De son nom scientifique SARS-COV 2, le Coronavirus ou Covid-19 surprend le monde entier, de par son ampleur, sa vitesse de propagation et son impact qui bousculent tous les us et coutumes : politiques, économiques, sociales et même scientifiques. En somme la pandémie du coronavirus fait vaciller tous les repères et rappelle avec force, la valeur du travail et la nécessaire solidarité entre les nations et les peuples sans laquelle, aucun ordre mondial n’est stable ni viable.
Au moment où le pouvoir financier qui a fait voler en éclat le contrat social si cher à Jean -Jacques Rousseau est à son summum, la survenue du COVID-19 n’est assurément pas fortuite, dans un monde marqué par le développement exponentiel des technologies et l’expansion du numérique, mais également des inégalités criardes.
Rien qu’en ce troisième millénaire, nous avons vécu trois Krachs boursiers : en 2000, 2008 et celui actuel de 2020, conséquence directe de la pandémie du coronavirus. Les deux crises boursières de 2000 et 2008 ainsi que celles qui les ont précédées, ont été voulues et créées de toutes pièces par le pouvoir financier. En effet, le Capital brandit à échéance régulière la menace de paralyser l’activité économique planétaire et des pertes massives d’emplois dans le seul but de se faire renflouer les comptes par les gouvernements et les banques centrales.
Rappelons qu’en 2008 les fonds libérés par les Etats Unis et l’Europe pour secourir le système financier, feraient de chaque habitant de la terre un millionnaire, s’ils étaient redistribués équitablement à la population mondiale. Ainsi, la pauvreté et les inégalités seraient éradiquées, partant, l’économie mondiale se retrouverait boostée par la relance de la consommation, massivement portée par les sept milliards et demi d’habitants de la terre dotés chacun de revenus substantiels.
La pandémie ferme les frontières dans un contexte de mondialisation.
A la différence des deux précédentes crises, qui furent une création du système financier néolibéral, le krach de 2020 a une origine exogène : le COVID 19. Dans ce cas-ci donc c’est « l’infiniment petit » qui menace de paralyser « l’infiniment grand » et de bouleverser l’ordre économique mondial établi.
Les frontières que la mondialisation avait grandement ouvertes sont fermées par « l’infiniment petit » confinant ainsi « l’infiniment grand » avec des « gestes barrières » à toute convivialité.
Pour une fois, les vulnérables d’antan, ne le sont pas plus que les privilégiés. Le Covid-19 a fait prendre en compte les marginaux ou couches dites déshéritées composées de travailleurs atypiques (boudiou man), Sans Domiciles Fixes (SDF) et autres hères, rappelant ainsi fortement que nous avons tous la même dignité humaine.
Par exemple, le gouverneur de Californie a débloqué 50 millions de dollars pour acheter des mobile homes et louer des chambres d’hôtels afin de domicilier les SDF. Dans le comté de Los Angeles, près de cinquante mille SDF sont logés gracieusement, dans des camping-cars avec vue sur l’océan Pacific et suivis médicalement. Même scénario à Las Vegas ou plus de 500 SDF ont été logés par les responsables de la ville.
La Russie envoie aux Etats Unis un avion Antonov-124 des forces aériennes, chargé d’aide humanitaire, avec à son bord des masques médicaux et de l’équipement médical divers. Qui l’aurait cru ?
En Tunisie, les travailleurs précaires bravent l’interdiction de circuler et refusent le confinement. « Laissez-moi ramener du pain à mes enfants! Peu importe si je meurs, je partirai en martyr », a déclaré un maçon à l’Agence Française de Presse (AFP). Cette bravade massivement suivie, a obligé le gouvernement tunisien à créer le 21 mars un fond d’urgence de 50 millions d’euros sous forme d’aide directe aux nécessiteux pour mieux supporter le confinement.
Un site britannique de vente de tenues et accessoires fétichistes a annoncé avoir donné tout son stock de combinaisons médicales aux soignants d’un hôpital « désespérés », face au manque d’équipement pour se protéger du coronavirus.
On se rend compte que le système se transforme subitement en généreux donateur, à présent qu’il est sérieusement menacé d’effondrement, malgré toutes les mesures de prévention prises pour se maintenir. En fait, la précaution essentielle qui aurait dû être prise, a toujours été reléguée au second plan : la prévention sociale.
Pour lutter contre la pandémie du COVID 19, la résilience sociale qui n’a jamais été intégrée dans l’élaboration des politiques publiques, est devenu aujourd’hui incontournable et la gouvernance du pouvoir est largement partagée dans la solidarité et la concertation avec la représentation populaire. L’égalité sociale se dessine.
Dans l’euro groupe composé de l’ensemble des pays de la zone euro, le débat sur le redémarrage simultané de leurs économies se pose en termes de solidarité.
Après l’eurobonds, on va certainement vers la «pandémie-bonds», ou le «corona bonds», en tout cas vers un nouvel étalon de la solidarité face au coronavirus.
Mais, à quand donc le « social-bonds » ?
Au demeurant il s’agit d’autant d’actes posés ou envisagés pour se prémunir de l’insécurité ambiante, induite par la pandémie du Covid 19.
L’insécurité pour qui ?
Pour les impassibles privilégiés certainement, car en ce qui concerne les marginales couches vulnérables corollaires du système néolibéral, elles ont de tout temps subi « les insécurités » : sociale, économique, affective, éducative ainsi que l’absence ou le manque de services publics.
La pandémie du COVID 19 met à rude épreuve l’ordre mondial établi, bouleverse les fondamentaux économiques et met à nu les limites de toutes les prévisions programmatiques du système économique, en même temps qu’elle met en exergue la valeur du travail, et rappelle les valeurs cardinales d’humilité et de solidarité nécessaires au vivre en commun.
En outre, la pandémie du coronavirus rappelle avec force, la nécessité d’un nouveau contrat social que nous, militants de l’équité, de la justice et du progrès social avons toujours réclamé. L’humanité doit se doter d’une nouvelle conscience sociale pour garantir sa stabilité.
A se demander en fin de compte si le COVID-19 n’ouvre pas une nouvelle ère de justice sociale ?
Des voix autorisées semblent le confirmer. Dans son allocution du 03 avril 2020, s’adressant à la nation, Le Président Macky SALL, après avoir décliné sa stratégie de résilience économique et sociale face au coronavirus, pose la problématique de la révision de l’ordre économique mondial.
Dans le même sens, le Ministre français de l’économie et des finances Bruno Le Maire pense que, la crise du Covid-19 offre l’occasion de tout remettre en cause, de créer un nouveau modèle économique, plus humain, plus solidaire, plus altruiste et empathique. «Il faut un nouveau capitalisme plus respectueux des personnes, plus soucieux de lutter contre les inégalités et respectueux de l’environnement ».
Trois cents ans après, la pensée de Jean-Jacques Rousseau : «la communauté socialement cohérente garantit l’autonomie sociale », demeure la sève nourricière du combat que nous menons pour l’avènement d’un nouveau contrat social visant à renforcer la gouvernance économique et environnementale, le développement communautaire et la justice sociale.
Cheikh DIOP SG CNTS/FC
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La pandémie du coronavirus pose-t-elle les jalons d’un nouvel ordre social mondial ?
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