la religion, au lieu de rendre à l’Homme toute sa dignité, est utilisée comme prétexte pour mendier ? L’analphabétisme, le dogmatisme et le fatalisme conduisent des couples à faire des enfants sans vraiment réfléchir sur les moyens pour les élever et les entretenir. Des femmes, sous la pression des maris tyranniques et inconscients, attendent un enfant sans pouvoir faire face aux coûts des visites prénatales indispensables ni même s’offrir une alimentation conforme à leur état et favorable au développement normal de la vie intra-utérine qu’elles portent. On fait un enfant et lorsqu’on se sait incapable de l’entretenir, on l »offre » à sa tante, à son frère ou à son cousin comme un objet, un fardeau dont on se décharge. C’est une honte !
Des maîtres coraniques envoient des enfants dans la rue aux heures creuses de l’apprentissage du Coran en prétendant les initier à l’humilité et aux difficultés de la vie. Ce raisonnement est irrecevable pour quiconque est conscient de la valeur de l’être humain et de la vulnérabilité de l’enfant. Enseigner la religion est une noble tache mais habituer l’enfant au gain facile et à la rue dès son plus jeune âge est une catastrophe éducationnelle. C’est que la mendicité est érigée en pratique courante et elle est si encrée que personne ne s’en offusque. Ils sont nombreux les sénégalais partisans du moindre effort qui squattent les bureaux pour une mendicité insidieuse, qui accablent leur frère parti se battre à l’étranger pour réclamer un mandat, qui jouent au nécessiteux à la veille des grandes fêtes…
Au premier banc des accusés se trouve l’Etat. C’est à lui que revient, à titre principal, la responsabilité de veiller à la sûreté et au bien-être des citoyens ainsi qu’au respect des lois et règlements. L‘Etat a produit beaucoup de discours sur le phénomène mais, peu d’actions concrètes reposant sur une volonté politique réelle, ont pu être observées. Or, dans un domaine aussi sensible, intégrant l’impératif de protection des enfants, espoir du futur, « il vaut mieux faire que dire ». Si les petits mendiants avaient l’âge requis pour voter, l’Etat leur aurait peut-être accordé un regard plus attentif, dans le cadre de sa logique clientéliste. Au lieu d’attaquer le fléau à la base, on se contente d’actions ponctuelles en regroupant les talibés sous la caméra nationale un jour de ramadan pour leur donner du riz au gras, on se limite à vanter les mérites des centres isolés aux capacités d’accueil dérisoires, alors que l’écrasante majorité des enfants mendiants se trouve dans la rue et parfois jusqu’aux heures tardives de la nuit, constituant des proies faciles pour les pédophiles et les trafiquants d’enfants. Sachant que beaucoup d’écoles d’où sortent des enfants certes rompus à la récitation du Coran, mais hautement diplômés en mendicité, sont sous le contrôle de guides religieux, les gouvernants d’hier et d’aujourd’hui se gardent d’élever la voix pour conserver la sympathie de ces guides religieux et capter les voies électorales de leurs fidèles.
Des ruptures décisives s’imposent.
La sensibilisation des personnes concernées semble avoir montré ses limites. Y a-t-il d’ailleurs meilleure sensibilisation que l’image de ces bouts de bois de Dieu innocents tendant une main famélique à des adultes souvent indifférents qui cherchent à peine à apaiser leur conscience en faisant l’aumône à ces mendiants précoces ?
La reconnaissance officielle des écoles coraniques, leur dotation en cantines scolaires et en associations de parents d’élèves pourraient être expérimentées.
La mendicité est interdite en tant que telle, mais il urge de construire un cadre législatif pour punir, avec toute la rigueur que requiert la protection des citoyens vulnérables, tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à faire d’un enfant un mendiant. Ni les parents ni les maîtres ne seraient alors épargnés.
Mais adopter une loi n’a jamais résolu un problème en Afrique où la réglementation est souverainement bafouée par les citoyens et même par les gouvernants, souvent en toute impunité. D’ailleurs, les dispositions pertinentes des conventions sur les droits de l’enfant ratifiées par le Sénégal sont royalement ignorées. Il s’agira alors de mettre en place un dispositif draconien de surveillance à tous les grands carrefours pour traquer ce fléau qui offre une triste image d’un pays situé à la porte de l’Afrique.
Rosnert Ludovic Alissoutin
Docteur Bamba Ndiaye… ce texte date de plus de 10 ans… et on avait critiqué ce texte… vous, vous parlez maintenant, une fois le malheur arrivé… c’est trop facile… NOUS SOMMES TOUS RESPONSABLES !!!!!!